Pour faire suite à mon billet sur les trois voies de la vie chrétienne, je voudrais aujourd’hui détailler différentes formes de sainteté. Je ne m’appuierai pas forcément sur les critères de canonisation de l’Eglise catholique romaine, car je considère qu’elle passe à côté de nombre de saints, et qu’elle en canonise d’autres peut-être à tort… Je ne suivrai pas non plus les discours faciles qui tendent, au jour de la Toussaint par exemple, à prêcher que tous les chrétiens sincères sont des saints. Car nous sommes, je pense, très loin du compte.
Basons-nous plutôt sur le Confiteor :
Je confesse à Dieu tout-puissant,
Je reconnais devant mes frères
que j’ai péché,
en pensée, en parole, par action et par omission.
Oui, j’ai vraiment péché.
C’est pourquoi, je supplie la Vierge Marie,
les anges et tous les saints,
et vous aussi, mes frères,
de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.
Il s’agit de savoir reconnaître, d’abord, que l’on a péché. Et même, de le reconnaître devant autrui. Cela implique d’avoir le sens du péché et la volonté de l’éviter. Or, nombre de nos contemporains ne savent plus ce qu’est le péché et le commettent sans vergogne et sans jamais s’en excuser et en demander pardon, le chrétien pratiquant d’ailleurs peut-être tout autant que les autres.
Un premier indice de sainteté, c’est de reconnaître devant Dieu que l’on a péché, de lui en demander pardon et tout autant d’en demander pardon au prochain que l’on a blessé et dans la mesure du possible, de s’amender, de réparer le tort qu’on a causé. Qui peut prétendre à la sainteté alors qu’il porte en lui-même des fautes pour lesquelles il n’a jamais demandé pardon à sa victime ni fait un geste envers elle en volonté de réparation ? Je pense que la miséricorde de Dieu est une chose, mais qu’on la pousse trop loin quand on fait abstraction de la personne blessée, lésée, peut-être irrémédiablement marquée par la faute de l’autre. Les confesseurs ont là à se remettre en question, quand ils n’encouragent plus qu’à une pénitence sans amendement réel. Et donc, déclarer saintes des personnes qui ont quitté cette vie en laissant derrière elles des victimes de leur péché personnel sans consolation, voire dans la désolation, me semble très excessif.
Revenons au Confiteor, qui nous aide à discerner le péché dans nos vies, et bigre, il est redoutablement facile à commettre : en pensée, en parole, par action et par omission.
En pensée ! Les pensées mauvaises peuvent nous miner et ruiner nos aspirations à la sainteté. Murmurer contre son prochain même intérieurement, fomenter des revanches et souhaiter du mal, comploter pour détruire autrui psychiquement… La liste pourrait être longue. A ces pensées mauvaises sont souvent étroitement liés les “péchés de langue”, tous ces bavardages, commérages, médisances, calomnies, propagations de rumeurs qui sont autant de poignards contre le prochain visé. J’aime le silence des ordres religieux, qui ont compris qu’éviter le péché de langue, c’était déjà couper court à bien des maux. On se moque parfois des personnes taciturnes : peut-être n’ont-elles tout simplement pas envie de participer aux lynchages verbaux, et c’est tout à leur honneur. Quand des conversations ne visent qu’à dire du mal des absents ou à faire preuve d’indiscrétion à leur propos, fuyons !
Le péché par action est sans doute le plus connu, revenons à l’Evangile et aux dix commandements et nous saurons ce qu’il convient de faire et d’éviter.
Le péché par omission : celui-là laisse songeur, car qui ne le commet pas ? Négliger de rendre grâce à Dieu, vivre dans l’opulence sans se préoccuper du pauvre ou du migrant qui meurt à nos portes, tous, en Occident, nous pouvons en être coupables, et nous savons quel sort a été réservé au riche qui négligeait Lazare ( Luc 16, 19-31). A méditer, chaque jour que Dieu fait…
Après ce développement sur les différentes formes de péché, j’en reviens à la sainteté. L’atteindre, ce n’est certes pas, dans sa vie, n’avoir jamais péché, mais bien plutôt avoir pris conscience de ses manquements et les avoir, sinon confessés, du moins regrettés, présentés à Dieu et compensés auprès du prochain quand cela était possible.
On peut avoir une idée de la sainteté en considérant l’attitude contraire aux péchés nommés dans le Confiteor : veiller à ses pensées pour qu’elles soient les plus pures possibles, éviter au long des jours les péchés de langue, agir conformément aux Evangiles et aux dix commandements, pratiquer la charité autant qu’on en a les moyens. Et ainsi, on pourrait en déduire quatre profils de saint(e)s :
– Les cœurs purs, qui ont gardé un esprit d’enfance spirituelle, capables de s’émerveiller devant les beautés de la création, les qualités de leurs proches ou moins proches, l’infinie bonté de Dieu. Souvent, ces âmes-là sont aussi très humbles et reconnaissent volontiers les autres comme supérieurs à elles en bien des points. Bienheureux sont-ils !
– Ceux qui ne médisent pas, qui aiment le silence, qui l’entretiennent ou qui n’hésitent pas à prendre le parti de la personne objet de médisances ou de calomnies. Bienheureux sont-ils !
– Les justes devant Dieu, ceux qui mettent en pratique les recommandations de Jésus et les dix commandements. Bienheureux sont-ils, surtout s’ils le font dans l’humilité et en s’abstenant de juger autrui !
– Ceux qui, en actes et en vérité, pratiquent les œuvres de charité, à condition de ne pas le faire claironner devant eux, de fuir la médiatisation, de n’attendre une éventuelle récompense que de Dieu et de Dieu seul ! Bienheureux sont-ils !
Enfin, j’ajouterai une autre manière encore de cheminer vers la sainteté : c’est de supporter avec patience et sans murmurer contre Dieu l’adversité, la souffrance, la maladie, la pauvreté… Il ne s’agit pas d’être résigné et défaitiste, non, c’est autre chose. Demeurer digne malgré les vicissitudes de la vie, se contenter de peu en espérant toujours en la Providence divine. Chercher à être comme le Christ sur la Croix, remettre à Dieu sa vie, implorer sur son persécuteur la grâce et, coûte que coûte, garder la foi. Que l’on continue à vivre ou que l’on meure. Garder confiance en l’immensité de la bienveillance divine. Et aimer Dieu, toujours, par-dessus tout et davantage que toute créature !
1 commentaire
Bonjour,
« La vérité se révèle plutôt au cœur de l’homme qu’à sa raison », dit Hippolyte Destrem, parce que le cœur de l’homme est inspiré par l’Esprit féminin.
Pour trouver la Vérité, il n’y a que deux voies à suivre : celle de la Science et celle de l’Amour.
La Religion, c’est la voie de l’Amour.
L’Amour, c’est le lien moral qui unit l’homme à l’Esprit féminin, et c’est ce lien qui est la Religion.
L’esprit, dit Basilide, c’est l’âme de l’âme, pour ainsi dire ; il s’unit à elle, il l’éclaire, il l’arrache à la terre et l’élève avec lui dans le ciel ; « Et elle me donnera des ailes comme celle de la colombe ; je volerai avec elle dans le ciel et je dirai alors : Je vis à jamais et je reposerai en elle, parce que la reine se tient à ma droite en vêtements dorés, parée de couleurs variées. » (Aurora Consurgens, septième parabole)
La « transformation », écrit Carl Gustav Jung, est un miracle qui ne peut s’accomplir sans l’aide de « Dieu » (Mysterium conjunctionis, tome II).
« Alors, soudainement, à son heure, Dieu vient. Cette expérience capitale est une perception certaine, immédiate, de Dieu. La certitude absolue se fait jour que l’on n’est pas seul au dedans de soi. Il semble que, sur tous les points, on se sente en contact avec un être de même nature, sympathique, incommensurablement plus sage, stable et désintéressé. C’est une impression analogue, mais plus complète et plus intime, à celle que l’on éprouve aux côtés d’une personne tendrement aimée et en qui l’on a une entière confiance. » (H. G. Wells, Dieu, l’invisible Roi).
Dans la Bhagavad-Gîtâ qui est la partie centrale du poème épique Mahâbhârata, nous trouvons Krishna et Arjouna qui sont représentés comme « montés sur un même char ». Ce « char », quelques fois « chariot », est ce véhicule que l’on retrouve, entre autres, dans le récit biblique a propos du prophète Elie, d’Hénoch, ou dans le « Currus triumphalis Antimonii » de Basile Valentin.
Toutes les initiations, toutes les doctrines mythologiques, ne tendaient qu’à alléger l’âme du poids de la matière, à l’épurer, à l’éclairer par l’irradiation de l’intelligence, afin que, désireuse des biens spirituels et s’élançant hors du cercle des générations, elle pût s’élever jusqu’à la source de son existence. Les différents cultes qui ont passé sur la terre n’avaient pas d’autre but et obéissaient au même esprit. La connaissance de « Dieu » a été partout offerte comme le terme de la sagesse, sa ressemblance comme le comble de la perfection, et sa jouissance comme le suprême objet de tous les désirs.
Le bonheur, a dit Eckhart von Hochheim (dit Maître Eckhart), est l’état créateur dans lequel on se trouve lorsque l’âme comprend Dieu.
Cordialement.