Cet article risque de m’attirer les foudres de quelques-uns. Je voulais simplement donner mon sentiment, qui n’engage que moi, sur cette élection présidentielle.
Je ne suis militante d’aucun parti, et si j’ai voté presque toute ma vie à gauche – étant originaire d’un milieu très modeste, la victoire de Mitterrand en 1981 a été pour ma famille une très grande espérance de mieux-aller, j’avais alors 17 ans – je ne suis plus aussi systématique dans mes bulletins de vote.
J’ai plutôt mal vécu la laïcité dure des années Hollande/Peillon, qui virait à l’obsession laïcarde dans l’Education Nationale qui m’embauche. Les conférences pédagogiques que l’on nous imposait alors frisaient parfois le ridicule, quand on nous enseignait à parler des traditions païennes ancestrales autour du solstice d’hiver pour éluder en classe les références au Noël chrétien. Et je ne me sentais pas en phase non plus, bien souvent, avec les options sociétales qui se sont mises à caractériser la gauche dans ces années-là. On s’éloignait de plus en plus des préoccupations de la classe ouvrière brandissant pleine d’espoir “la rose” naguère.
Bref, j’ai cessé à ce moment-là de voter unilatéralement à gauche.
Je n’avais pas apprécié non plus les années Sarkozy, ses formules parfois lapidaires, son manque de dignité souvent dans la fonction présidentielle, et au détour de certains faits divers, la stigmatisation qu’il orchestrait des personnes atteintes de troubles mentaux, cette façon de jeter en pâture aux foules et aux médias les supposés grands méchants schizophrènes, qui, faut-il le rappeler ici, mettent infiniment plus, par détresse profonde, leur propre vie en danger que celle d’autrui. C’est donc avec soulagement que je l’avais vu ne pas être réélu pour un second mandat.
Venons-en à Emmanuel Macron. J’avoue que je ne comprends pas la haine parfois violente dont il est l’objet. Je vais dans un premier temps dissocier l’homme de son projet politique. Eh bien, je trouve qu’il a une stature présidentielle que nous n’avons plus connue, je pense, depuis Jacques Chirac, dont je n’étais pas fan mais à qui je reconnais volontiers une bonne image donnée de la présidence de la République. Je concède à Emmanuel Macron de la prestance et de la densité dans ce rôle difficile. Je lui suis reconnaissante de sa gestion de la pandémie, n’ayant jamais pour ma part été outrée des restrictions que le contexte épidémique nous a imposées. Je les ai trouvées contraignantes mais justifiées. Ayant perdu plusieurs proches du Covid, dont une amie très chère, aux toutes premières semaines de la “première vague”, je me suis réjouie plus tard de l’arrivée des vaccins comme rempart contre les formes graves voire la mort, et j’ai apprécié la politique vaccinale engagée en France, qui plus est dans la gratuité.
En lien avec la pandémie, j’ai trouvé courageux et engagé le “quoi qu’il en coûte”. Des entreprises qui auraient été sacrifiées sans ce dispositif économique ont pu survivre, mal certes, mais survivre jusqu’à aujourd’hui.
Il en va de même pour les dernières semaines de crise liée à la guerre en Ukraine. Je trouve que le Président Macron demeure ferme et rassurant pour notre pays et crédible sur la scène internationale. Je n’aurais pas voulu, dans un tel contexte, lui confisquer le pouvoir. Pour le laisser à qui ?
En 1974 déjà, j’étais enfant mais je voyais Jean-Marie le Pen à la télévision et cet homme me faisait peur. Elections après élections, ses idées et ses discours m’ont révulsée. Je pense qu’il manque à la jeunesse d’aujourd’hui ce regard sur ce qu’a été le Front National à ses origines. Les beaux jeunes gens en costumes impeccables se revendiquent une respectabilité, mais personnellement, ils ne me font pas oublier les skinheads qui hantaient les coulisses du FN pendant ses années de progression électorale. J’ai en mémoire quelques profanations de cimetières juifs dans lesquelles les violents de la “peste brune” étaient impliqués. Il y en avait jusque dans mon village pourtant tout paisible, ceux que M. Zemmour qualifierait aujourd’hui de “bons Français de souche”. Eh oui.
Alors, même si Marine le Pen, avec son ravissant sourire, a balayé toutes ces souillures de son parti sous le tapis, personnellement je n’ai pas la mémoire courte, je me souviens à chaque instant d’où elle vient. Qu’elle s’en défende ou non, elle est héritière de ce qu’a engendré son père.
Pour ce qui est du programme de M. Macron, a-t-il réellement eu le temps de le mettre en œuvre, entre mai 2017 et fin 2019, toute initiative étant ensuite contrecarrée par la pandémie ? Ne pouvons-nous laisser à cet homme une chance de mieux s’entourer, d’avoir appris de ses erreurs, et de chercher à moderniser un pays qui s’essouffle ?
En choisissant un bulletin de vote à son nom, je n’ai pas voulu lui signer un chèque en blanc. Moi aussi je me soucie de la profonde fracture sociale et de la paupérisation d’une trop grande frange de notre société. Je conserve les valeurs qui m’animaient déjà à 17 ans : justice pour les plus modestes contre les castes qui s’enrichissent à leurs dépends ! Mais mon choix personnel n’est jamais dans la violence de rue. Je me trouvais à Toulouse le 13 avril 2019 et “l’Acte 22” des gilets jaunes m’a terrorisée. Emeutes dans les rues du centre ville, commerçants dans l’angoisse et forcés à baisser leurs rideaux, gaz lacrymogènes, poubelles éventrées, parterres de bouteilles et canettes d’alcool au soir, et cette cathédrale encerclée de quasi tanks entre lesquels j’ai dû me faufiler pour aller à la messe des Rameaux… Non, des radars routiers détruits aux monuments historiques endommagés, je ne peux cautionner une telle violence. Je peux entendre l’exaspération des classes de la société qui se sentent sacrifiées, mais adhérer à ce type de mouvement social, résolument non.
La démocratie est dans les urnes. Elle est à chérir en usant de son droit de vote, et à respecter quand les urnes ont parlé. Il nous reste les législatives pour nous exprimer encore. C’est aux urnes que chaque citoyen est attendu, et non dans les violences de rue ou les déferlements de haine sur les réseaux sociaux.
Merci à celles et ceux qui auront eu la patience de me lire jusqu’au bout.
(Photo prise par mes soins le 12 avril 2022 à Châtenois, au cours d’un réel bain de foule du candidat Emmanuel Macron. Il était certes en campagne, mais ne fuit pas le peuple, contrairement à ce qu’on dit toujours de lui.)
2 commentaires
Merci pour votre réflexion au sujet des élections et de la réélection d’Emmanuel MACRON.
nous oublions souvent je pense , que notre bulletin de vote n’est pas un geste “sans signification ni conséquences”, nous donnons une “mission” à un homme et le gouvernement qu’il va mettre sur pied, mais notre bulletin nous engage à faire, que , à notre niveau, nous mettions en oeuvre ce que nous attendons de lui.
J’aime beaucoup vos méditations… merci !
Merci à vous Suzanne Moutin pour votre passage sur le blog et ce commentaire qui est le premier sur la nouvelle formule du site ! 🙂