En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ?
Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi.
Pour aller où je vais, vous savez le chemin. »
Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? »
Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
Jean 14, 1-6
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Je suis toujours étonnée qu’en Eglise catholique notamment, on tienne si peu compte de ces paroles de Jésus. Oh bien sûr, la vie après la mort “au ciel” est prêchée à toutes les funérailles, au point que l’on laisse entendre que tout baptisé bénéficie après sa mort d’un passage automatique et immédiat au Ciel des bienheureux. Pour moi, je ne voudrais pas jouer les trouble-fêtes, mais il me semble que tout défunt n’est pas automatiquement et systématiquement dispensé de faire la lumière en lui-même, au moment du passage de la mort, et en état de rejoindre promptement les saints et bienheureux du Ciel. Au contraire, je ne contredis pas ma foi chrétienne en affirmant qu’un “ajustement” est nécessaire pour qu’une âme susceptible d’avoir beaucoup péché dans sa vie en prenne tout d’abord conscience à la lumière de l’Esprit Saint qui s’impose alors à elle pour lui montrer la distorsion entre ce qu’a été sa vie terrestre et les commandements divins. Il ne suffit pas de mourir pour être en état de sainteté ! Et la miséricorde de Dieu doit se désirer et se quêter avant de s’obtenir.
L’époque contemporaine édulcore singulièrement la sagesse chrétienne des siècles passés. Je suis pour ma part absolument persuadée que la notion de purgatoire n’est pas périmée, et que la prise de conscience des nuisances que nos comportements terrestres auront engendrées sur le prochain, la création et la postérité est un sine qua non. Il ne s’agit pas là d’un quelconque châtiment, mais seulement d’une douloureuse prise de conscience de nos manquements à l’Evangile. Et même si la notion de temps est abolie après la mort, cette confrontation avec nos propres péchés et erreurs peut être tellement violente qu’elle nous empêche réellement d’entrer dans la lumière des bienheureux pour un “temps” plus ou moins long. Ne nous méprenons pas : les grandes saintes telles que Thérèse d’Avila ou Thérèse de Lisieux ont certes eu des mots tout à fait confiants au moment de mourir, mais elles ne sont pas le commun des mortels, qui perdent la vie très souvent en état d’inadéquation notoire avec les commandements de Dieu. Je le dis et le redis souvent : à mon sens, le Ciel est un “lieu” (mot inadéquat), où vont tout de suite après leur mort les âmes déjà ajustées à cette dimension d’intercession dans l’abnégation, et dont la vie n’a pas été une longue nuisance pour autrui. Pour les autres, j’en suis sûre, il y a d’abord l’ajustement nécessaire dans la “dimension” du purgatoire.
Il me semblait nécessaire de préciser ces convictions avant de souligner que le Ciel d’après la mort ou d’après le purgatoire n’est pas encore à proprement parler le Royaume de Dieu promis dans toutes les Ecritures pour les temps eschatologiques. Là aussi, je pense que l’Eglise entretient une confusion en parlant de résurrection dès après la mort, ou de paradis. Il convient de distinguer le Ciel qui existe déjà, et que j’aime appeler “le Ciel de la première résurrection”, dimension d’intercession où sont présentement les saints et les bienheureux (“Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre” comme disait avant de mourir la petite Thérèse), et “la terre nouvelle sous les cieux nouveaux”, encore appelée Jérusalem céleste, qui est elle le Royaume promis et non encore advenu, dont le préalable indispensable est le retour du Christ en Gloire. Il le dit ici : “Je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi”.
Il nous incombe de désirer ardemment ce retour, de l’appeler de toutes nos prières et de tous nos vœux, car c’est uniquement quand il aura eu lieu que les rachetés à travers le monde et les temps pourront, à la suite du Christ Roi de gloire, pénétrer enfin dans cette terre de délices que l’on peut nommer Paradis ou Eden retrouvé. Là où sera le Christ Jésus Roi définitif de tous, et bien sûr le Père, de même que l’Esprit Saint donnant enfin la claire compréhension de sa Personne.
Jésus insiste bien, dans cette sorte de testament spirituel qu’il laisse à ses disciples peu avant sa Passion, en Jean 14 : il part, il revient, et il emmène où il sera. Absolument rien ne nous permet de penser et d’affirmer que le Royaume de Dieu promis de toute éternité sera un jour établi sur la présente terre où nous vivons. C’est un leurre de le croire, cela révèle plutôt notre incapacité à nous défaire de nos possessions et pouvoirs terrestres. J’en suis personnellement tout à fait convaincue : la présente planète Terre que l’homme a tellement malmenée, jusqu’au tragique de sa dérive actuelle, est vouée à la perdition. Les Ecritures ne sauraient mentir : ce que Dieu a promis à travers tous les Prophètes et le Verbe en personne advient, et advient promptement. C’est une terre nouvelle sous des cieux nouveaux qui sera offerte aux rachetés, tandis que la présente création, saccagée par l’homme, pourrait bien devenir alors l’enfer redouté depuis toujours et laissé à ceux qui refuseront le salut offert par le Dieu Trinité et révélé pleinement à la manifestation glorieuse du Christ.
Alors, au lieu d’en rire ou de me soupçonner de délire caractérisé, prenons au sérieux les Ecritures et appliquons-nous à vivre des préceptes de l’Evangile, en appelant de nos vœux ces temps bénis où tout sera renouvelé, pour notre bonheur éternel, pourvu que nous acceptions de quitter cette vallée de larmes et d’injustice qu’est déjà devenue pour d’innombrables humains la première création.