“Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites,
parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux
devant les hommes ;
vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas,
et vous ne laissez pas entrer
ceux qui veulent entrer !”
Matthieu 23, 13
©AELF
Waouh ! Jésus n’avait pas froid aux yeux !
En s’adressant de front à ceux qui dévoyaient les commandements de son Père et en voulaient déjà à sa vie, il savait bien qu’il marchait vers une condamnation certaine, mais cela n’a pas freiné son franc-parler. Plus encore que les Prophètes d’antan, il assumait son rôle d’éveilleur de consciences et de porte-parole du Père, lui le Verbe, pour dénoncer l’attitude la plus honnie de Dieu : l’hyprocrisie religieuse.
Hier, dimanche 27 août 2023, en Eglise catholique, a été proposé à la méditation Matthieu 16, 13-20.
A cette occasion, chacun a pu se demander qui était Jésus pour lui-même. Saine question, sur laquelle il convient de revenir encore et encore intérieurement. Répondre avec foi à cette question-là, comme Pierre le fit, c’est le fondement de la foi chrétienne.
« Tu es le Christ,
le Fils du Dieu vivant ! » Matthieu 16, 16
Heureux sommes-nous si nous mettons derrière chaque mot de cette profession de foi le sens qui en a été inspiré à Pierre par le Père, l’Esprit Saint et la grande proximité avec Jésus le Messie !
Je songe à certains scribes contemporains – entendons, les savants théologiens d’aujourd’hui – qui cherchent à nous démontrer que la conception virginale de Jésus est un ajout postérieur à la rédaction principale des évangiles de Luc et Matthieu, que cette croyance est donc optionnelle et que Jésus peut très bien être fils d’un homme – Joseph le fiancé de Marie, voire un violeur, cela ne les interroge pas plus que ça sur les intentions de Dieu… – voilà donc que ces théologiens de l’incrédulité gomment déjà de facto la mention “Fils de Dieu”. Ils contournent leur contradiction personnelle en parlant de paternité spirituelle, d’élection et d’onction de Jésus à la manière de David ou d’autres rois ou prophètes, ramenant en cela le Christ Jésus à leur propre condition de créature, c’est-à-dire d’homme pécheur. Et pour que leur détournement de l’authenticité de la foi chrétienne soit complet, ils sous-entendent même que Jésus aurait très bien pu pécher, à leur image, ici ou là.
Ce faisant, ils troublent la foi confiante des moins savants qu’eux-mêmes, impressionnés par leur liste de diplômes universitaires, et le mal est fait : on ne sait plus vraiment si Jésus était le Fils de Dieu ou un simple homme un peu plus inspiré que la moyenne…
Ajoutons à ces scribes imbus de leur supériorité intellectuelle sur l’ensemble des croyants les pharisiens de la bonne moralité : le fameux “Prenez et mangez en tous, SAUF…”
– les divorcés ayant rencontré un nouveau conjoint – d’affreux adultères !
– les couples en “situation irrégulière” au regard du catéchisme de l’Eglise catholique – union libre, couple homosexuel…
– les pratiquants qui ne sont pas “en état de grâce” – confession trop lointaine,
– les chrétiens d’autres confessions qui ne peuvent justifier d’une catéchisation catholique en bonne et due forme,
et je crois que l’on pourrait allonger encore la liste…
Ces pharisiens-là tiennent beaucoup à la fameuse parole de Jésus méditée aussi hier :
« Tu es Pierre,
et sur cette pierre je bâtirai mon Église ;
et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Je te donnerai les clés du royaume des Cieux :
tout ce que tu auras lié sur la terre
sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras délié sur la terre
sera délié dans les cieux. » (Matthieu 16, 18-19)
Ah, que ne ferait-on pas dire à ces versets !
La seule Eglise digne de ce nom et vraiment porteuse de salut serait celle confiée aux successeurs réputés légitimes de Pierre : les papes. Outre les clés du Royaume, ce qui n’est déjà pas rien, cette Eglise-là disposerait de la plénitude de la vérité, excusez du peu. Ce qui signifierait que toutes les autres assemblées chrétiennes mijotent dans l’erreur et l’hérésie, la définition de l’hérésie étant pour le catholique : la croyance qui n’est pas celle de mon église à moi. Et donc, si vous ne pouvez croire par exemple que Jésus à sa naissance ait traversé par magie l’hymen de sa mère demeurant vierge pour toujours (en accouchant de son premier-né et dans sa vie conjugale postérieure), alors vous êtes un affreux hérétique. De même, si vous ressentez profondément la visite du Seigneur Jésus en communiant à la Sainte Cène protestante, si vous discernez son Corps et son Sang dans des espèces non consacrées par un prêtre catholique et une longue prière eucharistique rituelle, conforme au missel du jour, horreur : vous êtes forcément dans l’illusion et l’hérésie!
Mais bien sûr, le pharisien demeure toujours le Juif d’à-côté, et Pierre ayant définitivement le pouvoir de “lier et délier”, il ouvrira le Royaume sans problème aux bienheureux bénéficiaires des sept sacrements catholiques, quant aux autres… il faut peut-être prier pour le salut de ces malheureux hérétiques ou catholiques “non conformes” au droit canon, n’est-ce pas…
Qu’ai-je fait là ? N’ai-je pas interprété l’Evangile en dehors du sacro-saint magistère catholique ? De quel droit ? “Par quelle autorité” ? En plus je suis une femme, non supervisée par un clerc confesseur / directeur de conscience, sacrilège sur sacrilège !
Seigneur Jésus, toi qui discernais et dénonçais toutes les hypocrisies de ton temps, de ta tradition religieuse, apprends-nous, au souffle de l’Esprit, à ne pas avoir froid aux yeux, tout comme toi, face aux énoncés de foi trompeurs et aux hypocrisies chrétiennes contemporaines !
Image : Jésus parmi les docteurs, Albrecht Dürer, 1506