Notre vie quelle est-elle ? Comment évolue-t-elle au fil des jours, des mois, des années… il y a une profonde illusion à croire qu’elle est prise dans une régularité. Non elle avance, elle se déploie où elle se trouve et, à un moment, elle s’effondre et tombe, en s’anéantissant… Elle tombe, ne serait-ce que par le vieillissement, mais bien d’autres causes peuvent agir… Et, c’est là, en ce point, surtout là en fait, que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ vient retentir en nous… Ce passage de Saint Luc nous plonge dans notre situation commune. La situation de l’homme, de tout homme, là où le Seigneur vient nous rejoindre. C’est bien en ce lieu où doit s’amorcer, pour chacun, le temps de l’attente véritable au cœur de notre situation, en notre monde. De précieuses indications sur la manière d’être nous sont données dans ce passage de Saint Luc, indications qui peuvent accompagner toute notre existence. Tentons de percevoir cette situation en sa profondeur, notre situation, de comprendre ce qui retourne notre façon de la voir, de nous approprier ce qui nous est demandé au cœur de cette situation par le Seigneur… Entrons encore une fois dans l’esprit de l’Avent !
1. « La crainte des malheurs arrivant sur le monde »En ces jours de grave crise pour notre pays, nous comprenons bien mieux qu’à d’autres époques de notre histoire commune ce que peut vouloir dire que « les puissances des cieux soient ébranlées ». Nous concevons que le monde dans lequel nous évoluons puisse vaciller, se décomposer. Avec l’ensemble des relations, des manières de faire, de voir, de dire qui ne marchent plus. Tout semble ne plus avoir le moindre poids, la moindre consistance, je ne puis plus me situer, je suis perdu. L’activité s’arrête, la base de l’échange n’existe plus. Cela peut être aussi, pour ma vie propre, le geste que je ne puis plus poser, le souvenir que je perds et qui me fait tourner en rond. Tout se grippe, s’effondre, toute nouveauté devient inquiétante, angoissante… Nous comprenons alors qu’une peur terrible puisse nous saisir, lorsque nos repères s’effondrent… Etre dans cette situation, nous ouvre à une nouvelle manière de nous ouvrir à la Bonne Nouvelle, en regardant aussi autrement notre situation. Car, tout ne s’effondre pas, il nous est dit qu’un subsiste, qu’un se tient, qu’un vient… Le Fils de l’homme ! Et ce Fils de l’homme vient nous révéler ce qui compte vraiment en nos vies !
2. « On verra le Fils de l’homme venir dans la nuée » Un Fils d’homme apparaît. Il se tient en ce monde qui s’effondre. Il tient parce qu’il ne dépend pas de ce système, de ce monde, il n’est pas lié à lui, il vient en ce monde de la nuée. Il prend son appui sur autre chose que le monde. Il ne tient pas à lui, il n’est pas tenu par le monde. Il est libre par rapport au monde. Il tient d’un autre. Il vient avec puissance et gloire. Il se manifeste, il manifeste ce à quoi il tient, ce qui le tient, la relation vivante avec son Dieu. Il est l’homme fort qui remet les choses à leur place. Son surgissement manifeste l’inconsistance de ce sur quoi nous, les hommes, prenions appui. L’effondrement du monde et le surgissement du Fils de l’homme manifestent la vérité profonde de la situation, la possibilité qui nous est offerte, a contrario, d’être pleinement nous-mêmes. Nous pouvons être pleinement nous-mêmes, nous développer, nous tenir droit… en nous situant justement dans la situation, en la prenant pour ce qu’elle est vraiment.
3. « Restez éveillés et priez en tout temps » Dès lors, nous pouvons comprendre la juste manière de vivre pour nous en ce monde, en l’absence manifeste de ce Fils d’homme qui va venir. Nous pouvons accepter notre situation, en sachant que le monde ne peut nous satisfaire, qu’il est irrémédiablement limité. Nous devons, nous pouvons porter cette incomplétude du monde, ne pas nous fier à lui aussi bien dans l’excès du travail, que dans celui de la jouissance. Nous sommes appelés à bien davantage, et nous ne cherchons qu’à manifester ce davantage en notre vie. La prière signe en nous ce désir, cette attente, cette capacité de témoigner, cette capacité à tenir dans l’incomplétude des choses et des êtres… La prière nous maintient dans la vérité de notre situation, qui ne peut nous combler. Avec elle, nous supportons notre précarité, nous l’apprécions même. La précarité est ce qui ne peut s’obtenir que par la prière, c’est ce que dit son sens étymologique. Ainsi, nous restons libres par rapport à la situation. Alors, lorsqu’il viendra nous pourrons aller à lui, parce que nous n’aurons cessé de l’attendre en ce monde, sans être du monde. L’effondrement du monde ne nous abattra pas, au contraire nous donnera de manifester ce sur quoi nous tenons : l’attente de sa venue. En nous tenant droit, nous manifesterons que nous sommes devenus pleinement et simplement humains, des fils d’homme.
Père Jean-Luc
Lecture : Evangile de saint Luc 21, 25-28. 34-36
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« Nul n’a plus grande amitié que de donner sa vie pour ses amis ».
« Vous êtes mes amis. »
Vous êtes mes amis, nous dit le Seigneur.
Et vous le savez quand on a un ami, on lui parle, on passe du temps avec lui, on lui partage tout : les joies, les peines, les doutes, les pleurs, les rires. « Prier en tout temps » c’est cela, c’est parler au Seigneur comme un ami parle à son ami.
Avec notre ami nous serons capables de traverser les nuits les plus profondes, les tempêtes les plus déchaînées. Oui, nourrissons en nos cœurs l’amour du Seigneur et par l’amour et le désir, afin que lorsqu’il viendra, nous puissions porter les yeux sur lui en toute confiance (Aered de Rievault).
SEIGNEUR, QU’ IL EST BON DE POUVOIR NOUS DIRE
QUE TU NOUS CONSiDERES
COMME TES AMIS !
Et la belle homélie de frère Marco à Tamié :
La page d’évangile pour ce premier dimanche de l’Avent est à première vue terrifiante, nous en convenons, mais si nous ouvrons le journal, voici que nous y trouvons des choses, des événements aussi dramatiques : guerres, famines, chômage, tremblement de terre, cyclone… Apparemment il n’y a pas beaucoup de différence entre l’évangile et le journal.
Et pourtant, Évangile signifie Bonne nouvelle.
En quoi l’évangile de ce dimanche est bonne nouvelle pour nous, mais pas aussi pour les autres, le monde, la société ?
La réponse se trouve dans une toute petite phrase : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». La bonne nouvelle de ce premier dimanche de l’Avent c’est que le Seigneur Jésus va revenir. Bien sûr, il est déjà venu, il y a plus de deux mille ans et la fête de Noël le 25 décembre va nous le rappeler. Mais le Seigneur reviendra comme il nous l’a promis au terme de l’Histoire, au terme du monde.
Pourquoi va-t-il revenir ?
Pour amener l’Histoire du monde jusqu’à son accomplissement, car selon la promesse du Seigneur ce que nous appelons la fin du monde, ce ne sera pas une fin, mais un commencement, le commencement du monde nouveau, comme nous le rappelle l’Apocalypse : « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance car le monde ancien a disparu. »
Pour qui va-t-il revenir ?
Pour nous, pour tous les hommes pour nous faire entrer pour toujours dans la plénitude de la vie avec lui et avec tous ceux que nous aimons.
Oui, l’évangile de ce jour est une bonne nouvelle, la bonne nouvelle de l’espérance, de l’espérance du retour du Seigneur dans la force.
Pour Benoît XVI, l’espérance chrétienne c’est la “grande espérance”, c’est l’humanité entière appelée à la joie parfaite pour l’éternité avec le Père. C’est cette espérance-là qui doit nous polariser. Cette espérance n’est pas simplement pour demain, elle commence à nous être donnée. La vertu d’espérance n’est pas la capacité à attendre – plus ou moins patiemment – des lendemains dont on n’espère qu’il ne déchanteront pas trop. L’espérance est la perception actuelle – c’est une vertu théologale vivante pour aujourd’hui, donnée par le baptême – de l’oeuvre de Dieu en train de s’accomplir. Nous croyons que Dieu nous a sauvés en son Fils, nous espérons, nous percevons que le salut est en train de porter ses fruits en nous.”
« Nous ne savons ni le jour ni l’heure de sa venue », mais le Seigneur nous a dit de préparer le chemin de son retour dans la vigilance et dans la prière.
Qu’est-ce donc que « veiller » ? Dans l’évangile, rester éveillé, veiller, c’est une attitude spirituelle fondamentale, elle concerne notre coeur profond. Je pense qu’on peut l’expliquer ainsi : « Savez-vous ce que c’est d’attendre un ami, d’attendre qu’il vienne et de le voir tarder ?
Savez-vous ce que c’est que d’avoir un ami loin, d’attendre de ses nouvelles et de nous demander jour après jour ce qu’il fait, et s’il va bien ?
Savez-vous ce que c’est d’avoir un ami qui est tout près de vous, à tel point que vos yeux suivent les siens, que vous lisez dans son coeur, que vous prévoyez ses désirs, que vous souriez de son sourire ?
Veiller en attendant le retour du Seigneur c’est un peut tout cela, car le Seigneur Jésus est l’ami qui nous aime, un ami pour lequel nous comptons beaucoup. Un ami qui pour nous, pour chacun d’entre nous a donné sa vie. « Nul n’a plus grande amitié que de donner sa vie pour ses amis ». « Vous êtes mes amis. » Vous êtes mes amis, nous dit le Seigneur.
Et vous le savez quand on a un ami, on lui parle, on passe du temps avec lui, on lui partage tout : les joies, les peines, les doutes, les pleurs, les rires. « Prier en tout temps » c’est cela, c’est parler au Seigneur comme un ami parle à son ami.
Avec notre ami nous serons capables de traverser les nuits les plus profondes, les tempêtes les plus déchaînées. Oui, nourrissons en nos cœurs l’amour du Seigneur et par l’amour et le désir, afin que lorsqu’il viendra, nous puissions porter les yeux sur lui en toute confiance (Aered de Rievault).
Source : http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/la_liturgie/homelies_tamie/homelies-2013/homelie-avent-1/vue