Un jour, Jésus entra dans une synagogue ; il y avait là un homme dont la main était paralysée.
On observait Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat ; on pourrait ainsi l’accuser.
Il dit à l’homme qui avait la main paralysée : « Viens te mettre là devant tout le monde. » Et s’adressant aux autres :
« Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de tuer?» Mais ils se taisaient.
Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : « Étends la main. » Il l’étendit, et sa main redevint normale.
Une fois sortis, les pharisiens se réunirent avec les partisans d’Hérode contre Jésus, pour voir comment le faire périr.
Marc 3, 1-6
La lecture fréquente de l’Evangile, sa méditation et les longues heures que je consacre l’oraison depuis plusieurs années m’ont permis de m’approcher toujours davantage du coeur du Christ. Et les extraits d’Evangile comme celui d’aujourd’hui me blessent dans mon amour pour lui. Je trouve qu’on ne parle pas beaucoup de la souffrance continuelle qu’a dû être la vie publique de Jésus. Lui qui n’a jamais pensé de manière terrestre, se retrouve sans arrêt confronté à ces religieux s’estimant plus observants que lui et qui méditent, à chacune des oeuvres belles qu’il accomplit, de le faire périr.
Les débuts de la Genèse nous le montraient déjà : “Par la jalousie du diable, la mort est entrée dans le monde”(Sagesse 2,24)
La jalousie spirituelle est un puissant poison. C’est elle qui a mené Jésus à la croix. C’est elle aussi qui, dans une moindre mesure, a fait que l’on vienne vers lui davantage pour ses miracles et pour le pain multiplié que pour sa Parole. Que celui-là nous guérisse et nous nourrisse, mais qu’il ne vienne pas trop bouleverser notre ronronnement spirituel !
Je m’érige contre une certaine vision du Christ ayant connu une vie terrestre toute de grâce et de facilité. Il était Dieu sur terre, nous dit-on. Certains le prétendent même omniscient en son incarnation. On l’imagine doté d’un charisme incontestable, s’entourant de foules sous son charme, progressant dans l’histoire humaine qu’il devait inscrire dans l’Histoire des hommes avec une facilité déconcertante, convainquant chacun d’un simple regard. Et bien des écrits de fausses mystiques renforcent cette vision tout à fait erronée de Notre Seigneur. Certaines franges de l’Eglise d’aujourd’hui se complaisent encore dans cette illusion : on loue dans l’allégresse un Christ dansant de joie en paradis, presque indifférent à ce que nous souffrons dans ce monde.
On pourra me considérer comme une rabat-joie, mais le Christ duquel je m’approche dans l’oraison n’est pas celui-là. C’est le Fils de Dieu incarné dans une vie d’homme qui a eu à souffrir pendant toute sa vie publique de la violente jalousie spirituelle de ses contemporains – y compris parmi ses propres disciples. C’est le Christ qui connaît parfaitement les Ecritures de sa Tradition et qui a compris que le Serviteur souffrant d’Isaïe, ce serait lui. C’est le Christ qui sait que quoi qu’il fasse et dise, les religieux de son époque se sentiront plus légitimes que lui – par la prêtrise, la connaissance des Ecritures, le jugement d’autrui selon les préceptes de la Loi. C’est le Christ qui a très bien compris par avance que sa vie humaine se terminerait sur la croix du Golgotha – et quelle étrange théologie que celle des adeptes de la thèse de “l’accident de l’histoire” !
Ce Christ-là n’avait “pas une pierre pour reposer sa tête” (Luc 9,58). Tout au plus a-t-il eu la consolation de la visite secrète de Nicodème qui veut en savoir un peu plus sur lui, dans un esprit de bienveillance (Jean 3). Son disciple Jean “celui que Jésus aimait”, sans doute plus intimement son ami que tous les autres – le bon Pierre, fidèle et solide, refusera pourtant obstinément d’entendre de sa bouche ses prophéties sur sa passion ! Il avait fort heureusement des femmes aimantes pour le réconforter : Marie sa mère bien sûr, l’entière et fidèle Marie de Magdala, la fervente et dévouée Marthe, et sa chère petite Marie de Béthanie, si douce et discrète que l’Eglise catholique l’a balayée d’un revers de la main pour en faire une prostituée repentie, ne la fêtant jamais pour elle-même, alors qu’elle est certainement la toute première des vierges saintes du Seigneur, prémices de toutes celles qui ont choisi le célibat et la virginité pour l’amour de son Nom et de sa Parole.
Quand je pleure mes propres combats contre le coeur du Christ, mes larmes coulent dans ses plaies encore ouvertes. Et là, dans le secret de l’oraison, je peux comprendre les souffrances qu’il a lui-même endurées dans la dure société des hommes, et qu’il endurera jusqu’au bout pour l’amour des âmes qui lui ont été confiées par le Père. Et quand il étend ma main et la guérit de ses appréhensions, pour lui, j’écris.
Image : Jésus guérit l’homme à la main paralysée Codex Egberti (fin Xe)
4 commentaires
Une méditation que je remonte pour la mettre en parallèle avec l’évangile d’aujourd’hui en Luc 6, 6-11.
D’accord avec vous..mais je ne connais personne dire que la vie de Jésus était faite de grâce et de facilité..La croix se profile dès le début, avec l’incompréhension de Joseph jusqu’au songe, avec la fuite en Égypte et le massacre des innocents, avec la prophétie de Siméon qui annonce à Marie un glaive qui lui transpercera le cœur..Jésus dérange, déplace, est un signe de contradiction, rend inconfortable en décapant nos idées toutes faites, comme celle des pharisiens sur l’attitude à avoir les jours du sabbat. Il est jalousé, il n’est pas compris, ni à Nazareth ou on veut le jeter d’un escarpement, ni parfois par Pierre ou par les fils de Zebédée qui pensent à leur place future dans le royaume alors qu’il il leur dit qu’il doit beaucoup souffrir..Il me semble certain que Jésus pleure encore sur les souffrances du monde, comme il pleurait devant Jérusalem, et a une soif dévorante d’être aimé par chaque homme, comme il le disait à Marguerite-Marie Allacoque… Mère Thérésa aussi parlait de la soif de Jésus, qu’elle voulait apaiser en apaisant la soif de ceux qui ne comptent pas au yeux du monde..merci pour cette méditation, Claire
Je n’aime pas la souffrance. Il a du le comprendre parce qu’il m’a guérie d’une grave maladie et a empêché que je récidive par des chocs que d’autres provoquaient en se jouant de lui.
clem
Je viens me reposer un peu sur ton site, Véronique, et y oublier le forum pendant quelques instants. Et si j’ ai choisi, pour cela, ton commentaire de Marc, 3, 1-6,, c’ est pour me laisser interpeller par ces quelques réflexions qui me paraissent si justifiées.
” Je trouve qu’on ne parle pas beaucoup de la souffrance continuelle qu’a dû être la vie publique de Jésus. Lui qui n’a jamais pensé de manière terrestre, se retrouve sans arrêt confronté à ces religieux s’estimant plus observants que lui et qui méditent, à chacune des oeuvres belles qu’il accomplit, de le faire périr.”
ou bien :
“Certains le prétendent même omniscient en son incarnation. On l’imagine doté d’un charisme incontestable, s’entourant de foules sous son charme, progressant dans l’histoire humaine qu’il devait inscrire dans l’Histoire des hommes avec une facilité déconcertante, convainquant chacun d’un simple regard.”
ou encore :
“on loue dans l’allégresse un Christ dansant de joie en paradis, presque indifférent à ce que nous souffrons dans ce monde”.
Pourquoi oublie-t-on si facilement que Jésus a été et reste totalement homme, un homme qui, sur terre,n’ avait même pas une pierre où reposer sa tête, un homme qui a dû “demander à ses disciples de tenir une barque à sa disposition pour qu il ne soit pas écrasé par la foule ” ( Marc,3,9 ). Détail sans importance ? mesquin ? ( qui ne s’ est jamais trouvé coincé, rempli de fatigue par une journée chargée, dans une foule qui l’écrase ? ).
Un Jésus qui nous a aimés d ‘un coeur humain,qui, pour cette raison, est devenu le “Sacré Coeur de Jésus transpercé par nos péchés et pour notre salut” et ” est considéré comme le signe et le symbole éminents de cet amour que le Divin Rédempteur porte sans cesse au Père Eternel et à tous les hommes sans exception”. ( Pie XII, Enc; Haurietis aquas ).
Pourquoi se scandaliser quand tu parles de Dieu qui souffre avec les hommes ( au lieu de danser dans le paradis) ,et affirmer que le Christ, une fois remonté au ciel ne souffre plus et est dans la jole,ou parler de dolorisme, en disant “Le Christ a souffert une fois pour toute et il n’est pas question que nous prenions la souffrance du monde sur nos épaules l “.
Combien de saints ont-ils voulu, après le Christ, prendre la douleur du monde sur leurs épaules ? Pourquoi Thérèse de l’ Enfant Jésus était- elle prète à aller en enfer à la place des damnés si cela devait les sauver ?
Comment le Christ, une fois remonté à la droite du Père, pourrait-il oublier la souffrance de ses frères et soeur de la terre ? Comment le Père lui-même ne souffrirait-il pas avec ses créature ? Comment nos deux saintes du ciel pourraient- elle voir leurs enfants et petits enfants souffrir sans porter cette souffrance aux pieds du Père ?
Et, moi-même, quand je vois quelqu’un que j’ aime souffrir, quand on me demande de prier pour quelqu’un qui souffre, comment pourrais- je ne pas prendre en charge sa souffrance, tout en priant pour lui et en souffrant avec lui ?
Et Jésus – même ressuscité – n’ est- il pas en agonie jusqu’ à la fin des temps ?
Apprends-moi Seigneur à souffrir, comme toi, avec ceux qui souffrent…
jusqu’ à la fin des temps où toute souffrance et tout mal auront, enfin, disparu !