Des pharisiens s’approchèrent de lui pour le mettre à l’épreuve ; ils lui demandèrent : « Est-il permis de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ? »
Il répondit : « N’avez-vous pas lu l’Écriture ? Au commencement, le Créateur les fit homme et femme, et il leur dit : ‘Voilà pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.’ À cause de cela, ils ne sont plus deux, mais un seul. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
Les pharisiens lui répliquent : « Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit la remise d’un acte de divorce avant la séparation ? »
Jésus leur répond : « C’est en raison de votre endurcissement que Moïse vous a concédé de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi. Or je vous le dis : si quelqu’un renvoie sa femme — sauf en cas d’union illégitime — pour en épouser une autre, il est adultère. »
Ses disciples lui disent : « Si telle est la situation de l’homme par rapport à sa femme, il n’y a pas intérêt à se marier. »
Il leur répondit : « Ce n’est pas tout le monde qui peut comprendre cette parole, mais ceux à qui Dieu l’a révélée. Il y a des gens qui ne se marient pas car, de naissance, ils en sont incapables ; il y en a qui ne peuvent pas se marier car ils ont été mutilés par les hommes ; il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne!»
Mt 19, 3-12
@AELF
Sur cet évangile, je ne vais pas m’attarder comme on le fait habituellement sur la fidélité dans le mariage, mais sur ce verset : il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux.
Pendant longtemps, je me suis interrogée sur le bien-fondé du célibat des prêtres, et j’avais tendance à penser comme la majorité de nos contemporains qu’il était trop exigeant pour eux et sans réel intérêt.
Puis j’ai mûri longuement des expériences que j’avais vécues, et que je souhaite partager aujourd’hui, pour justifier ma prise de position résolue en faveur du célibat des prêtres.
En 2000, suite à des expériences douloureuses que j’avais vécues en Eglise catholique et intérieurement, j’ai fréquenté pendant six mois une paroisse évangélique. Le pasteur, qui était une personne remarquable, était marié et avait des enfants, et je trouvais cela très bien, son expérience d’époux et de père de famille équilibrait ses prédications, me semblait-il.
Puis j’ai eu un jour le grand besoin de me confier à lui sur ma vie spirituelle. J’avais de bons rapports avec sa femme, catholique d’origine, et ils m’ont reçue chez eux. Elle était à ses côtés pendant tout notre entretien.
Quand je les ai quittés, j’ai ressenti de manière intime, très forte, qu’elle avait douté de ce que j’avais confié à son mari. J’ai su dès cet instant qu’il ne continuerait pas à m’accompagner dans ma vie spirituelle. Je ne sais pas quel a été leur entretien après cette soirée, mais le fait est qu’il n’a pas su, par la suite, m’aider.
Je me suis alors interrogée sur le bien-fondé de cette présence à ses côtés pendant un entretien qui aurait dû être intime, d’âme de fidèle à âme de pasteur. Ce que j’avais à lui confier ne regardait pas sa femme. Mais en même temps, je comprenais qu’en tant qu’épouse, cela pouvait lui poser problème qu’il reçoive une jeune femme seul à seul.
Je suis extrêmement attachée au sacrement de réconciliation. Il va sans dire qu’il est tout à fait essentiel, quand je me confesse, que je sois seule à seul avec le prêtre. Et cela me rassure qu’aucune femme ne puisse en prendre ombrage.
J’ai tiré aussi un enseignement de ma vie de femme mariée. J’avais un mari médecin, et ce qu’il vivait dans la journée avec ses patients était parfois très lourd pour lui. Le soir, souvent, pour décharger son coeur, il me racontait des diagnostics qu’il avait dû poser. C’est très difficile pour un médecin d’annoncer à un patient auquel il est très lié qu’il est atteint d’un cancer, par exemple. Mon mari ne me nommait jamais ses patients, mais il me partageait ses chagrins, ses réussites aussi, ce qui est finalement normal et bon dans un couple.
Alors je m’interroge : un prêtre qui a reçu dans la journée une confession très lourde pourrait-il s’emmurer dans le silence face à son épouse qui ne comprendrait pas forcément la raison de la pesanteur de son âme ? Or une confession ne doit absolument pas se divulguer, le secret de la confession est un devoir absolu du prêtre, même si je conçois que ce soit très difficile.
Il y a aussi cet autre fait incontournable de nos jours : le prêtre est surchargé d’une multitude de tâches. Comment une épouse pourrait-elle supporter la disponibilité absolue à laquelle il se doit sans qu’elle s’aigrisse du peu de temps qu’il aurait pour elle ?
Enfin, le prêtre a vocation à se configurer au Christ, et le Christ est chaste. Et pour ma part, je trouve magnifique la chasteté des prêtres. Elle leur confère une lumière qui est la lumière même du Christ. Mon attachement à eux vient de là. Quand j’ai une profonde amitié pour un prêtre, c’est parce que je retrouve le Christ en lui, que ce n’est plus lui qui vit, mais le Christ qui vit en lui, (Galates 2,20) et qu’en lui je peux aimer le Christ.
Et pour finir, le prêtre est pauvre, c’est sans doute une croix pour lui, mais c’est sa vocation évangélique. Il n’a pas de quoi nourrir une famille.
Pour toutes ces raisons, je suis définitivement convaincue que le célibat des prêtres est souhaitable et voulu par le Christ.
9 commentaires
Au sujet du célibat des prêtres et de l’émission d’Arte hier soir https://www.youtube.com/watch?v=U5sr632kLDI
J’ai suivi l’émission diffusée sur Arte hier soir et il m’intéresse de suivre les débats ici à ce sujet aujourd’hui.
Tout d’abord, j’ai été très étonnée : je ne soupçonnais pas qu’une telle proportion de prêtres ne respectait pas leur engagement au célibat qui suppose, dans les règles de l’Eglise, chasteté et continence. Au long de ma vie, j’ai été proche en amitié de nombreux prêtres, et n’ai jamais été témoin ni confidente d’une transgression de leur célibat. J’ai peut-être de ce fait une vision faussée voire idéalisée de la fidélité d’une majorité de prêtres à leurs vœux d’ordination. Etant proche aussi de quelques moines reclus, qui par la force des choses n’ont pas “d’occasions”, la discipline du célibat chaste et continent ne me semblait pas une utopie inatteignable. Et je me suis, comme en toute chose, basée sur l’Evangile qui n’est pas silencieux sur ce point :
“Il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne !”
Matthieu 19, 12
Je peux d’autant mieux comprendre ce verset que c’est mon choix personnel, après un divorce causé par le départ de mon mari et père de mes trois enfants : depuis onze ans maintenant, j’ai fait vœu de consécration au Seigneur y compris par la chasteté, et je vis ce statut dans une très grande plénitude. Le Christ est mon choix absolu, je suis toute tournée vers Lui et plus aucune créature ne peut venir troubler ce lien très particulier à Jésus incarné homme. Je le perçois réellement comme un Epoux, avec lequel j’ai une grande intimité, et un homme au milieu de ce duo magnifique serait pour moi – et pour Lui- réellement un intrus. “Comprenne qui pourra”.
Je pense que la grande majorité des religieuses ou femmes (Vierges) consacrées témoignerait du même lien très fort avec le Christ.
Alors évidemment, je conçois pleinement que les choses puissent être très différentes pour un homme, et donc à fortiori un prêtre, surtout s’il est hétérosexuel. Le prêtre homosexuel peut sans doute avoir le même lien d’amour sponsal pour le Christ qu’une femme consacrée. Et s’il le transgresse pour consommer son homosexualité avec un partenaire, c’est un problème d’incapacité à la continence et de duplicité par rapport au langage officiel de l’Eglise. Finalement, je suis plus incommodée par la tolérance de l’Eglise à ces états de fait – qui semblent répandus dans ses rangs – qu’à la question des relations hétérosexuelles d’un prêtre. Il y a là une grande hypocrisie : “Ils disent et ne font pas”. Il me semble, quitte à soulever l’indignation de certains, que le Christ Epoux est là davantage trahi que par le prêtre ayant une compagne. Mais curieusement, l’Eglise tolère mieux les clercs homosexuels actifs que les hétérosexuels déclarés qu’elle pousse à la porte. Allez comprendre…
Concernant maintenant les prêtres hétérosexuels qui tombent amoureux d’une femme et réciproquement, en s’avérant incapables d’en rester à une relation chaste, je peux mieux le comprendre. Le prêtre est censé se donner entièrement pour l’Eglise, or l’Eglise ne peut en rien combler un vide affectif. Au fur et à mesure que l’on découvre ses turpitudes et son hypocrisie, je conçois que pour le prêtre qui vit tant de solitude, il y a de quoi désespérer. Et que l’amour d’une femme peut le sauver de la désespérance et du non sens absolu. J’en reviens à mon propre exemple : je me considère comme véritablement consacrée au Seigneur, mais je ne le suis pas dans les “règles ecclésiales” : le Christ Jésus est tout pour moi, mais je n’ai prononcé aucun vœu d’obéissance et de service à l’Eglise, et c’est là ma grande liberté et ma planche de salut. Je conserve ma liberté d’expression et mon droit à décliner un engagement ecclésial qui ne me correspondrait pas.
Le prêtre est “coincé” par son vœu d’obéissance. On le présente comme un autre époux de l’Eglise, mais qu’est-ce que l’Eglise, sinon une autorité hiérarchique arbitraire 100 % masculine, et une assemblée de baptisés, parmi lesquels peut fort bien se trouver un jour une femme avec laquelle il ait envie de vivre une histoire d’amour et de tendresse ? Dans sa solitude affective abyssale, on peut comprendre cela.
Je ne prétends pas avoir de solution au problème. Je ne milite pas non plus pour le mariage des prêtres et l’ordination d’hommes mariés. Je trouve d’ailleurs que le reportage d’Arte était trop orienté : il a manqué de témoignages de prêtres fidèles à leurs vœux, ils existent et j’en connais beaucoup.
Mais je réfléchis à ce sujet et suis ouverte à ma propre remise en question. On pourra lire ce que j’écrivais en 2013, et qui est un peu moins tempéré que ce que j’écris aujourd’hui. Les commentaires notamment sont bien intéressants, comme celui donné par Charles Sarti, aujourd’hui décédé, qui était un ami Père Blanc témoignant d’une très longue fidélité à son célibat sacerdotal.
psychothérapeute et sexologue je recevais mes patients soit à la maison dans mon cabinet – soit en clinique. Mariée et mères de 5 enfants le vécu des personnes est le leur et il n’appartiens pas de l’exprimer ailleurs- il en serait de même pour les prêtres mariés avec leur épouse – comme le médecin avec son épouse.
Pour ce qui est de l’entretien avec une personne c’est a soi de mandé la confidentialité et de se taire si les conditions ne sont telles.
Comme le sujet est assez brûlant dans l’actualité ecclésiale du moment, je fais remonter ce billet qui date d’il y a presque six ans mais que j’assume toujours.
Personnellement, j’apprécie la prise de position du pape François, ferme, à ce sujet.
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/celibat-des-pretres-ce-qu-a-vraiment-dit-le-pape-francois-29-01-2019-96015_16.php
Je ne suis pas “à la mode”, et pas du tout tradi non plus, mais j’apprécie le célibat du prêtre. Pour moi, il a un sens spirituel et pastoral. Le prêtre peut se donner davantage à sa mission en étant célibataire. Et je ne fais pas là du prêchi-prêcha sans mesurer le fond du problème, étant très proche de plusieurs prêtres qui souffrent de leur solitude au moment de vieillir seuls (aussi) mais qui ne remettent pas pour autant en cause le célibat qu’ils ont accepté à leur ordination. Et j’ajoute, si en tant que femme seule par choix spirituel moi aussi, je peux avoir des relations aussi proches avec des prêtres, c’est justement parce qu’ils n’ont pas une épouse qui pourrait en prendre ombrage et s’interposer dans nos amitiés. Le célibat mûrement consenti, la chasteté profondément choisie sont une force qui permet d’avoir des liens spirituels beaucoup plus denses. Le “monde” y suspecte autre chose, parce qu’il n’est pas à même de comprendre que l’attirance non charnelle entre deux personnes consacrées au Christ soit possible. Mais si ! De même que l’on choisit ses amis par affinités de toutes sortes, de même ai-je plus d ‘affinités, comme amis hommes, avec les prêtres et les moines parce que nous avons les mêmes préoccupations ! Et je terminerai par un autre exemple encore plus facile à comprendre : notre nouveau curé a mon âge et c’est tout à fait le genre d’homme qui aurait pu me plaire physiquement. Ne parlons même pas de sa grande culture biblique qui ravit mes oreilles à chaque homélie. On aurait vite fait d’en conclure que nous étions faits pour nous rencontrer, et d ‘en glousser. Eh bien non ! Pas au sens où le monde l’entend ! Je respecte son célibat de prêtre et je suis ferme dans mes vœux personnels de consécration au Christ, et nous pourrons très bien devenir proches l’un de l’autre sans que la chair ne trahisse cette amitié née d’une proximité spirituelle, ni qu’elle ne blesse qui que ce soit (une épouse s’il en avait une, un mari si j’en avais un…)
Merci Debbie pour ton point de vue intéressant de protestante.
Avec le pasteur évangélique, je n’étais pas dans une démarche de confession (je n’ai pas parlé de mes péchés), plutôt de demande d’accompagnement spirituel dans ma vie intérieure. Mais cela n’a pas été possible, peut-être en effet cela se fait-il moins couramment chez les protestants. Je découvrais.
Je partage tes interrogations sur ce sujet, Véronique. Tu sais que je continue à élaborer, à ma manière, ma position de femme étrangère d’origine protestante dans un pays très marqué par la présence de l’Eglise Catholique.
Sur ton expérience à toi, j’ai cru comprendre que tu avais affaire à un pasteur, donc, à un Protestant.
La confession dans la pensée des Protestants (presbytériens dans mon cas) ne souffre aucun intermédiaire, elle est directe, du fidèle à Dieu. Elle a deux facettes : la partie publique, convenue, qui est dite à haute voix par tous, dans une formule générale, et la partie privée, personnelle, où le fidèle est invité à se confesser en son for intérieur. Le pasteur prononce l’absolution publiquement à la fin. Mais cette proclamation du pasteur est peut-être une formalité pour le Protestant. Je ne sais pas.
Donc, le pasteur Protestant ne peut pas être un intermédiaire dans la relation avec Dieu, et ton entretien avec le pasteur ne pouvait pas avoir le statut d’une confession avec un prêtre, au sein de l’Eglise Catholique.
Ceci peut semble froid et technique, mais les choses froides et techniques ont une portée lourde sur notre vie quotidienne.
Quelle intimité, quel secret, quelle confession, auprès d’un homme qui ne peut pas être intermédiaire entre toi et Dieu ? QUI N’A PAS CE POUVOIR SYMBOLIQUE et institutionnelle ?
Et cela a d’énormes répercussions sur la manière dont les pasteurs et les prêtres envisagent leur relation avec les fidèles, indépendamment du célibat des prêtres, il me semble. A l’insu de tout le monde.
Cela me choque, que cette femme ait été présente à l’entretien, tout de même, et cela me semble traduire une certain.. manque de confiance. Humain, le manque de foi, n’est-ce pas ?
Mon mari partage avec moi certains aspects de sa vie de médecin aussi. Il est humain…
Est-ce violer un secret ? Peut-être. Peut-être pas. Je n’interviens pas directement dans la direction de ses cures.
Mais, à la longue, je sais que j’exerce une influence sur sa manière de voir le monde. Une influence indirecte.
Pour le meilleur, ET pour le pire. Comme toujours dans un monde où les avantages ont leurs inconvénients, et vice versa.
Je suis attachée au célibat des prêtres en ce moment, ne serait-ce que parce que cela représente une alternative à une pensée sur le sujet qui devient de plus en plus UNIQUE, et “une taille pour tous” dans notre monde.
Une pensée qui voudrait que nous ne pourrions pas exercer une discipline sur nos pulsions sexuelles, par exemple…
Vous êtes gentils mais je ne prends guère ce genre d’initiative ! En toutes choses, je m’en remets à l’Eglise.
Un excellent conseil de Sarti Charles. .
Tu devrais envoyer ton message au pape François.
Il appréciera.
Ce sera tellement original par rapport à tout ce qui se dit et s’ écrit aujourd’hui sur la mariage des prêtres !
Merci, Véronique, pour ce beau témoignage personnel.
Dans le célibat, comme dans le mariage, on mise tout sur quelqu’un:
dans le mariage sur son conjoint,
dans le sacerdoce: sur le Christ, afin de trouver en Lui sa raison d’être, sa joie, la lumière dans les moments difficilles, la force dans les épreuves, la fidélité dans les tentations. Je n’ai rien à Lui cacher: Il me connaît mieux que moi-même et m’aide à me situer en vérité face à Dieu et face à ceux à qui je suis envoyé ou qui viennent à moi. Chaque jour, je célèbre l’Eucharistie et je Lui demande de vivre en Lui comme Lui vit en son Père…et cela fait 55 ans que ça dure.
PS vous devriez envoyer votre témoignage à notre Pape François.
Je suis d’accord avec vous, Véronique..Je rajouterai qu ‘il me semble que les prêtres, par leur célibat, sont un signe prophétique de ce que sera le royaume des cieux, et cette radicalité de leur engagement peut “déplacer” ou “interroger” le monde..C’est aussi le signe d’une vie donnée comme le Christ a donné sa vie..bonne journée, Claire