Actes des Apôtres 1, 12-14
Psaume 26
1 Pierre 4, 13-16
Jean 17, 1-11a
TU PRIES PEU ET MAL ? ….. JESUS PRIE POUR TOI
Le récit de la dernière soirée de Jésus avec ses disciples, très court dans les synoptiques, a pris, chez Jean, une importance considérable et couvre 5 chapitres (13-17). Avec la liberté de l’Esprit, Jean a compris qu’il ne suffisait pas de répéter les paroles et gestes d’un maître disparu mais montrer comment le Seigneur Christ vit toujours au sein de son Eglise, l’enseigne, la guide, la garde.
A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi :
« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde.
Trop souvent dans nos prières, nous jetons tout de suite nos demandes sans d’abord nommer Celui à qui nous nous adressons. Or c’est précisément cette adresse qui change tout le climat de la prière. Jésus, lui, a toujours parlé à un Dieu qui est son Père (11, 41 ; 12, 27) et ici, dans son ultime prière, il le répètera six fois. Car le moment est grave et le piège se referme sur lui : Judas, en plein repas, est sorti pour aller alerter les autorités. Jésus vit ses derniers moments et il sait à quelle horreur il va être condamné. Il ne va pas à la mort (qui l’épouvante) par stoïcisme ou comme victime inconsciente d’un piège car depuis toujours il conduit sa vie sur le dessein de son Père. Dès le début, à Cana, il a dit : « Mon heure n’est pas encore venue » ; lors de la récente Fête des Tentes, on a échoué à l’arrêter parce que « son heure n’était pas venue » (7, 30 ; 8,20). Maintenant, c’est la Pâque, fête de la libération : Jésus se sait l’agneau humain que les hommes vont tuer. Ses bourreaux vont commettre une exécution barbare mais Jésus vit ce passage comme une GLORIFICATION. Jean dira aussi : UNE ELEVATION (3, 14 ; 12, 32.34)
Il ne demande certes pas de recevoir la célébrité à la manière humaine. Sa Gloire n’est pas la renommée mondaine mais la manifestation de ce qu’Il est : LE FILS. Tout le monde (même ses disciples) voit en lui un homme – avec des dons exceptionnels – mais maintenant en vivant son exécution, il sait qu’il « exécute » le Dessein de son Père qui le ressuscitera et ainsi, enfin, les hommes pourront accéder à la Vie.
Sa Gloire n’aura rien d’un succès populaire, d’un triomphe personnel. Ce qu’il veut, ce qu’il va obtenir par sa Pâque, c’est DONNER LA VIE DIVINE AUX HOMMES (ceux qui accepteront de le croire).
Car tout homme est appelé à sortir de l’animalité mortelle (qui rend notre vie prisonnière du cycle interminable des saisons) pour enfin CONNAITRE LE PERE ET SON FILS JESUS. Entendons «connaître » au sens biblique : il ne s’agit pas de savoir, d’avoir des notions, des mots mais d’une COMMUNION, d’une « commune-union », donc d’une intimité, d’un amour.
RECEVOIR TOUT POUR DONNER TOUT
J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner.
Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Jésus explique le sens de sa mission : il n’a pas été un révolutionnaire, un philanthrope, un médecin, un réformateur social. Ou plutôt il a été tout cela de manière divine. Ce qu’il a cherché sans cesse et sans compromission, c’est faire connaître le vrai nom de Dieu qui, pour les multitudes, n’est qu’un mot creux, l’occasion de jurons, une force perdue dans les galaxies, en tout cas, quelqu’un avec qui nous ne voulons pas vivre car il nous dérangerait trop en remettant en question nos égoïsmes et nos caricatures de religion.
Jésus se réjouit car, en dépit de ses innombrables échecs, il a réussi à faire passer son message chez ces quelques hommes qui, autour de la table, partagent cette nuit avec lui. Ils sont balourds, n’ont pas encore bien compris, ils vont même l’abandonner lors de l’arrestation et le laisseront aller seul à la mort. Mais il les aime : ils sont là avec lui, ils ne l’ont pas quitté. Ils lui sont un cadeau, un DON du Père.
Ce qui est tout à fait remarquable dans cette prière, c’est la répétition du verbe DONNER (17 fois !!!)
– Le Père a donné son Nom à son Fils
– le Père a donné à Jésus une œuvre à faire
– le Père lui a donné ces quelques hommes comme compagnons
– Le Père lui a donné des paroles à dire
– Jésus a donné ces paroles aux disciples
– Etc. …………………….
Se figurer que l’on n’a rien à recevoir et que l’on doit tout garder, c’est l’enfer. Jésus, lui, a conscience d’avoir tout RECU et, sans rien garder pour lui (même pas sa vie) il a TOUT DONNE.
Les prophètes transmettaient des messages d’un Dieu mais les hommes se retrouvaient toujours sous des lois. Jésus crée la communion : ses disciples, comme lui et après lui, pourront dire NOTRE PERE.
JESUS PRIE POUR NOUS
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.
Jésus a prié pour lui, pour sa Pâque glorieuse qu’il va traverser, pour qu’elle apporte la Vie : ensuite il intercède pour ses pauvres disciples. Car il ne suffit pas d’enseigner, de prêcher : encore faut-il prier instamment pour les autres. De même les parents ne doivent pas seulement éduquer, encourager, redresser mais ensuite prier de tout leur cœur pour leurs enfants. Et l’éducateur pour ses élèves.
Nous finissons sur un étonnement : Jésus prie pour ses disciples et pas pour le monde ? Non certes qu’il envoie l’humanité dans les ténèbres car il a dit naguère : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique…Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (3, 16)
La mission du Fils est universelle, il s’agit bien de reconduire les hommes dans le cœur du Père mais cette tâche, inaugurée par Jésus, va se poursuivre par ce petit groupe d’hommes. Pierre et les autres, après une brève période d’apparitions, vont se retrouver seuls, investis de la plus formidable mission qui ait jamais été confiée à des hommes : révéler le vrai Dieu, faire sortir les hommes de la boue de la haine, de l’orgueil, de la guerre, du désespoir pour leur révéler le vrai Père et donc leur condition nouvelle de FILS. Il importe donc d’abord que ce groupe soit fort, convaincu de sa mission, courageux dans les épreuves, solides dans les persécutions.
Il faudra surtout – car là est l’essentiel- qu’il reste uni. La suite de la prière le répètera de façon instante : QU’ILS SOIENT UN COMME TOI ETMOI, PERE, NOUS SOMMES UN.
L’histoire nous apprend, hélas, que très vite, même après cette prière de Jésus et les exhortations brûlantes de Pierre, Jean et Paul, les disciples se sont tiraillés et ont brisé l’unité visible de l’Eglise.
Le temps Ascension-Pentecôte est le temps de la « Neuvaine au Saint-Esprit » qui clôture le temps pascal, temps privilégié de la prière. En faisant la distinction entre Jésus le FILS et nous, les fils, nous pouvons nous approprier cette magnifique prière de Jésus. En tout cas, elle nous fortifie : si nous prions si peu et si mal, Jésus glorifié ne cesse de prier pour nous. Sa mort, les bras écartés en croix, est symbolique de son attitude éternelle : le Crucifié Vivant intercède pour nous, pour ses disciples et pour ce monde qui le refuse mais qui reste « tant aimé » et peut accéder, par nous, à la Révélation.
Tout nous a été donné pour que nous donnions tout.