Un jour de soleil, enfin. J’ai sorti mon pot de lasure et mes pinceaux. J’aime le bois, et encore plus quand il a l’air en bonne santé. Rituel de l’été.
Et puis j’ai tiré dans la pile un vieux journal, celui qui était tout au-dessous. Le ruban adhésif de protection, le journal déplié-pour-ne-pas-faire-des-taches-partout, parce que ça dégouline toujours.
Tiens, c’est un quotidien de chez mon papa. Cela attire un peu mon attention. Mon regard balaie la page des avis mortuaires à laquelle je l’ai ouvert fortuitement.
Je m’arrête complètement.
Comment ce journal-là a-t-il atterri dans la pile de la cave, parmi ceux qui ne serviront plus qu’à accueillir des taches ?
Je ne savais plus si je l’avais, ou si je ne l’avais pas. Seulement que dans ces jours-là, je ne voulais plus l’ouvrir, c’était trop dur, je ne voulais pas découper, parce que ça devait rester dans le journal, gravé pour toujours à cette date-là.
Mars 2010.
Son nom est là, en grand. “Il a plu à Dieu de rappeler à lui sa fidèle servante”. C’est papa qui avait choisi la formule.
Et puis tous nos villages, et puis tous nos prénoms. Toute la famille est là, serrée en quelques lignes, dans le noir de l’encre, au milieu d’autres familles en noir elles aussi.
Je ramasse précautionneusement le journal. Je bénis le ciel de ne pas l’avoir piétiné à une autre page. Cette fois je suis prête, je prends ma paire de ciseaux et je découpe soigneusement ce rectangle de papier qui dit l’un des jours les plus tristes de ma vie, mais aussi toute la postérité de celle qui nous a donné à tous l’être et le souffle.
Je range religieusement l’article.
Et je sens son regard et son sourire sur moi tandis que je lisse les portes en bois pour qu’elles restent en bonne santé.
1 commentaire
Touchant !