1 Rois 19, 9a. 11-13a
Psaume 84
Romains 9, 1-5
Matthieu 14, 22-33
« Il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. » Ces quelques mots passent souvent inaperçus entre deux moments éclatants. Après avoir multiplié les pains pour une foule de plus de cinq mille hommes, Jésus marche sur les eaux agitées de la mer. Mais dans l’ombre discrète, cette phrase révèle le secret intime de Jésus. Au cœur même du découragement qui le guette, comme jadis, le prophète Elie, il puise dans la prière l’ audace de continuer.
Homme traqué, à l’heure où le désespoir a failli l’emporter dans le tourbillon des sables du désert, Elie a eu le courage de monter vers Dieu. Dans la solitude d’une caverne, dans le silence de la brise légère qui monte le soir de la Méditerranée, il a vécu l’expérience d’une communion profonde avec L’Éternel. Et la peur s’en est allée. Aux heures noires d’infinie lassitude, nous avons à gravir notre Horeb intérieur, à la fine pointe de l’âme. Là, nous attend le Seigneur.
Jésus, lui aussi, a connu nos fatigues, nos déceptions devant l’incompréhension des foules, plus avides de nourritures terrestres que du Pain du ciel ! S’il quitte les foules enfiévrées d’espoirs politiques, s’il renvoie ses disciples encore si lourds et apeurés, s’il fuit les critiques incessantes des pharisiens qui ne reconnaîtront jamais sa messianité, c’est pour refaire ses forces dans le calme de la nuit et le silence de la prière. Oui, il sera un Messie pauvre, obscur, aimant jusqu’à l’extrême et ressuscitant de nos morts. Beaucoup de nos frères juifs,« ayant pour eux… les promesses de Dieu », à la grande douleur de saint Paul, ne l’ont pas reconnu…
Mais sur la mer houleuse où tangue la barque de l’Eglise, Jésus vient nous rejoindre. «Vers la fin de la nuit », comme au petit matin de Pâques, le voici qui marche sur la mer, en vainqueur des forces du Mal. Il vient comme au Cénacle, comme au jardin, comme sur la route d’Emmaüs, comme il s’approche aujourd’hui de chacun de nous, au sein de nos tempêtes.
Souvent, à l’image de Pierre, nous sommes présomptueux comme le coq, qui s’imagine faire lever le soleil, et aussi peureux que les poissons qui s’enfuient dans le lac. Tour à tour croyants et sceptiques, nous marchons sur les eaux du désarroi ou nous nous enfonçons dans le gouffre.
Mais quand humblement, puisant notre vigueur dans la prière, nous regardons Jésus avec confiance, nous traversons les eaux tumultueuses du monde. « Quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba ». Si l’on se défie de soi-même et si l’on se confie à Jésus, tout se calme : et les vents, et les flots et les cœurs !
Croire, c’est marcher avec confiance sur les remous tumultueux de la vie et se laisser conduire par le Christ vers la terre ferme. En cette eucharistie, regardons vers le Seigneur, qui nous dit «viens » et allons vers lui sans crainte.
Père Charles-André Sohier
Source : http://www.kerit.be/homelie.php