J’ai atteint la cinquantaine et j’ai remarqué autour de moi que certaines amies de mon âge le vivaient assez mal. Chance ou volonté personnelle, ce cap ne m’a coûté aucune amertume. Au contraire, j’ai salué l’entrée vers un âge de plus grande sagesse. Je pensais souvent à ce qui fut reproché à Jésus par ses contemporains : «Toi qui n’as pas cinquante ans, tu as vu Abraham !» (Jean, 8, 57). Ainsi donc, pour eux aussi, la cinquantaine devait constituer un cap. Jésus, trentenaire, n’était guère crédible à leurs yeux. La cinquantaine est souvent redoutée comme le passage vers les tracas de la vieillesse. Le corps n’a plus toute sa vigueur, certes. On le remarque en allant chez le médecin : il nous est reproché d’avoir négligé un symptôme qu’on aurait dû signaler plus tôt. Si on le minimise, le médecin souligne qu’on se doit d’être vigilant à l’âge désormais atteint…
Je ne suis pas une victime du “jeunisme”. Je trouve plutôt pathétique de courir les chirurgiens esthétiques. Je ne m’habille pas dans les boutiques prisées par les jeunes filles.
Et pourtant, j’aime la jeunesse. Je me délecte de la fraîcheur et de la joie de vivre des amis de mes enfants. Adolescents ou jeunes adultes, j’ai plus de plaisir à les recevoir maintenant dans ma maison que quand ils étaient enfants. Les conversations sont vives, intéressantes, ponctuées d’éclats de rire revigorants. J’admire leur soif de découvertes, leur aisance corporelle, leur joie après une longue randonnée, leur grâce et leur expressivité dans une représentation de danse, leur talent artistique qui se donne jusqu’au bout dans une passion, leur fidélité dans leurs amitiés. Certains que j’ai connus tout petits dans notre village viennent encore chez nous partager une soirée crêpes ou des fous-rires le temps d’une pause dans leurs semaines studieuses, et je m’émerveille de voir ces jeunes filles devenues ravissantes parler d’avenir plein de projets grandioses. D’autres jeunes gens, le temps d’un court passage ici, rendent un service apprécié et nous réjouissent par leur camaraderie facétieuse.
Alors oui, j’aime ma cinquantaine qui me donne d’avoir des enfants entrant dans l’âge adulte avec tous les atouts pour réussir leur vie. Ma jeunesse ne m’a pas fuie. Elle se prolonge en eux.