A l’approche du synode sur la famille, les commentaires vont bon train sur les réseaux sociaux, notamment sur le sujet très sensible de l’accession des divorcés-remariés au sacrement de la réconciliation et à l’eucharistie.
J’aimerais aujourd’hui apporter ma petite touche personnelle au débat.
Pour clarifier les choses, je précise que je ne suis pas concernée personnellement par cette problématique. Je suis divorcée d’un mariage civil, vivant seule et n’étant pas privée des sacrements – Dieu soit loué ! Ce qui ne m’empêche pas d’y réfléchir depuis très longtemps, d’écouter et d’observer ce qui se passe autour de moi.
Une première remarque : ne pas me marier religieusement a été un choix de couple très difficile à faire admettre à ma famille catholique et pratiquante. Nous étions dans une phase de doute profond, il n’y avait là aucune indifférence au sacrement de mariage et aucune attitude provocatrice, mais au contraire une décision profondément mûrie de ne pas prononcer des paroles sans y croire, de ne pas galvauder ce que nous savions être un sacrement. Nous avons d’ailleurs eu l’appui d’un prêtre pour raisonner mes parents. Et ce fut un choix courageux, car nous aurions eu bien davantage “la paix” – et une plus jolie cérémonie – si nous avions fait le choix de l’Eglise, même sans foi à l’époque.
Déjà à ce moment-là – années 90 – j’observais que bien des jeunes se mariaient religieusement sans vraiment réfléchir à l’acte qu’ils posaient. Et peut-être est-ce encore pire de nos jours : le passage à l’église est souvent choisi pour la beauté de photos, pour l’ambiance plus cérémoniale, ou encore et toujours pour faire plaisir à la grand-mère. Loin de moi l’idée de nier qu’il y ait des mariages religieux sincères. J’y ai parfois assisté en y sentant une réelle ferveur chez les époux. Chez ceux-là, je pense que le sacrement de mariage peut être une réelle force dans laquelle puiser aux bons comme aux mauvais jours.
Mais soyons réalistes : en se mariant à la vingtaine, on ne mesure pas toujours l’exigence de l’engagement que l’on prend. Pas sûre que la théologie du mariage soit comprise par ceux qui le contractent. Encore moins sûre qu’ils en mesurent les implications religieuses.
Quel pourcentage d’époux mariés religieusement retrouve-t-on à la messe dominicale ? La plupart ne reviennent dans une église que pour le baptême d’un enfant…
Mais là n’était pas l’essentiel de mon propos.
Les tempêtes de la vie passent sur le couple et dans le monde dans lequel nous vivons, le divorce s’est banalisé. Les sirènes du bien-être soufflent des idées d’autre couple plus épanouissant, de vie sans enfants plus propice aux loisirs et aux passions personnelles, et tous les cas de figure se présentent : l’un quitte l’autre certes la mort dans l’âme mais également lâchement, l’un se rend tellement insupportable que l’autre est poussé vers la sortie, ou les deux se lassent et préfèrent en rester là. Il y a aussi les profondes tempêtes, ravageuses, les incompatibilités de caractère telles que la vie commune serait une mort lente de l’un des deux, ou des deux. On peut souffrir le martyre dans un mariage. Que vaut-il mieux alors : une vie de névrose ou de dépression, voire le suicide, ou le divorce ? Sans parler de la maltraitance physique ou psychologique devant laquelle je trouve irresponsable de prêcher la soumission à l’autre.
Bref, on ne parviendra pas à me convaincre que le divorce est une abomination toujours évitable. Il peut être aussi un instinct de survie.
Tout le monde n’a pas la force, une fois reconstruit après cette épreuve majeure qu’est un divorce, de rester seul. Il y a le poids du quotidien, avec ou sans enfant. La solitude à laquelle on n’était peut-être pas habitué. Une continence qu’on n’avait pas forcément choisie à un jeune âge. Le regard toujours insidieux de l’entourage qui charrie sur un célibat qui dure…
Comment jeter la pierre à ceux qui tentent un nouveau couple ?
J’en reviens à la question de l’accès aux sacrements des divorcés-remariés. Est-ce là la pire des fautes qui se puisse imaginer, puisque c’est une des rares qui prive définitivement du pardon accordé par le ministère du prêtre ? Dans une vie, on peut évoluer vers la foi à un âge plus tardif, avoir soif des sacrements que l’on a dédaignés plus jeune, prendre violemment conscience des conséquences très lourdes d’un engagement sacramentel pris peut-être un peu à la légère. Et là, le couperet tombe : si l’on ne veut pas – ou ne peut pas – avoir recours à cette procédure somme toute assez hypocrite qu’est la reconnaissance en nullité de mariage, on se voit interdit de miséricorde et de cette nourriture si fondamentale qu’est l’eucharistie dans la foi catholique.
Je voudrais poser cette simple question : dans le baptême, Dieu ne s’est-il pas uni l’âme ? Au jour de la première communion, le Christ ne s’est-il pas donné pour toujours, pour faire une seule chair avec celui ou celle qui le reçoit dans la foi ? Ne nous a-t-il pas laissé le sacrement de la réconciliation pour revenir vers lui quand nous avons chuté et pour nous fortifier à nouveau dans la foi par l’eucharistie ?
“Prenez et mangez en tous.”
Tous ?
Image : L’institution de l’Eucharistie Fra Angelico
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Je reviens de la messe et nous y avons chanté “L’amour a fait les premiers pas” jusqu’au 3ème couplet :
3 – L’amour efface le passé,
Aucun n’osa jeter la pierre.
Et tous les yeux se sont baissés,
L’amour efface le passé.
Il a vu l’homme dans sa lèpre.
Il n’a pas peur de l’embrasser.
L’amour efface le passé.
Il nous redonne une autre chance.
Il nous invite à pardonner.
L’amour efface le passé.
et là, j’ai pensé à mes amis divorcés remariés en me disant qu’on chantait parfois à l’église des cantiques un peu hypocrites par rapport à la discipline officielle… C’est le moment de prier avec ferveur pour les fruits du Synode, de belles choses y ont déjà été dites !
Que de pudeur, de retenue et de bienveillance dans vos propos à tous. Merci Véronique pour ta franchise et ta sincérité, merci Padre pour cet éclairage plein d’espérance sans compromission. C’est une vraie joie de vous lire! Laure
Je trouve aussi que l’approche du dominicain et evêque d’Oran Jean- Paul Vesco dans la vie.fr est intéressante pour ne pas opposer indisolubilité du mariage et miséricorde. Bonne journée ensoleillée, Claire
Question délicate s’il en est, vu les débats passionnés que ça soulève… Mais je pense aussi qu’il est injuste qu’un mariage civil après un divorce de mariage religieux soit le seul péché irrémissible, sinon dans les textes au moins dans la pratique. Le divorce est un péché? Certes. Dans la mesure où on définit le péché comme un manque d’amour, il serait difficile de considérer que la rupture d’un contrat mutuel où on s’accorde à “s’aimer jusqu’à ce que la mort nous sépare” ne soit pas un péché. Mais s’il est indéniablement grave, ce n’est pas le pire pour autant, loin s’en faut. Or les péchés plus graves (comme l’idolâtrie, le reniement de sa foi, le sacrilège, l’orgueil ou la haine de son prochain) trouvent, eux, un pardon sacramentel si on le demande.
Alors ce qui pose problème, c’est surtout le remariage, qui constitue un “attentat” contre le sacrement, en proclamant publiquement qu’on s’unit avec quelqu’un qui n’est pas et ne sera jamais son mari ou sa femme devant Dieu, tout acte de mariage civil étant public par définition, ne serait-ce que par la publication (obligatoire) des bans. On vit alors désormais objectivement (ce n’est pas un jugement personnel des gens qui sont dans cette situation, mais un jugement de la situation elle-même) dans un adultère (au regard du droit de l’Eglise et de l’enseignement du Christ) officiel et durable. C’est cette partie qui pose problème, et qui empêche l’accès aux sacrements. On ne peut pas le balayer d’un revers de main, comme si ça n’était rien du tout. Mais doit-on pour autant en faire le seul péché qui ne puisse être pardonné? Ne faut-il pas tenir compte des conditions extérieures qui peuvent conduire à cette situation (difficultés économiques majeures si on ne se remarie pas, problème pour l’héritage des enfants, impôts, non-reconnaissance par l’état de l’existence d’une relation sans ce passage obligé, etc etc…)?
Cette question ne peut être réglée par un simple “après tout, s’ils s’aiment…”, comme si ça justifiait n’importe quel choix, qu’il soit conforme ou contraire à la parole du Christ. Mais elle ne peut être réglée non plus à coups de condamnations péremptoires et définitives, comme si les descendants des apôtres ne disposaient pas du pouvoir de “lier au ciel ce qu’ils lient sur terre, et délier au ciel ce qu’ils délient sur terre”. Le péché étant clairement identifié, la réponse qu’il convient de lui apporter est, elle, dans le domaine de compétence des successeurs des apôtres, et sans doute est-il nécessaire, aujourd’hui, d’en réviser l’extrême rigueur.
Heureusement, c’est précisément ce qu’a décidé de faire le pape, avec l’aide des cardinaux, des évêques et des chrétiens du monde entier. Je pense donc que ce qu’il faut faire, maintenant, plutôt que de polémiquer ou de s’enflammer pour une thèse ou pour une autre, pour un camp contre un autre, c’est surtout de prier, tous ensemble, tous les baptisés, pour que l’Esprit Saint communique avec clarté la volonté de Dieu sur ce sujet à ceux qui sont chargés de le traiter et qui auront à donner une réponse, afin que la volonté de Dieu s’applique à tous.
“Que ta volonté soit faite”, dit-on dans le Notre Père. C’est bien de cela qu’il s’agit, en fin de compte : que la volonté de Dieu, à travers les circonstances difficiles et douloureuses d’un monde pécheur, trouve sa place en nos coeurs, et que nous suivions le chemin du salut qu’il nous propose, malgré notre situation ou nos péchés personnels. Pour beaucoup, aujourd’hui, ce chemin semble interdit, comme s’ils étaient rejetés définitivement de tout salut, comme si le Christ n’avait pas donné sa vie pour eux. Qu’Il nous ouvre à nouveau un chemin, qu’Il ouvre les coeurs, et les portes de l’Eglise, pour que toute personne de bonne volonté qui veut s’approcher de Lui trouve un chemin qui le lui permette, et ne se sente plus rejetée comme si Dieu ne voulait pas “la conversion du pécheur, et qu’il vive”.
Merci beaucoup pour cette contribution Padre, je me sens en phase avec ce que vous y dites. Oui, prions pour que les représentants de l’Eglise trouvent le chemin de la volonté de Dieu.
En Eglise, je ne crois pas qu’il y ait des situations définitivement bloquées : par exemple, avant le Concile Vatican II, on refusait des obsèques religieuses aux divorcés-remariés et aux suicidés. Grâce à Dieu nous n’en sommes plus là. Qu’Il nous montre toujours mieux Sa miséricorde !
Merci Véronique pour votre regard sur cette difficile question..