Nous étions sept femmes et le prêtre à la messe du soir. Et il nous a donné l’occasion, à la fin de la célébration, de débattre entre nous au sujet de cette affirmation que l’on entend souvent : “Je suis croyant mais non pratiquant.” Que répondons-nous quand notre entourage conclut une ébauche de discussion par cette phrase qui porte parfois le poids de la suspicion d’être de moins bons chrétiens qu’eux qui s’abstiennent de la messe ? Evidemment, il n’est plus temps de se croire meilleur parce que l’on est fidèle à l’eucharistie, mais pourquoi serions-nous toujours regardés comme pires que les philanthropes aux grandes œuvres qui ne savent pas forcément quel est le sens de leur vie, où ils en sont de leur foi et s’ils sont porteurs d’une espérance ? Nous avons débattu un court moment, en toute simplicité. Puis nous nous sommes préparés à quitter la fraîcheur de l’église pour réaffronter la canicule extérieure.
Sur la place, il y avait le camion à pizzas. Et autour, plusieurs hommes, certains la bière à la main, ainsi qu’une seule femme attendant leur précieux dîner.
J’ai été saisie par le contraste. J’avais encore en moi le goût de l’eucharistie, oh pas seulement celui de l’hostie encore perceptible gustativement, mais surtout celui de la rencontre avec ces dames que j’affectionne, de la méditation de la Parole de Dieu, de la prière dite, chantée et intériorisée, de la communion au Corps du Christ à laquelle j’accorde tant d’importance ! Présence réelle et sûre pendant cette petite demi-heure privilégiée du début de la soirée, présence que l’on emporte avec soi pour le reste de la semaine…
Ils attendaient leur pizza. Et je me suis dit : “Pourraient-ils, ceux-là, être amateurs mais non pratiquants de la pizza ? Pourraient-ils en rester à une simple idée, une simple attirance pour la pizza, mais ne pas venir la consommer ?”
Les clients affluaient vers le camion, regardant d’un air étonné ces dames qui sortaient d’une église un jeudi soir. L’odeur de la pizza flottait dans l’air bien davantage que les dernières notes de notre cantique à Marie.
Je suis rentrée chez moi, emportant pour toujours en mon corps et en mon cœur le trésor du Pain de Vie que le prêtre avait déposé dans ma main.
Ceux-là, ce soir, allaient consommer leur pizza, dont il ne leur resterait bientôt que quelques traces grasses dans le sang et sur les hanches.