Un petit coup de gueule aujourd’hui.
Ce titre n’est ni de moi, ni récent. C’est une phrase qui m’a été dite par une paroissienne catéchiste il y a une vingtaine d’années. J’étais une jeune femme “recommençante”, comme on dit, j’allais à nouveau à la messe tous les dimanches et la paroisse m’a vite repérée comme une main d’œuvre potentielle. Personne ne m’a demandé pourquoi j’apparaissais là et quel était mon cheminement dans la foi. Mais en quelques mois, j’ai été sollicitée pour préparer un groupe d’adolescents à la profession de foi. Cette équipe n’avait pas trouvé preneur, et pour cause : plusieurs garçons étaient ingérables dans ce groupe. Je me suis lancée, en creusant en moi-même ce qu’il convenait d’apporter à ces jeunes pour les mener vers une foi mature. Je voulais trouver, pour eux, des entrées concrètes dans les Ecritures. J’en ai parlé à cette catéchiste aguerrie, qui m’a rétorqué tout de suite :
“On ne va pas les embêter avec l’Evangile !”
Et de me proposer le fichier type avec des entrées de thèmes bateaux sur la liberté, la drogue…
Je crois avoir mené deux séances avec ces jeunes, me demandant comment brider la très mauvaise volonté de l’un d’entre eux qui visiblement n’était pas là par choix et voulait en découdre. On m’avait installée avec eux dans une salle communale servant aussi à l’école de musique. A la fin de la séance, ce garçon souleva la bâche d’un piano pour jouer quelques notes. Pas de chance, le directeur de l’école de musique passa par là et m’incendia : “C’est vous qui avez la responsabilité de ces jeunes ? Ils n’ont pas à toucher aux instruments !” Et de me déverser tout son courroux.
Comme j’étais moi-même dans une période de grand combat spirituel – dont rigoureusement personne ne se souciait dans la paroisse – je me suis rendue le soir à une réunion et j’ai remis mon mandat avec tous les documents correspondants au vicaire. Je le faisais la mort dans l’âme, car j’avais voulu bien faire et que je m’étais déjà attachée à quelques ados du groupe. Là non plus, personne ne m’interrogea sur mon ressenti profond. J’ai été cataloguée “psychiquement fragile” dans la paroisse et cela me colle encore à la peau vingt ans après…
Très souvent, j’ai repensé à cette phrase : “On ne va pas les embêter avec l’Evangile !”.
Car je la trouve très emblématique de l’incohérence ecclésiale française. De quoi le discours catholique est-il tissé ? De recommandations morales, de prises de position sur la vie amoureuse et sexuelle des baptisés et même des autres, de grandes tirades sur la bioéthique… Voir l’article de “La Vie” d’hier en lien ci-dessous :
Dans cet article, j’ai relevé cinq fois le mot “Eglise”, mais pas une seule fois “Dieu” ou “Christ”. Et ce n’est pas un hasard à mon avis : dans le discours de l’Eglise en direction du monde, la foi est devenue presque taboue. On débat sempiternellement au sujet des enjeux sociétaux des réformes contemporaines, mais on n’annonce plus le Christ et l’Evangile ! Et ainsi, l’Eglise, jusque dans sa catéchèse, devient-elle une carcasse de recommandations morales impropres à témoigner de la vigueur de notre foi. Les encycliques et le catéchisme y ont plus de poids que les Ecritures, et être un bon paroissien catholique, c’est militer pour ces causes-là et les inculquer à notre jeunesse bien plus que de témoigner d’une expérience spirituelle vive et porteuse de sens au cœur de son être profond.
Combien de fois suis-je découragée de demeurer fidèle envers à contre tout à cette Eglise dans le discours de laquelle je ne me suis jamais reconnue et ne me reconnaîtrai jamais !
4 commentaires
Merci chère Véronique. Je suis, une fois de plus, en total accord avec vous. Et cela me rappelle la réponse d’un prêtre qui était en charge de l’aumônerie “jeunes” dans notre paroisse. Je lui avais fait remarquer que certains adolescents avaient discutés entre eux durant toute la célébration de la messe, “mais au moins ils sont présents” m’avait-il répondu ! Et effectivement, chez les protestants réformés, les Ecritures sont à la base de tout, et en principe il devrait en être de même pour les catholiques. Merci encore, Véronique, de vous exprimer pour nous tous.
De rien Patricia, c’est bien consolant de se sentir rejointe dans de telles préoccupations ! Cordialement,
Je ne suis pas étonnée de cette réponse “Ne pas les embêter avec l’Evangile” !!! Pourtant combien cela devrait choquer comme vous l’avez été et cela devrait poser question dans notre Eglise.
Je dis cela car j’ai rencontré à plusieurs reprises ce genre de réactions de la part de personnes engagées, voire “consacrées”. La première fois, ça devait être aux environs des années 1971 tandis que je m’étais inscrite à l’aumônerie du lycée. Nous n’étions pas nombreux(ses) à y participer et l’aumônier qui sans doute avait envie de “bien faire”, cherchait à plaire et nous passions notre temps à préparer des temps de sorties où il était surtout question de s’amuser et faire la fête. J’ai abandonné. J’avais 16 ans et ce n’est pas ce que je cherchais à l’aumônerie !
Un jour, aux environs des années 2007, une de mes anciennes élèves vient me parler et me dit sa déception car elle participe à la catéchèse de son collège catholique où elle s’est inscrite et elle regrette car elle voudrait que l’on parle de Jésus et, malheureusement, ce n’est pas le cas. On y parle de la vie en général, me précise-t-elle. Je lui ai donc conseillé d’exprimer ses attentes à la personne responsable.
Il y aurait bien d’autres exemples mais ce sont cela qui m’ont sauté à l’esprit en vous lisant.
Mais de quoi ces chrétiens engagés ont-ils donc peur ? Ne sont-ils pas vraiment convaincus de l’intérêt et de la joie que peut porter la lecture de l’Evangile ? Peut-on essayer d’en vivre si on ne le lit pas, si on ne le savoure pas ?
Et pour le savourer, comme pour toutes choses, il faut d’abord y goûter. Non ?!
J’espère que votre “coup de gueule” sera bien entendu et que l’Eglise pourra commencer à se poser question à ce sujet. Merci pour tout ce que vous faites.
Merci à vous, chère lectrice. Je me suis souvent sentie bien seule dans ma désapprobation du “catéchisme coloriage” ou plus tard, pour les collégiens, actions ELA ou autres causes censées les mobiliser en aumônerie.
Mes enfants ont suivi les cours de religion en Alsace-Moselle concordataire, et au collège, ils n’apprenaient plus rien de religieux. Quand ils en parlent maintenant, leurs meilleurs souvenirs datent de l’école primaire avec une intervenante de religion qui leur donnait des repères bibliques et les instruisait à ce niveau-là par choix et convictions personnels. Ils m’ont déjà dit constater que les jeunes de leur âge avaient une vision désastreuse de l’Eglise catholique, faute d’avoir appris, même s’ils ont été préparés aux sacrements, les bases de notre foi puisées dans les Ecritures. Beaucoup de jeunes adultes “catéchisés” dans ces années-là n’ont pratiquement aucune connaissance en matière d’Evangile. Je crois qu’à ce niveau-là, les réformés font bien mieux que nous dans la formation religieuse des jeunes protestants.