J’assiste ces jours-ci assez impuissante à une guerre psychologique… entre chats. J’ai une chatte déjà un peu âgée, tranquille et sage, affectueuse et pas très aventurière. Et depuis quelques jours, j’ai adopté aussi un adorable chaton femelle, petite boule de poils facétieuse et pleine de vie. Je redoutais la confrontation entre les deux, et elle fut ardue. La petite nouvelle s’est d’emblée sentie très à l’aise chez moi, colonisant de ses jeux incessants tout l’espace que je lui ai laissé accessible. Grognements intempestifs voire quelques coups de pattes de l’aïeule, qui quant à elle n’apprécie pas du tout cette intrusion juvénile dans ses quartiers.
“Il ne faudra pas trop vous en mêler”, m’avait prévenue l’assistante vétérinaire.
J’essaie donc de ne pas m’immiscer outre mesure dans cette guerre froide qui dure maintenant depuis quatre jours.
Mon cœur balance entre la joie que me procure la petite créature mignonne et débordante d’énergie, et l’empathie pour ma bonne vieille compagne perturbée dans son paisible mode de vie. Il n’est pas jusqu’à sa chère gamelle qui ne se trouve en danger d’expropriation.
Les observant l’une et l’autre, je médite sur l’importance du territoire pour les créatures que nous sommes tous. Les pires guerres ne se déclenchent-elles pas quand un peuple empiète sur le territoire d’un voisin proche ou lointain ? Les affrontements de clans dans nos villes ne sont-ils pas issus de la volonté d’hégémonie sur une portion de quartier par une jeunesse en perte d’espace personnel ? Et même dans le couple, certains conflits ne naissent-ils pas de la difficulté de cohabiter au long cours, parfois dans peu d’espace ?
Mes deux minettes, aux caractères aux antipodes l’un de l’autre, semblent pour le moment inconciliables. Chacune, l’adoptée récente comme la plus ancienne dans les lieux, s’estime chez elle, et à juste titre. Moi-même, pleinement décidée depuis des mois à accueillir un chaton, je contemple un peu médusée mon salon qui se transforme jour après jour en salle de jeux pour jeune félin. Tous ces objets ludiques manufacturés ou improvisés sont bien encombrants, et on rêverait parfois, ma vieille tigresse et moi, de faire une petite sieste tranquille dans notre décor habituel, comme dans le bon vieux temps.
Le temps, je parie sur lui pour amoindrir le conflit entre mes deux protégées. Mais je mesure désormais ô combien comme est précieux un espace où l’on puisse se sentir chez soi, en paix et en sécurité.