Voilà, l’année liturgique s’est terminée et nous allons entrer dans le temps de l’Avent. Nous allons entendre des lectures qui parlent de la venue imminente du Seigneur. Nous allons être invités à nous préparer à cet avènement. Et tout cela va aboutir à ce non-événement que seront les célébrations de Noël.
Comme chaque année, le même scénario : les bénévoles des paroisses vont s’agiter pour mettre en place la crèche, vendre des décorations de Noël pour des causes plus ou moins humanitaires, sélectionner les enfants qui animeront le grand cinéma de la crèche vivante, préparer les célébrations qui reprendront les mêmes erreurs théologiques que chaque année avec les mêmes cantiques qu’on finit par ne plus supporter d’entendre depuis tant de messes de minuit…
Mes lecteurs se demandent quelle mouche m’a piquée ?
Aucune.
Ce n’est pas la première fois que j’exprime mon malaise en Eglise au sujet de Noël. Non, je n’aime pas ce temps et je n’apprécie pas la façon que nous avons de le vivre en Eglise.
Théologiquement d’abord : on va encore dire que “Dieu s’est fait homme”, que “Dieu est descendu sur terre”, que “Dieu a pris chair dans un tout petit enfant”.
Je conteste ces formulations.
Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, habite un espace-temps inaccessible à nos sens, nul ne peut le voir sans mourir : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. » (Exode 33, 20)
Qu’avons-nous fait de cette Parole, nous chrétiens ? Ce Dieu-là n’est jamais descendu sur terre, ce Dieu-là n’est pas homme, ce Dieu-là n’est pas masculin ! Nous ne savons rien de sa forme, de son apparence, de son être profond. C’est bien parce qu’ils affirment à tort que Dieu tout entier se manifeste en Jésus Christ son Fils que les chrétiens se fourvoient dans leur façon d’appréhender Dieu. Jésus est pleinement son Fils, oui, il est pleinement le Verbe de Dieu, il est pleinement la deuxième Personne de la Trinité… mais pas la Première ! Laissons au Dieu d’Israël ses prérogatives, et progressons dans le respect que nos aînés juifs ont de son mystère ! J’avoue pour ma part être presque gênée devant des proches juifs de ce que nous autres chrétiens sommes capables d’affirmer à Noël. “Mais Jésus est Dieu !” va-t-on encore m’objecter comme si j’étais une mauvaise chrétienne. Eh bien pour ma part, je ne peux nommer “Dieu” que la Trinité tout entière, avec ses trois Personnes distinctes l’une de l’autre, ou le Père qui existait déjà avant qu’Il n’envoie le Fils s’incarner en homme masculin. Quand Jésus s’est incarné à Bethléem, il n’a rien enlevé au Père, qui est demeuré Dieu tel qu’Il était et sera pour l’éternité.
De ces abus de langage chrétien vient mon mal-être pendant les fêtes liturgiques de Noël. Car nos cantiques et nos prières regorgent de ces affirmations erronées.
Le prêtre catholique en rajoute-t-il encore avec emphase sur le fait que Marie soit demeurée vierge pendant son accouchement – prière du style : puisque sa naissance n’a pas altéré mais a consacré la virginité de sa mère –, la coupe est pleine pour moi. Qu’on me dise qui, dans l’étable de Bethléem, a pratiqué une césarienne sur Marie. Ou qu’on me démontre pourquoi celui qui professe que Jésus s’est dématérialisé en passant l’hymen de sa mère, vierge jusque là, est dans la vérité, et que moi je suis dans l’hérésie en affirmant que le Christ Jésus est vraiment venu dans la chair en grandissant comme fœtus dans le sein de sa mère et en en sortant avec un vrai corps qui ne peut pas se dématérialiser à l’instant de sa naissance. On m’a souvent objecté que Jésus avait pénétré au Cénacle toutes portes verrouillées : c’est vrai, mais cela se passe après sa résurrection, dans son corps de ressuscité qui n’est plus soumis aux lois terrestres.
J’ai exprimé ce qui est pour moi un réel obstacle à être en phase avec l’Eglise lors des célébrations de Noël.
Cette année, ce ressenti est plus fort encore, car j’estime que maintenant que tout le monde sait à quel niveau d’iniquité certains clercs se sont hissés en abusant du corps et par là-même de l’âme d’enfants, de jeunes gens ou de jeunes filles et même de religieuses, à quel point toute l’Eglise est souillée par l’omerta qui a régné sur ces crimes pendant des décennies – des siècles ? – , il est presque indécent que l’on propose à notre vénération béate des petits Jésus de plâtre ou de bois le soir de Noël.
N’aurait-il pas été plus judicieux de faire une vraie trêve de Noël pour une fois, de jeûner de cette fête devenue tellement païenne et commerciale, et de consacrer le budget correspondant à indemniser les victimes des abuseurs, plutôt que de demander encore dans quelque temps aux fidèles de mettre la main à la poche pour des crimes dont ils sont pour la plupart complètement innocents ?
L’Eglise, au stade d’iniquité qu’elle a révélé être capable d’atteindre, devrait bien plutôt faire pénitence, se couvrir de cendre et implorer le Seigneur de la rendre capable de conversion et de vraie charité, plutôt que de perdre son énergie à célébrer dans les fastes l’anniversaire du petit Jésus… dont nous ne connaissons d’ailleurs pas la date.
1 commentaire
Je lis et je relis…et c’est l’Evangile qui me donne la réponse :Noel c’est le Christ venu le plus simplement au monde -dans une cr^che pour vivre son humanité – relisons et relisons l’Evangile, la Parole et nous aurons l’exemple du Christ et non l’exemple des humains parfois super compliqués . OUI la simplicité et la Parole et l’exemple du Christ.