Cette année, pour entendre des paroles sur la résurrection, il fallait vivre une messe filmée d’où nous étions absents de toute façon, et j’avoue ne pas en avoir eu l’envie après plusieurs semaines sans autres célébrations que ces vidéos qui me laissent au cœur plus de frustration d’eucharistie qu’autre chose. Hier, j’ai préféré, pour célébrer le matin de Pâques, me promener dans mon si bel environnement sublimé par un printemps d’une extrême générosité cette année, comme si l’absence des humains donnait à la nature un surcroît de splendeur au sortir du long hiver.
J’ai tout de même lu, ici ou là, des billets de blog ou des homélies évoquant la résurrection du Seigneur Jésus. Et que l’on me pardonne, mais je ne peux m’empêcher de sentir monter cette parole qu’avait parfois Jésus, dépité par les doutes de son entourage : “Gens de peu de foi.”
Oui, gens de peu de foi, quand on considère encore comme un fait extraordinaire et parfois sujet à discussion la résurrection du Fils de Dieu au matin de Pâques. Quand on n’est toujours pas capable de voir plus loin que cet événement dans la révélation des Ecritures. Quand on se limite à penser que le Christ étant ressuscité, nous aussi nous aurons part à cette résurrection par-delà notre propre mort. Croyant cela, nous nous pensons d’authentiques chrétiens. Et je dois dire que les homélies de Pâques de cette année me semblent encore plus insipides que d’habitude. J’admets que l’exercice est difficile : les prêtres et religieux fêtent Pâques liturgiquement entre eux, sans fidèles présents, et prétendent néanmoins avoir une parole à nous porter à travers des caméras et des écrans dont ils ne sont même pas sûrs finalement que quelqu’un se trouve à l’écoute de l’autre côté. Ils risquent des mots sur le confinement et cette maladie qui meurtrit nos sociétés, tentent un parallèle hasardeux entre le déconfinement à venir et la résurrection, mais tout cela, je trouve, sonne assez faux, quand l’octave pascale ne fait que prolonger le carême imposé à la majorité de l’humanité quelle que soit sa religion ou sa non-croyance.
Pour moi, je préfère élever un peu mes pensées et aller chercher dans le cœur de Dieu comment Lui ressent les choses.
Ne croyez-vous pas qu’il est un peu las, depuis 2000 ans, de voir les chrétiens à Noël s’extasier devant des petits Jésus emmaillotés, puis, environ quatre mois plus tard, feindre de s’étonner année après année que ce même Jésus crucifié ait ressurgi vivant de l’ignominie de sa Passion infligée par ses contemporains et coreligionnaires qui avaient refusé de croire en sa parole ?
Interrogeons-nous donc : Dieu ne serait-il pas las, finalement, de ces rituels liturgiques qui reviennent avec une régularité de métronome au fil des saisons, sans que l’humanité ne remette jamais en question sa manière de fonctionner, si loin des commandements du Premier Testament puis du Verbe ?
Si être chrétien ne signifie qu’observer ces rites en attendant chacun sa mort avec une lueur d’espérance en un au-delà, malheureux sommes-nous ! Si nous amputons la parole des Prophètes et du Verbe de leur dimension eschatologique, nous sommes les plus à plaindre de tous les croyants.
Les promesses de Dieu sont pourtant claires, d’Isaïe à l’Apocalypse de Jean en suivant toute la trame de l’Evangile !
Alors j’aurais aimé entendre de la part de nos prédicateurs des paroles un peu plus audacieuses en cette année si particulière et inédite pour toute l’humanité. Nous sommes confinés, privés de nos pratiques religieuses : pourquoi ne pas y chercher un sens, enfin ? Pourquoi espérer tout reprendre après le confinement comme si de rien n’était ? Et si Dieu voulait nous dire à travers ces événements incontournables qu’Il n’en peut plus de nos années liturgiques qui se répètent depuis vingt siècles sans fruit pour nos relations humaines et sociales ?
Et si c’était le moment pour nous d’espérer complètement autre chose que le premier restaurant ou cinéma que nous nous offrirons sortis de nos tanières ?
Et si c’était le moment d’observer notre planète irrémédiablement épuisée par l’activité humaine ?
Et si c’était le moment de croire en un ailleurs, en un autrement, en un définitivement mieux ?
Je crois du plus profond de mon être que Dieu est fatigué de notre manque de foi et d’audace spirituelle, qu’il veut, à travers ces événements, nous conduire enfin vers le terme de la Révélation donnée depuis si longtemps et écrite noir sur blanc dans toute Bible papier ou numérique :
Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus.
Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari.
Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu.
Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. »
Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »
Apocalypse 21, 1-5
Alors oui, je le crois profondément, le Christ évidemment vivant est à nos portes et vient prochainement, très prochainement, pour son second avènement, sa manifestation définitive, sa royauté incontestable et universelle, non pas pour la vivre ici sur cette création perdue, mais pour nous emporter d’une manière qui lui appartient à Lui seul vers la terre nouvelle sous les cieux nouveaux où nous pourrons enfin vivre selon sa Parole et les préceptes que la Sagesse de Dieu n’a pas cessé de vouloir faire connaître à l’humanité depuis ses origines. Et ce n’est pas à la force de notre volonté humaine que cette société nouvelle adviendra, mais par pure grâce de Dieu, tout comme les Hébreux sortirent de l’esclavage d’Egypte par grâce de la compassion du Père.
Amen, viens Seigneur Jésus !
1 commentaire
chère Véronique, merci pour ces partages qui me font réagir. Ne croyez-vous pas que loin d’être las, Dieu nous donne l’occasion de nous recentrer sur l’essentiel ? En comprenant notre fragilité, nous nous tournons vers Celui qui peut tout. Il nous porte sur ces épaules comme l’agneau épuisé par ses chemins de traverse est porté par le bon berger. Privés de l’Eucharistie, nous ne sommes jamais privés de Son Amour même au coeur de nos souffrances. Que notre coeur se laisse transpercé d’amour pour Dieu et pour nos frères. Soyons la flamme de l’espérance.