Finalement, j’ai une chance : en confiant à un prêtre mon désir de me consacrer au Seigneur il y a presque dix ans maintenant, je l’ai mis devant le fait accompli, et il a béni mon vœu sans m’obliger à m’astreindre à la discipline du long “discernement en Eglise”. J’arrivais déjà très déterminée, appelée au plus profond de moi-même par le Christ Jésus à ce détachement définitif des créatures. Je ne l’ai jamais, jamais regretté, et tout confidentiel pour l’Eglise que soit mon vœu renouvelé chaque année auprès d’un prêtre différent, je m’y tiens sans difficulté.
Ma très grande chance, c’est ma liberté dans le Seigneur. En effet, je ne me suis inféodée à aucun Ordre, et je n’ai jamais promis de “servir l’Eglise” comme le font par exemple les “Vierges consacrées” – appellation que je trouve d’ailleurs réductrice voire insultante pour les femmes. Pour moi, me consacrer au Seigneur, c’était et c’est toujours véritablement le prendre Lui pour unique Epoux. Cela ne signifie aucunement que je devrais devenir une main d’œuvre docile pour une paroisse ou un diocèse. Toute ma vie de foi m’a suffisamment démontré quel contraste il y a entre Dieu et l’Eglise, fût-elle celle de mon baptême. Si j’ai traversé une longue nuit d’agnosticisme de 18 à 33 ans, ce n’était aucunement par désintérêt pour le Seigneur Jésus, mais bien plutôt en raison d’insurmontables contre-témoignages chrétiens tout autour de moi et du discours ecclésial des années Jean-Paul II. Jamais je n’ai pu adhérer à ce moralisme et à ces vues familiales étriquées, et je n’y adhère toujours pas a posteriori.
Il était donc hors de question pour moi de vouer ma vie des années plus tard à une institution qui montrait tant de prises de distance avec l’Evangile. Le Dieu Trinité est toute ma vie. L’Eglise catholique romaine, dans son fonctionnement qui démontre tant de failles, non. Si je lui étais liée par des vœux dans un Ordre, j’aurais le sentiment de cautionner tacitement ses mille et uns scandales. Qu’ils soient sexuels, de pouvoir ou financiers, tous me révulsent. J’entends ne pas me taire quand la voix des victimes est étouffée et que les rouages de la hiérarchie et de la curie démontrent… leur incurie.
Je dialogue sur les réseaux sociaux avec des prêtres ou des religieux/ses qui ont un franc-parler admirable sur ces sujets. Ils forcent mon admiration. Mais quelle souffrance je mesure dans leur vœu d’obéissance ecclésiale ! Ils s’expriment, mais sont menacés de l’intérieur et de l’extérieur. Ils écrivent comme des lanceurs d’alerte quand les scandales se tissent, mais sont intimidés ou ignorés par la hiérarchie ecclésiale elle-même. Etant peu nombreux, ils déploient une énergie colossale pour prendre la défense de victimes d’abus qui se confient à eux, et le paient très cher en matière de réputation, jusqu’à la disgrâce qui finit par les poursuivre.
Si j’étais liée à un Ordre, je ne sais pas si j’aurais le même courage qu’eux. Fort heureusement, je ne le suis pas officiellement, même si la spiritualité du Carmel nourrit ma vie d’oraison. Je suis dans l’Eglise un électron libre et si les scandales allaient encore plus loin – alors que la coupe est déjà pleine – je crois que je renoncerais même à la pratique. Cela ne me couperait en rien du Seigneur : d’ailleurs nous l’expérimentons en ces temps de confinement, il n’y a pas que la messe qui puisse nourrir notre foi, quoiqu’en disent quelques Versaillais et leurs émules.
Qui a un ancrage fort dans le Seigneur notre Dieu peut le retrouver dans la prière, la méditation des Ecritures et le “sacrement du frère”, autrement dit l’Evangile vécu dans nos relations humaines. Et Lui qui aime avant toute chose l’authenticité d’une foi, Il saura se donner à l’âme sincèrement en quête de Lui. Mon désir n’est pas de me couper de l’Eglise, d’ailleurs j’apprécie au plus haut point les liens tissés dans ma paroisse. Mais si je devais abdiquer ma liberté de parole et de ton et fermer les yeux sur tant d’inadmissibles scandales, je préfèrerais encore continuer à vivre ma foi concrètement dans mon quotidien en m’abstenant des sacrements. Dieu me demande de témoigner de sa Parole et d’être signe de sa présence, pas de cautionner une institution qui le trahit autant qu’elle le célèbre.
1 commentaire
Je viens de lire votre message.
Je comprends votre position.
Je reconnais que c’est le frère, la sœur qui m’intéresse croynat(te) ou pas.,ou en recherche. Le prosélytisme m’insupporte qui existe aussi ailleurs que dans l’église cayholique.