A partir de ce verset de la première lecture d’aujourd’hui dans les Actes des Apôtres 3, je reviens sur une polémique qui a eu cours la semaine dernière sur les réseaux sociaux.
Michel-Marie Zanotti-Sorkine, un prêtre très médiatique qui traîne des hordes d’admirateurs après lui, a cru bon de mettre en ligne sur sa page Facebook et sa chaîne YouTube une homélie qu’il a prononcée le 25 mars 2021 en soutien à la famille de Thomas Philippe, ce dominicain coupable d’abus spirituels et sexuels dont le corps a été exhumé de la propriété de l’Arche pour être inhumé plus discrètement au cimetière de la commune de Trosly. Michel-Marie Zanotti-Sorkine partit dans une homélie dans laquelle il évoquait avec emphase la miséricorde inconditionnelle de Dieu et les grands mérites de Thomas Philippe que nous serions désormais tous coupables d’occulter, tout en affirmant que ce dominicain reconnu coupable de manipulations mystico-spirituelles et d’abus sexuels sur au moins une dizaine de femmes majeures se trouvait assurément “dans les bras de Dieu”. Ceci en laissant planer le doute sur la véracité des témoignages des victimes et sans un réel mot de compassion pour elles.
Face au tollé suscité par cette homélie et sa diffusion sur les réseaux sociaux, avec des centaines de commentaires contrastés entre inconditionnels de ce prédicateur toujours prompts à l’ovationner et vifs témoignages d’opposition à cette prise de parole et à la distorsion des valeurs évangéliques qu’elle contenait, la vidéo a brutalement disparu de la page Facebook et de la chaîne YouTube de Michel-Marie Zanotti-Sorkine, faisant tomber aux oubliettes du même coup tous le commentaires qui y étaient attachés.
Si je reviens sur cette affaire, c’est que le verset cité en titre m’en donne l’occasion.
Il y a 2000 ans, la foule rassemblée à Jérusalem pour les fêtes de la Pâque juive exigea la grâce du meurtrier Barrabas en échange de la condamnation de Jésus l’innocent au supplice de l’infamie. Et Jésus fut torturé et mis à mort sur la croix.
Nous voilà un peu dans le même processus de nos jours quand ceux qui se considèrent comme de “super chrétiens” manipulent le concept de miséricorde divine pour faire des plus grands pécheurs les plus grands saints au mépris de leurs victimes. Ils prient avec ardeur pour le salut des violeurs, assassins, terroristes, sans se demander s’il n’y a pas scandale à imaginer ceux-là, après leur mort, en paradis, tandis que leurs victimes encore en vie ou les proches de leurs victimes demeurent ici-bas dans une souffrance de tous les jours qui ne passera jamais. Peut-on décemment exiger de Dieu la béatitude éternelle pour des criminels qui ne se sont pas repentis de leurs actes, tout en demeurant dans une relative indifférence à leurs victimes directes et “collatérales” dont la vie reste pour toujours dévastée ?
C’est une question que je pose ouvertement depuis très longtemps en rencontrant peu de compréhension dans les milieux chrétiens. Que n’ai-je pas déjà essuyé d’accusations d’être sans miséricorde, de ne pas savoir pardonner, de “juger”, ô mot honni !
Ce que je pardonne dans ma propre vie à qui m’a fait du tort m’appartient, appartient à mon prochain offensant et à Dieu qui voit dans les replis des cœurs.
Mais que l’on ne me demande pas de pardonner à l’aveugle à qui a fait du tort à mon prochain qui en souffre encore intensément, que l’on ne me taxe pas de mauvaise chrétienne parce que ma prière va bien davantage aux victimes qu’à leurs bourreaux !
Au jour de la Passion de Notre-Seigneur, assurément, j’aurais demandé sa grâce à Lui et non celle de Barrabas.
Image : Jesus appearing before Pontius Pilate and Caiphas, while Barabbas the thief stands below. Livre d’heures d’Etienne Chevalier, Jean Fouquet XVe