Elle est assise sur un tabouret pivotant dans une élégante robe rouge bien ajustée qui lui va à ravir. Le clavier au bout des doigts – je l’ai vue mettre la dernière main à son PowerPoint ces tous derniers jours passés chez moi. Le coup de stress est derrière elle, elle est prête et déterminée à prouver aux quatre membres du jury et à ses invités présents dans cette salle à l’allure solennelle, famille toute proche et amis bien aimés, qu’elle maîtrise parfaitement le sujet de sa thèse en médecine générale au thème innovant et quelque peu tabou : le vécu des hommes victimes de violences conjugales. Le jury entre, l’assistance retient son souffle et elle se lance dans un exposé d’une vingtaine de minutes qu’elle mène avec brio. C’est limpide, parfaitement préparé et accessible pour un public n’ayant pas le même niveau de connaissances scientifiques qu’elle et ses professeurs et directeur de thèse. Je suis assise tout près d’elle et j’ai confiance. Enfant et adolescente, elle était habituée à évoluer seule ou en équipe devant un jury exigeant sur un praticable de gymnastique rythmique. Et le scénario était toujours le même : tendue et nouée jusqu’aux larmes avant son passage, parfaite et souriante sur le praticable, en pleurs dans les bras de ses entraîneurs dès qu’elle l’avait quitté. Je sais que sa prestation sera parfaite car elle maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Quelques questions insidieuses ne suffiront pas à la déstabiliser. Elle conquiert son jury et tout l’auditoire, beaucoup s’interrogeant pour la première fois sur ce sujet délicat des violences conjugales abordé pour une fois dans l’autre sens, avec des hommes victimes dont elle nous a livré des extraits de témoignages poignants.
Le jury s’absente un très court temps pour délibérer tandis que je l’aide à enfiler sa tenue de doctorante.
La mention est à la hauteur des éloges déjà entendus précédemment : Très honorable, avec les félicitations du jury. La voilà admise dans le collège des Docteurs en médecine. Le poids de l’honneur qui lui est fait et de la délivrance du stress la fait instantanément fondre en larmes, et, tournée vers le jury, le dos à son public, elle prononce le serment d’Hippocrate, des sanglots dans la voix, tandis que tous, nous la soutenons dans cet ultime rituel les yeux embués nous aussi.
La salve d’applaudissements, la sortie de la salle, les embrassades avec ses proches, les enchaînements de photos lui rendront son sourire éclatant. En cet instant, elle savoure l’immense soulagement d’être parvenue, dans l’excellence, au terme d’une scolarité toujours studieuse et de dix longues années d’études de médecine tellement éprouvantes et exigeantes. Elle est déjà un très bon médecin généraliste depuis dix-mois, la voilà officiellement docteur, approuvée, encouragée, louée par ses pairs pour sa rigueur intellectuelle et scientifique et ses très profondes qualités humaines.
Je suis tellement fière de toi ma fille, tellement heureuse de ton succès et de cette délivrance que tu peux enfin éprouver, de cet allègement de tes jours à venir qui va te permettre de goûter pleinement l’été, pour une fois depuis bien longtemps.
C’est une route lumineuse et encore pleine de surprises qui s’ouvre devant toi, prends toute la mesure de ta valeur personnelle et sois grâce et secours pour tes patients tout au long de ta carrière, toi qui combles tes deux parents et tous tes proches de fierté et de gratitude !
Dessin par : alyeska_art
7 commentaires
Félicitations à votre fille et à ses parents . Le sujet est intéressant , comment se procurer cette thèse ?
Merci d’avance et meilleures salutations
C’est magnifique, merci pour ce partage, j’imagine bien la scène, on s’y croirait !
Delphine a mis ses talents et sa sensibilité au service d’une belle vocation, tu peux être fière d’elle et de tous ses efforts pour y arriver. Elle va pouvoir déguster à présent sa réussite, et tu as bien raison d’en être fière et heureuse !
Félicitations à elle et à toi, à tous ses proches qui l’ont soutenue durant ces longues années d’études qui aboutissent enfin !
Merci du fond du cœur, Cathy, pour elle et pour nous ! 🙂
Merci pour ce billet et bravo pour ta fille (rayonnante et belle selon la photo FB). Bien que n’étant pas concerné par le sujet de sa thèse, j’y suis très sensible, car je sais que cette problématique “inattendue” concerne de véritables drames humains. Je ne peux que conseiller à Delphine de vulgariser et diffuser ses travaux.
Merci François-Marie, oui, elle prend désormais ce sujet à cœur et a bien l’intention de donner de la visibilité à son travail de recherche pour provoquer une prise de conscience. C’est tout le sens de son engagement.
Quel bel hommage d’une maman à sa fille, et tellement juste, comme si on y était…
Merci chère Cécile, je veux partager ma joie et ma fierté avec ceux qui n’ont pas eu la chance d ‘être présents hier. 🙂