Dernièrement, tandis que j’exprimais sur les réseaux sociaux une conviction théologique forte et bien argumentée, un commentateur inconnu m’a lancé avec dédain : “Je vous conseille d’aller voir un psy”. Ce qui m’occasionne cette réflexion a posteriori.
Cette répartie était ce jour-là évidemment pensée comme une sorte d’insulte. Je pense que cet interlocuteur, qui s’est dérobé par la suite et n’avait rien de constructif à apporter au débat pourtant nourri, voulait signifier qu’il me trouvait mentalement déséquilibrée. Comme s’il y avait au monde deux sortes de personnes : celles qui sont saines d’esprit et n’ont jamais besoin de consulter “un psy” et les autres, dérangées voire folles, qui ont recours à eux. Et bien sûr, ce monsieur devait se ranger dans la première catégorie, gratifiante à ses yeux. S’il savait à quel point cette manière de classifier les gens est ridicule et erronée !
Car enfin, consulter “un psy”, est-ce dégradant et synonyme de faille mentale ?
N’importe qui peut, à un moment ou à un autre de sa vie, être confronté à des événements ou des personnes émotionnellement et psychologiquement ingérables. Un deuil extrême, une situation de harcèlement, une souffrance ancienne refoulée, des crises d’angoisse qui apparaissent soudain sans qu’on puisse en déterminer seul l’origine, voire un effondrement psychique dû à des facteurs multiples, absolument personne n’est à l’abri d’une phase de difficulté psychologique qui empêche d’avoir une vie sereine. Et ainsi, tout un chacun peut un jour être amené à pousser la porte d’un cabinet de psychiatrie ou de psychothérapie, et ce de manière épisodique ou régulière. Pourquoi faudrait-il en ressentir de la honte voire de l’humiliation ? Et ce d’autant plus que les personnes qui harcèlent autrui et nous mettent en difficulté psychique consultent pour leur part rarement, préférant nuire en tout impunité que de se remettre en question en entreprenant un travail sur elles-mêmes. Le mythe “Moi je suis sain d’esprit, d’ailleurs je ne vais jamais chez un psy” est aussi ridicule qu’infondé. Il révèle plutôt une peur de découvrir en soi des zones d’ombre qu’on n’est pas prêt à affronter. Cette attitude confine plus à l’orgueil mal placé voire au narcissisme qu’à l’équilibre mental. Il est d’ailleurs notoire que les victimes de harcèlement ou d’abus en tous genres consultent bien davantage que leurs bourreaux satisfaits d’eux-mêmes. Fait qui relève davantage de l’injustice que d’un contraste de santé mentale.
Pour moi, c’est sans honte que j’assume des soins réguliers et un besoin de thérapie. Car la vie ne m’a guère épargnée, et que nombre de manipulateurs ont croisé ma route. Car j’ai besoin aussi d’une aide pharmacologique au long cours pour demeurer équilibrée, lucide et sereine. Et ainsi, je puis affirmer que, soignée sérieusement et efficacement depuis de longues années, d’une part je me connais parfaitement moi-même, sans doute bien plus que la moyenne des gens, et d’autre part mes humeurs et mon activité cérébrale sont très bien régulées, certainement bien plus aussi que celles de personnes qui se prétendent saines parce qu’elles ne “vont pas voir un psy”, mais dont le fonctionnement émotionnel ou moral est un fiasco, engendrant des dégâts considérables sur celles et ceux avec lesquels elles interagissent.
Alors en conclusion, je pourrais dire que je n’éprouve aucune honte à “aller voir un psy”, et que j’ai au moins l’avantage de me savoir suivie et équilibrée psychiquement, ayant déjà fait un énorme travail sur moi-même, ce qui n’est pas le cas de bien de personnes un peu trop sûres, à mon sens, de leur propre équilibre mental.