Parfois, j’aimerais que de Noël, on retienne davantage ce verset que toutes les homélies et les cantiques qui proclament: “Dieu s’est fait homme en Jésus Christ”.
Sur les réseaux sociaux, un contributeur m’a reproché récemment de tomber dans des hérésies des premiers siècles de l’Eglise. Arianisme ou nestorianisme, d’aucuns ne se privent pas d’utiliser les grands mots à mon encontre. Il me semble pourtant que j’ai l’honnêteté, et depuis toujours, d’interroger la foi catholique qui m’a été inculquée dès ma plus tendre enfance. Que l’on m’assène “Les conciles ont tranché et voilà la foi de l’Eglise !” ne peut en aucune manière m’assurer que l’Eglise catholique et elle seule détienne les vérités ultimes de la foi et pour plusieurs raisons :
– L’Eglise au sens d’assemblée des baptisés chrétiens est en ce XXIe siècle morcelée comme jamais. Et je trouve incroyablement présomptueux de la part des catholiques romains ou orthodoxes de se prétendre dans la vérité tout entière au détriment des autres chrétiens, au seul prétexte que des assemblées humaines masculines auraient décidé au cours des siècles de ce qui était la foi véritable et ce qui ne l’était pas, suite à des controverses nées parmi les baptisés.
On va encore me dire “L’Esprit Saint était à l’œuvre”. Voire. On sait désormais de quoi l’Eglise en sa hiérarchie 100 % masculine est capable, et je ne crois pas, franchement, que ces prélats rassemblés en conciles aient été davantage revêtus d’infaillibilité spirituelle qu’ils ne l’ont été d’infaillibilité morale dans le traitement des affaires d’abus mises à jour ces dernières décennies. Et que l’on ne vienne pas me reprocher de “tout mélanger” : si ces hommes d’Eglise éminents se montrent capables de commettre, couvrir et dissimuler le crime, alors l’Esprit Saint les déserte incontestablement au cours de leur vie ecclésiale, le sacrement de l’Ordre n’étant pas une garantie d’en être toujours imprégnés. En responsabilité comme en concile. Ainsi, les dogmes et doctrines qui ont été décidés “en réfutation de” tel ou tel courant né parmi les baptisés ne peuvent pleinement me convaincre.
– La deuxième raison en est que nous vivons à une époque où l’on a le droit de s’instruire et de s’informer – et ce n’est pas si ancien pour les femmes longtemps maintenues dans l’illettrisme – et d’aller regarder ce qui se croit dans les autres traditions religieuses sans en venir pour autant à mordre dans un fruit défendu. Et nous avons beaucoup à apprendre de ce qui constitue pour notre prochain non chrétien sa propre vérité ou du moins quête de vérité.
Pour ma part, j’ai un respect infini pour la manière juive d’aborder l’idée de Dieu : L’Eternel qui se manifeste d’Abraham jusqu’à aujourd’hui coïncide davantage avec ma perception du Très-Haut que le Bon Dieu un peu mou et qui “pardonne tout, absolument tout” et n’a plus aucune puissance, sinon un amour doucereux, proposé par nos catéchismes.
Alors, pourquoi cette réflexion en ce 24 décembre ?
Parce que je n’apprécie pas les homélies de Noël où le prédicateur se gargarise de “Dieu s’est fait homme en Jésus Christ”. Il faut décortiquer cette phrase ! Dieu, c’est notre Dieu Trinité, soit le Père, le Fils et l’Esprit saint que nous appellerons plus judicieusement la Ruah, car cette troisième Personne a son existence propre et qu’elle est éminemment féminine. Et Dieu le Père n’est jamais descendu sur la terre, n’a jamais été “masculin” au sens terrestre et ne s’est jamais incarné.
En lui préexistait le Verbe, oui. Et il a voulu donner un corps à ce Verbe et l’envoyer au milieu de l’humanité, il y a 2000 ans, en recueillant l’assentiment d’une jeune fille vierge pour lui donner une chair qui lui permettrait de mener une vie humaine presque ordinaire. Presque, puisque ce Fils né sans aucune intervention masculine terrestre demeurerait le seul homme ici-bas à être et vivre sans péché. Fils de Dieu et fils de Marie. Fils, et non pas Dieu incarné à lui tout seul. Jésus n’est ni le Père, ni la Ruah. Il est seulement la deuxième Personne de la Trinité et pas les deux autres.
C’est le Fils qui est né dans la pauvreté, a vécu dans l’humilité et a été crucifié par jalousie mortifère de ses coreligionnaires, comme jadis Joseph livré par ses frères. Le Fils de la prédilection du Père a connu tous les assauts de la jalousie des dévots qui se manifeste quand Dieu fait grâce à l’un de ses élus. Ainsi, il a été totalement injuste d’accuser le peuple juif de déicide. Caïn a-t-il mis à mort l’Eternel ? Non, il a tué par jalousie son frère Abel qui avait rencontré la complaisance du Père mieux que lui-même. Ainsi de la crucifixion du Christ Jésus. Devenu frère par la chair de toute l’humanité, il a suscité autant d’amour et d’écoute que de haine et de jalousie.
Et si l’on s’irrite contre moi et qu’on me voue au bûcher des hérétiques en ce veillée de Noël, que l’on s’interroge soi-même davantage sur ses propres motivations à haïr ce que j’affirme que sur ma prétendue foi déviante.
Image : Nativité, XVIe ,Musée Unterlinden de Colmar