Je nourrissais un vieux rêve : défier le long hiver du Grand Est en allant chercher le soleil de janvier sous les tropiques. Fantaisie qui m’était interdite tant qu’enseignante, j’étais calée sur les congés scolaires, dont la moitié était d’ailleurs à chaque fois consacrée à la préparation de la rentrée suivante. Il m’a donc fallu attendre la retraite pour concrétiser ce vœu ancien de court-circuiter les rigueurs de l’hiver, le froid sec ne m’insupportant d’ailleurs pas tant que la grisaille et la froide humidité prévalant ces dernières années de novembre à mars dans nos contrées.
Mes enfants encore libres de charges familiales et l’une de mes sœurs avec son mari furent rapidement complices de mon projet d’escapade au soleil, et nous voilà partis tous les sept fin janvier pour l’île de la Martinique. Privilège de traverser l’Atlantique sur huit mille kilomètres tout en demeurant sur le territoire français !
Ce fut un enchantement, depuis une magnifique villa louée pour un peu moins d’une quinzaine jusqu’aux paysages somptueux que nous allions découvrir. Le dépaysement avait commencé avec l’incongruité d’une valise d’été préparée au cœur de l’hiver, ne restait plus à l’aéroport du Lamentin / Fort de France qu’à ôter bien vite pulls et manteaux pour achever la journée en tee-shirt. Deux Duster de location récupérés au Lamentin, et nous partions à la découverte du sud de l’île, jusqu’au Marin où nous attendait au bout de petites routes improbables notre somptueuse habitation provisoire. Nos GPS ne manquèrent pas de nous faire prendre des raccourcis périlleux en quasi jungle, faisant naître en nous le doute de trouver vraiment au bout de ce chemin non goudronné plein de nids de poule et de bosses la maison créole qui nous faisait rêver en photo depuis des semaines. Mais nous avons fini par la découvrir dans un quartier improbable, au sommet d’une colline, tout illuminée en cette nuit d’arrivée, salon largement ouvert, sans baie vitrée, sur une magnifique piscine éclairée offrant au loin une vue imprenable sur l’Atlantique. Ravissement bien mérité au terme d’un long voyage en voiture vers Paris pour cause de grève SNCF, d’une nuit d’hôtel à Roissy puis d’un vol d’environ neuf heures et de cet ultime trajet chaotique qui nous valut un transit de presque trente-six heures en totalité. Mais la magie du décalage horaire nous faisait arriver vers 20 heures locales alors que nos organismes accusaient la fatigue de 1 h du matin.
Au fil des jours, nous sommes allés d’enchantement en enchantement, depuis le marché coloré et joyeux du Marin où les marchandes nous appelaient “chérie” et “Doudou” avec un tutoiement spontané, jusqu’au début du carnaval à Sainte Anne avec le premier défilé bigarré au son des percussions, en passant par la magnifique plage des Salines sur la Mer des Caraïbes, le rocher du Diamant, la visite de la presqu’île de la Caravelle, le somptueux jardin aux plantes tropicales de Balata, la visite de la bananeraie Belfort en petit train et de la rhumerie de Trois Rivières, la découverte de Fort de France, la plage des Anses d’Arlet où certains d’entre nous ont nagé près de tortues de mer, l’air vivifiant du Grand Macabou, des cascades époustouflantes de beauté et pour les plus sportifs du groupe, de la plongée sous-marine et l’ascension athlétique de la Montagne Pelée, le volcan du nord de l’île.
Séjour aux mille découvertes, sous un soleil constant entrecoupé de très rares et brèves averses, les températures avoisinant les 28 degrés nous faisant sécher aussitôt. Les deux plus jeunes du groupe, dont l’un fêtait son anniversaire, se sont même offert un inoubliable premier saut en parachute qui a fait battre mon cœur de maman d’appréhension puis de soulagement.
Cette parenthèse enchanteresse au soleil des tropiques, dans cette île si attachante, nous fera oublier bien vite l’épreuve du long voyage retour, la fatigue due au décalage horaire, le choc thermique à l’arrivée en France métropolitaine.
Nous pouvons ranger pour plusieurs mois nos vêtements d’été et nos souvenirs rapportés dans des valises alourdies, des pièces de madras jusqu’aux paréos fleuris, d’ici à l’été continental qui aime tant à se faire attendre et désirer.
Mais ce petit détour par la chaleur estivale de la Martinique nous tiendra chaud au cœur pendant longtemps encore.
Plage des Salines
Jardin de Balata
Fleur tropicale, jardin de Balata Photo ©Pierre R.
Colibri, jardin de Balata Photo ©Pierre R.
Montagne Pelée Photo ©Pierre R.