Le recueillement ému de la Vigile pascale, l’allégresse de l’Alléluia du matin de Pâques, la joie des recevoir mes enfants à la table des réjouissances, les arômes du vin et la saveur du traditionnel gigot, le dessert qui réjouit les papilles, le petit tour de jardin explosant des promesses du printemps, les taches de couleurs ici et là des fleurs d’avril après cet hiver si long, l’évocation d’un coup de peinture fraîche dans plusieurs pièces de la maison ces prochains jours et le soulagement de voir enfin les lieux prêts pour les travaux, une fin d’après-midi en repos ressourçant…
Et puis à 20 h, j’allume la télé sur la chaîne publique et je me prends en pleine figure les catastrophes du jour.
Des immeubles effondrés suite à une explosion à Marseille et la recherche désespérée et difficile de vies sous les décombres enflammés, une avalanche meurtrière en ce jour de Pâques aux Contamines-Montjoie qui pleurent les fureurs de la montagne, le témoignage glaçant d’un ancien de la garde rapprochée de Poutine qui évoque les effets de sa paranoïa, des tirs de guerre et des provocations, encore et encore, tandis que les trois religions monothéistes fêtent des dates importantes de leurs traditions respectives, des fillettes que l’on décourage d’aller à l’école en Iran en tentant de les empoisonner au gaz sans que les autorités – complices de cette oppression des femmes et des filles – ne réagissent…
Comment demeurer dans la joie de la résurrection du Seigneur Jésus en contemplant ainsi, dans une totale impuissance, les tragédies et les dérives du monde ?
Une réalité m’apparaît de plus en plus crûment : bien loin de nos homélies sucrées évoquant un monde entièrement renouvelé depuis la résurrection de Jésus, le péché et la mort vaincus une fois pour toutes, une humanité convergeant depuis vers la fraternité universelle sous le regard bienveillant du Père qui voudrait nous y offrir bonheur et prospérité, la violence des éléments de cette création et l’iniquité de bien des hommes qui entendent la dominer de plus en plus nous étranglent et nous plongent dans un chaos qui n’en finit pas… ou plutôt si, un chaos qui conduit à une proche délivrance, tout comme la femme qui accouche souffre des contractions de plus en plus violentes et rapprochées à mesure que l’enfant à naître progresse vers la lumière du jour.
“Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore.”
Romains 8, 22
Je ne cesse de souligner en mon âme, à chaque messe à laquelle je participe, ces paroles prononcées après le Notre -Père par le prêtre qui d’ailleurs bien souvent, à l’image d’une large majorité de ses fidèles, ne croit pas lui-même en leur conclusion :
“Délivre-nous de tout mal, Seigneur,
et donne la paix à notre temps ;
par ta miséricorde, libère-nous du péché,
rassure-nous devant les épreuves,
en cette vie où nous espérons
le bonheur que tu promets
et l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur.”
(Missel romain)
Mais quel catholique espère vraiment, réellement, en sa foi, en son âme et conscience, un second avènement possible et proche du Seigneur Jésus ?
Quel chrétien, s’il a déjà du mal à confesser authentiquement la résurrection du Christ dans la chair et pour l’éternité, va jusqu’à souhaiter, espérer, quémander, annoncer son retour prochain dans la Gloire ?
Eh bien moi je le fais.
Car lorsque je reçois, atterrée, les nouvelles du monde, jour après jour, je me dis qu’il n’y a plus de solution humaine possible aux destructions massives dues aux guerres et aux fureurs de la nature par nous déréglée, qu’il n’y a plus de limites de nos jours à l’irrespect des lois et du prochain, aux incivilités qui se multiplient, à l’égoïsme et à la cupidité qui génèrent tous les vols et les arnaques possibles et imaginables – multipliés à l’infini par les technologies contemporaines – à l’escalade du péché en somme, tandis que le commun des mortels ne sait même plus ce que ce mot signifie et qu’il y a au-dessus de nos orgueils un Dieu qui de toujours a eu des attentes à notre endroit.
Que faisons-nous, au quotidien, en ce monde survolté et sur-révolté, de Ses commandements immémoriaux quant au respect d’autrui et à la maîtrise de soi ?
Il est complètement naïf et faux de prétendre que nous progressons vers une société plus pacifique et moins injuste. Il est illusoire de prêcher que nous sommes en train de bâtir le “Royaume de Dieu” sur cette terre qu’en un siècle et demi, nous avons exploitée et maltraitée comme jamais, la mesure du dérèglement de nos relations humaines étant d’ailleurs proportionnelle à notre cynisme vis-à-vis de la création depuis les révolutions industrielles du XIXe siècle.
Non, définitivement, je ne puis croire que le “Royaume” advienne ici-bas un jour quand les injustices criantes entre riches et déshérités, Nord et Sud, hommes et femmes en certaines contrées ne font que se creuser et devenir décennie après décennie plus scandaleuses et insolubles à vue humaine.
Alors hissons-nous à hauteur du regard de Dieu : tout est dans les Ecritures, inutile de chercher ailleurs et plus loin.
Le Christ ressuscité nous l’a promis, dès son incarnation, par toute sa vie parmi les hommes et les femmes de son temps et par tous les textes saints, des Evangiles à l’Apocalypse : il reviendra dans la Gloire, et son règne n’aura pas de fin. Et ce dans un ailleurs où il emmènera les rachetés acceptant de le suivre. Voilà la réponse au “Que fait Dieu ?” face au mal et aux catastrophes.
“Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi.”
Jean 14, 2-3
“Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.”
Jean 17, 24
N’attendons pas notre mort pour désirer, appeler, supplier par notre ardente prière le Père de nous renvoyer son Fils jadis ressuscité au matin de Pâques. C’est au prix de notre détachement de ce monde dévoyé et définitivement perdu que nous accèderons enfin au Royaume de justice et d’équité promis par Dieu et ses Prophètes de toute éternité.
Amen, viens Seigneur Jésus !
(Source des citations bibliques : AELF)
Image : La Résurrection Martin Schongauer, XVe , Musée Unterlinden de Colmar
2 commentaires
Bonjour,
Je crois que beaucoup de catholiques espèrent de tout leur coeur le retour en gloire de Jésus. Ils prient pour cela : Viens Seigneur Jésus !
En voulant écarter Marie, la Sainte Mère de Dieu, offerte comme Maman du Ciel à tous les hommes le soir de la Crucifixion à travers la personne de St Jean, les chrétiens perdent un essentiel de notre relation avec Dieu, et perdent aussi une compréhension de l’Amour de Dieu pour nous.
De même en est-il quand on veut écarter St Joseph, dont la personnalité a certainement été occultée parce que ce grand saint si humble ne voulait faire aucune ombre à Jésus. De même en est-il quand on veut écarter les Saints et toutes les grâces qu’ils obtiennent eux aussi pour nous quand on leur demande leur intersession.
Il serait intéressant de réfléchir à l’essence de la mise à l’écart de Marie : n’y aurait-il pas un refus fondamental pour la femme en général , un “non serviam” ?
Et pourtant avec tout ce qu’on sait de l’importance de la génétique, la vie utérine, de la prime enfance, de l’enfance, de l’adolescence , comment imaginer que Jésus aurait pu naître d’une femme qui n’aurait pas été préservée du péché originel et qui aurait pu pécher durant sa vie ? Comment imaginer que Dieu aurait confié Jésus à un père adoptif qui n’aurait pas été le plus pur des Saints ?
Après avoir préparé le peuple hébreu, il est tout à fait logique de penser que Dieu a spécialement préparé la venue de Jésus en Marie. Imaginons la scène avec l’Archange, quelle délicatesse de Dieu envers Marie. Imaginons la visite à Ste Elisabeth, extraordinaire rencontre entre les deux enfants dans le ventre de leur mère… Alors penser que Dieu aurait permis que Jésus soit dans le corps d’une femme qui aurait péché ? Non c’est contraire à la pureté de Dieu.
Imaginer que cette mère confiée à St Jean, que ce père adoptif, si aimant tous les deux, n’auraient aucune proximité maintenant avec Dieu , qu’ils ne seraient pas des intercesseurs auprès de leur fils Jésus pour nous tous , ce serait réduire Dieu, Père Fils Esprit d’Amour créateur à une image d’un Dieu lointain et froid.
Merci Véronique. Mêmes réactions pour moi. Catherine