Une polémique est née hier sur les réseaux sociaux au sujet des prises de position sur l’enfer exprimées le 4 août 2023 par le prêtre bien connu Stan Rougier (Je cite) :
[Le célèbre théologien Urs von Balthazar, très aimé de Benoit XVI, disait : “L’enfer existe… Mais il est vide.”
J’ai connu plus d’un paroissien que l’idée de l’enfer avait fait mourir d’angoisse ou de panique avant l’heure physiologique.]
Nombre de chrétiens abondaient dans son sens. On nous tient en effet obstinément ce type de discours depuis quelques décennies, ne manquant pas de citer au passage Hitler que ces théoriciens de la miséricorde absolue et quasi automatique envoient allègrement en paradis. Et de citer aussi au besoin sainte Thérèse de Lisieux et ses intercessions pour le criminel Pranzini ou ses lettres “rassurantes” à des correspondants redoutant le jugement de Dieu.
Je cite encore Stan Rougier le lendemain 5 août :
[8 ans de séminaire et plus de 100 pages de spiritualité environ par jour pendant 70 ans suffiront-ils à faire pardonner mes positions sur l’enfer ?
Je pense à ce jeune missionnaire à qui la petite Thérèse écrivait :”Ne pensez plus à vos fautes. Jésus les a depuis longtemps effacées. Elles ne sont qu’une goutte d’eau jetée dans un brasier.”]
Faut-il dire et redire qu’une réputation de sainteté et une canonisation ne font pas de toute parole d’une personne sainte une vérité d’Evangile ? Thérèse, décédée à 23 ans, était candide et n’avait vécu que 15 ans “dans le monde” auprès d’un père qu’elle adulait et de sœurs toutes vertueuses. Elle connaissait tout au plus au quotidien les travers de carmélites parfois aigries. Quels hommes ? Ses confesseurs et des prêtres… Cela vous dresse-t-il un tableau réaliste de ce qu’est le péché du monde, de ce “qu’il y a dans l’homme” ? Il faut avoir un peu vécu et été malmené(e) de toutes les façons possibles et imaginables dans le monde et par les hommes pour commencer à saisir jusqu’à quelles profondeurs l’iniquité peut se loger en certains. En ce XXIe siècle, certaines affirmations de Thérèse sur la miséricorde de Dieu sont presque indécentes, après tous ces événements qu’elle ne pouvait anticiper : les deux guerres mondiales, le nazisme et ses crimes suprêmes contre l’humanité, le communisme avec son cortège de persécutions et de goulag, les régimes de Pol Pot ou de Pinochet, et de nos jours encore, la Corée du Nord, Daesh, Boko Haram et toutes les factions qui sèment la terreur ici et là. Au sujet des hommes aux commandes de ces régimes et organisations, est-il indiqué de dire : “Ne pensez plus à vos fautes. Jésus les a depuis longtemps effacées. Elles ne sont qu’une goutte d’eau jetée dans un brasier.” ?
Pour ma part, j’affirme que non. Dieu n’est pas que miséricorde, il est aussi justice. Je ne puis ici redire tout ce que j’ai écrit dans mon deuxième ouvrage en accès libre par ce lien https://www.histoiredunefoi.fr/livres/de-la-vie-et-de-la-mort-du-ciel-et-des-perspectives-eschatologiques-veronique-belen , mais je suis très profondément convaincue que chacun ici-bas aura à rendre compte de ce qu’il aura fait de sa vie terrestre : dans un premier temps, tout de suite après la mort, par une vive prise de conscience en lucidité absolue de son agir et ses pensées au regard des commandements divins, en particulier à travers le prisme de l’Evangile. On peut appeler ce passage “purgatoire”, c’est-à-dire une “revisite” personnelle de toute sa vie selon qu’elle a été à telle ou telle période bénédiction ou malédiction pour autrui ou pour soi-même.
De là, une adéquation plus ou moins possible au voisinage direct avec le Dieu Trinité : la petite Thérèse a sans doute emprunté l’ascenseur de la sainteté encore davantage que celui de la miséricorde pour entrer dans la lumière. Nous ne sommes pas tous Thérèse, et la miséricorde de Dieu pour nos fautes sincèrement considérées et regrettées pourra aussi nous ouvrir les portes du Ciel. Le Christ n’a pas cessé de le montrer. Mais il a été dur aussi pour ceux qui tourmentaient délibérément autrui et refusaient sa Parole, allant jusqu’à leur dire : « Je m’en vais ; vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché. Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller. » (Jean 8, 21) Non, Jésus n’a pas dit : « Je m’en vais ; vous me chercherez, et votre péché sera effacé. Là où moi je vais, vous irez à coup sûr. » Rendons-lui l’authenticité de ses paroles une fois pour toutes !
Certes, le repentir est toujours possible et ouvre la voie de la miséricorde. Mais qu’en est-il du fait de s’amender pour les torts causés à autrui ? Peut-on imaginer un Hitler dansant présentement en paradis quand son idéologie nauséabonde en séduit encore certains aujourd’hui, quand des familles entières ont été amputées de leurs ancêtres, quand des rescapés des camps de la mort en font encore des cauchemars de nos jours ?
Suffit-il de mourir pour que la dette d’un dictateur, d’un malfaiteur, d’un terroriste, d’un meurtrier, d’un prédateur sexuel soit automatiquement effacée, et qu’il entre dans la félicité éternelle sans égard pour ses victimes et leurs proches condamnés à une souffrance sans fin ici-bas ?
Je le redis, je ne voue pas ces criminels à l’enfer, qui à mon sens n’existe pas encore. Mais le sheol est une réalité biblique qu’on ne peut contourner. Lieu d’errance aride où les âmes qui n’ont pas su / voulu s’ajuster aux commandements divins immémoriaux attendent le jugement qui n’aura lieu qu’à la résurrection finale, soit au retour du Christ en Gloire. Alors, toute vérité sera manifestée, alors il s’agira d’accepter, ou non, le Christ comme Roi d’éternité et de le suivre en quittant absolument tout pour aller vers son Royaume, l’Eden qui n’existe pas encore mais que son retour nous ouvrira.
Sa domination est une domination éternelle,
qui ne passera pas,
et sa royauté,
une royauté qui ne sera pas détruite.
Daniel 7, 14
Et quant à ceux qui lui préfèreront cette terre de possessions, de pouvoirs, de violence, de domination du Mauvais, libre à eux : elle leur sera abandonnée… pour devenir très vite un enfer éternel. Et qui ne sera certainement pas vide !
Voilà ce que je crois pour ma part.
Image : Le jugement dernier, Rogier Van der Weyden, XVe , Hospices de Beaune
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