Je me suis octroyé une semaine de vacances en solitaire, mais ponctuée de visites à des bien-aimés, entre mon Alsace de résidence et la belle Normandie noyée sous le soleil. Renouer avec mes goûts d’aventure de jeunesse, quand ma voiture m’emmenait, au gré de mes curiosités et de mes affections, d’une région voire d’un pays à l’autre.
Je suis devenue avec le temps un peu moins téméraire au volant, aussi ai-je entrecoupé mon périple d’escales intermédiaires, autant d’occasions de visiter des villes où je n’étais jamais allée. Et ainsi, seule la plupart du temps dans mes pérégrinations, j’ai pu, à mon rythme, et appareil photo en embuscade, découvrir monuments, musées, cathédrales et églises tout au long de ce périple de huit jours de grand beau temps, pour le bonheur des yeux, du cœur et de l’esprit.
J’avais choisi à l’avance mes villes étapes pour leur richesse paysagère et patrimoniale. Laon, Etretat, Honfleur, Deauville, Cabourg, Bernay, Lisieux, Chartres, Avallon et pour finir l’abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire dans le Morvan, autant d’occasions de m’émerveiller des sites et de l’architecture de ces quelques joyaux de notre beau pays de France.
C’est un avantage de voyager seule quand on aime capter la beauté des lieux visités à travers l’objectif, sans avoir à tenir compte des rythmes et intérêts propres d’un compagnon ou d’une compagne de voyage, sans se perdre en bavardages qui empêchent parfois de descendre dans les profondeurs de soi au contact de telle œuvre architecturale ou picturale, de telle ambiance aux croisées des monuments et des églises.
Des églises et des cathédrales, j’en ai visité beaucoup ! Et de toute beauté.
Libre, loin de chez moi, hors des catégories dans lesquelles d’aucuns essaient parfois de m’enfermer, j’ai pu m’adonner à cette passion personnelle pour les églises, non pas que je sois férue de vieilles pierres, mais j’aime au-delà de tout les maisons de Dieu, leur manière de s’élever vers le ciel, leur ambiance de silence feutré voire de fond musical religieux, leurs lumières et leurs vitraux, les flammes vacillantes ou décidées des cierges et des lumignons, et ce respect silencieux devenu rare des touristes présents au cœur de ces sanctuaires de la foi et de la prière.
Je repense à un reproche récurrent qui m’a été adressé par certains de mes coreligionnaires catholiques ces derniers mois : “Et donc, vous quittez l’Eglise !” quand on ne m’accusait pas d’être “apostate”. Il n’en est rien. J’aime toujours au-delà de toute mesure ces maisons du Père où je me sens chez moi partout. Et le hasard comme la répartition territoriale ont fait que je ne pénètre au cours de cette semaine que dans des cathédrales et des églises catholiques. En m’y sentant chez moi, comme avant de pratiquer ma foi dans une communauté luthérienne ! J’ai même assisté à deux messes, un matin de semaine au Carmel de Lisieux, avec l’émotion de me laisser porter par les chants des sœurs héritières de sainte Thérèse, et dimanche à l’abbaye bénédictine de la Pierre-qui-Vire, où je ne m’étais jamais rendue, mais avec laquelle j’ai une histoire forte et tourmentée qu’il me fallait dénouer enfin.
L’occasion pour moi de méditer sur mon choix de pratiquer désormais, en paroisse, le plus souvent avec des protestants, ce qui ne signifie pas du tout que je renie les fondements de ma foi catholique de toujours. Aucun luthérien ne pourra me dissuader de pèleriner, à Lisieux, sur les traces de sainte Thérèse, aucun réformé ne pourra me blâmer de brûler un lumignon ou une neuvaine à Notre-Dame aux intentions que je porte en mon cœur, personne ne pourra m’empêcher de m’abîmer en prière au pied d’un crucifix sur lequel se lit la douleur rédemptrice du Christ. Et nul ne me fera jamais renier le très grand respect que j’ai toujours eu pour les moines, moniales, religieux et religieuses de quelque ordre que ce soit, et que je continue à leur porter.
Ce qui ne signifie pas pour autant que j’éprouve présentement contrition et désir de revenir vers ma paroisse catholique de résidence. J’y garde des attaches, c’est indéniable, mais j’y ai accumulé tant de souffrances qu’y revenir serait m’auto-flageller.
J’ai trouvé dans ma paroisse luthérienne un engagement de foi, une rectitude d’attitude, un langage de vérité et une chaleur humaine qui me conviennent pour ma pratique hebdomadaire et les engagements que je suis prête à y prendre en cette rentrée. Je ne ferai pas “marche arrière”, mais comme je l’ai déjà dit et écrit, je ne me suis pas du jour au lendemain “convertie au protestantisme”. Cela n’aurait pas de sens pour moi. Je ne me libère pas du pesant fardeau d’un tissu de doctrines pour m’affubler d’un autre. Et choisissant cette voie délicate, je ne pratique pas ce que l’on appelle avec un certain mépris “le syncrétisme”. Non. C’est simplement que, enfin, je vis pleinement en moi et dans ma pratique la réconciliation œcuménique à laquelle j’ai toujours aspiré. Incapable pour toujours de décréter que telle Eglise a raison, et que telle Eglise a tort.
Image : Collégiale romane Saint-Lazare d’Avallon
4 commentaires
L’un… l’autre … pour Le Même en fait ! Belle situation d’ouverture … aucun chemin n’étant exclusif malgré cette prise de possession de “la bonne voie” par toutes les Églises organisées
je n’ai jamais vu dans ma campagne natale de sentier obligatoire et unique pour aller là où nous devions …. L’un était plus que l’autre et moins qu’un troisième selon le temps les lieux la météo et nos humeurs … Comparaison à minima sans doute mais …
Dans notre religion chrétienne où est ” l’obligatoire ” et qui le définit sauf celui ou ceux qui en retire(nt) pouvoir dont ils usent et abusent ? Parce que c’est bien de cela dont il s ‘agit : prendre et garder le pouvoir temporel et humain… enveloppé de spirituel modifié de main d’homme….
Elle m’a toujours semblé terrible cette histoire de berger et moutons même si à l’époque de l’ Évangile il fallait, pour être lu, utiliser des comparaisons adaptées au monde de ce temps là géographique et culturel …. Terrible parce qu’elle est enfermement et domination, le contraire donc des principes essentiels de l’évangile !
Lorsque vous êtes entrée dans les églises de votre promenade, personne ne vous a dirigée ni commandée … personne sauf Lui, en votre plein cœur …. Quand est ce que l’institution comprendra cela ? Quand respectera-t-elle la primauté de la conscience ? Quand cessera t elle de se prendre pour le Centre unique et définitif de l”autre ?
Merci de garder pour vous nom et adresse
P
Merci Paul pour ce beau message bien encourageant. Je vous rejoins tout à fait dans votre propos.
Véronique
Très complexe.
Vous semblez heureuse dans votre transition, mais attachée à 2 traditions qui me semblent antinomiques.
Est-ce une une traduction d’ un oecuménisme bien vécu ?
Cordialement.
Bonjour Christophe,
Comment le christianisme pourrait-il être divisé contre lui-même ? Nous avons foi dans le même Seigneur et les mêmes Ecritures ! Ce qui divise, c’est la doctrine et les traditions, donc tout ce qui a été rajouté à travers les siècles à la quintessence du message bilbique et évangélique… C’est bien la raison pour laquelle les doctrines me pèsent, et ce dans les deux Eglises…
Pour ce qui est de l’intercession des saints, j’y crois de manière empirique car je l’ai vérifiée maintes fois dans ma vie et dans celle d’autrui. Je ne suis pourtant ni idolâtre, ni superstitieuse. Mais des personnes de grande foi nous ayant précédés par leur témoignage de vie, leurs écrits, éventuellement leur martyre me sont d’une aide précieuse pour ma propre foi et dans ma vie. A vrai dire, j’accorde plus d’importance au témoignage de vie des “saints” (à défaut d’un autre mot : j’y inclus le curé de mon enfance, ma grand-mère, ma mère, ma tante, évidemment non canonisés) qu’aux traités de théologie. J’apprends toujours plus d’une personne vivant concrètement des valeurs de l’Evangile au quotidien que des cérébraux de la foi.