Il y a un an, je diffusais mon deuxième livre, écrit en septembre et octobre 2022 : “De la vie et de la mort, du Ciel et des perspectives eschatologiques”. Fidèle au principe évangélique “Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement” (Matthieu 10, 8), je l’ai mis en ligne sur ce site sous forme de PDF libre d’accès, et également fait imprimer en brochure une trentaine de fois à mes frais. Ces exemplaires ont été remis ou envoyés gracieusement par voie postale à des proches, des amis de longue date, ou à certaines personnes choisies parmi des repésentant.es du milieu ecclésial qui me semblaient aptes à recevoir mon témoignage et dont j’espérais un retour, même négatif. Mais un retour.
Quand j’ai rédigé et mis en ligne “Histoire d’une foi” il y a maintenant une douzaine d’années, j’avais obtenu ici-même de nombreux commentaires, enthousiastes ou nuancés, qui avaient le mérite d’exister. Joie d’avoir été lue après l’appréhension naturelle de m’être ainsi livrée, échanges possibles, consolation, après tant de confidences, d’en recevoir en retour, et sentiment d’avoir accompagné quelque peu, ici ou là, certaines personnes sur leur propre chemin de foi ou d’incroyance. Mon premier témoignage ne semblait pas avoir été rédigé en pure perte.
D’où vient que “De la vie et de la mort, du Ciel et des perspectives eschatologiques” ait eu à endurer un silence aussi épais, un évitement de retour que j’ai du mal à m’expliquer ?
Il est vrai que dans “Histoire d’une foi”, j’avais consacré tout un chapitre, à très grand peine, aux troubles psychiques qui m’avaient assaillie au début des années 2000. Et de nos jours, cela est très bien perçu. Nombreux sont les lecteurs qui se délectent aux confessions d’une personne se reconnaissant affaiblie voire malade. Est-ce pour se pencher avec commisération, en tant que “bien-portant”, “sain d’esprit” sur une pauvre créature en proie au désordre mental ? Est-ce pour se rassurer sur son propre état mental ? “Celle-ci a basculé dans la folie, preuve qu’elle se trompait en toute chose et que moi, je vais très bien !” ? Le fait est que ce témoignage-là a été bien accueilli. On a même tenté à partir de là de m’enfermer dans la petite case du désordre mental. Telle étudiante en psychiatrie m’écrivait pour me sonder en profondeur sur mes symptômes. Telle rédactrice en chef d’un mensuel chrétien me contactait pour me faire témoigner dans un numéro sur la folie : “Vous aurez des choses très intéressantes à nous dire”, arguait-elle (je n’ai pas donné suite). Telle amie passionnée de psychiatrie pensait que je donnerais à ce site une vocation de vulgarisation de la maladie mentale…
Or mon premier ouvrage s’intitulait “Histoire d’une foi”, mais ce n’est pas tant ma foi qui avait intéressé !
Dix ans plus tard, j’arrive avec un nouvel ouvrage, bref lui aussi – soixante-dix pages – car je ne prétends pas monopoliser l’attention de mon lecteur pendant des semaines astreignantes en concentration. J’y écris avec tout l’équilibre personnel qui me caractérise depuis vingt années de traitement médical efficace et scrupuleusement observé. Je tente de m’adresser à mon lecteur en vis-à-vis, à égalité de lucidité et d’honnêteté intellectuelle. Je me livre encore plus, allant jusque dans les plus profonds retranchements de ma pudeur spirituelle et familiale, introduisant mon propos spirituel par l’histoire douloureuse de ma lignée familiale, en toute objectivité, car mon vécu de foi est indissociable des méandres de notre cheminement à travers trois générations.
Du cœur de mon vécu spirituel si prégnant, j’ose des propos théologiques sur la mort, la vie éternelle, l’au-delà…
Nos questions sur le monde, Dieu, l’Eglise, je ne les évince pas, je les affronte avec franchise et y propose des pistes de réponses sollicitées et reçues au creux ardent de ma prière et de mes lectures.
Or, en une année, je compte au plus une douzaine de retours détaillés sur la façon dont a été reçu l’ouvrage “De la vie et de la mort, du Ciel et des perspectives eschatologiques”. Même de très proches n’ont observé qu’un silence gêné après avoir reçu – lu ? – l’ouvrage. Impossible de savoir ce qui s’est joué en eux à la lecture de mes lignes pourtant si sincères – ou justement, si sincères ?
Ceux qui ont découvert les deux ouvrages “Histoire d’une foi” et “De la vie et de la mort, du Ciel et des perspectives eschatologiques” sous forme imprimée dans leur boîte aux lettres, avec une lettre personnalisée, n’ont parfois même pas pris la peine d’en accuser réception – je ne parle même pas là d’un remerciement. Des clercs, dont j’étais en droit d’attendre un retour de discernement, ne m’ont opposé que leur silence total. Comment l’interpréter ? Est-ce donc hors de portée de ces hommes surbookés, en un an, de lire en tout environ cent vingt-cinq pages A4 qui leur auraient donné un état les lieux de la foi, du ressenti ecclésial et du vécu d’oraison d’une paroissienne catholique fidèle et dévouée ?
Est-ce trop leur demander que de se pencher sur une âme qui ne vient pas là pour les accuser, mais pour témoigner des merveilles que peut faire le Seigneur dans une vie de baptisée et confirmée, et de la mission qui peut être reçue de lui hors des catégories habituelles de sacerdoce et d’ordination ?
Je dois dire tout de même que deux prêtres et un archevêque émérite m’ont mis du baume au cœur.
L’un, exorciste officiel de son diocèse, m’a avoué être gêné par le côté très personnel de mon témoignage – ce que je peux comprendre de la part d’un homme d’Eglise – mais a ajouté que selon son charisme d’exorciste, rien dans mes écrits ne lui posait problème.
L’autre, théologien naguère auteur, très chaleureux, m’a encouragée sur ma voie, fait un retour très détaillé de sa lecture, exposé ses convictions théologiques personnelles pouvant différer parfois des miennes. Echange fécond et réconfortant.
Le troisième, que je rencontrais en octobre 2022 en dialogue privé pour la première fois, ayant enfin du temps dans sa retraite pour s’intéresser de près à une âme se confiant à lui, m’a offert un moment de communion spirituelle exceptionnel. Dialogue tout en connivence, en sourire, en amabilité, il m’a fait par la suite un retour très détaillé de sa lecture, en concluant : “Véronique, je pense que vous êtes dans la vérité”. Ceci dans la liberté d’un homme d’Eglise qui n’est plus doté officiellement du charisme de discernement. J’ai accueilli cet échange dans une joie et une gratitude incommensurables. Nous restons en contact, comme des amis, nous soutenant l’un l’autre dans nos épreuves respectives, priant avec ferveur l’un pour l’autre. Il vit un peu loin de chez moi, mais je retournerai le voir.
Pour ces quelques-uns, dont aussi des amies qui m’ont fait un retour, je me dis que je n’ai pas écrit en vain.
Et puis, je ne suis liée à aucun éditeur, donc mon petit livre peut suivre son chemin personnel, hors de toute promotion ne durant qu’un temps et de tout marketing ; il est gratuit, libre d’accès en version numérique, et je pense, intemporel.
Il peut même me survivre et porter du fruit en son temps.