En ce dimanche matin de novembre, tandis que sévit autour de ma maison la tempête Domingos, ployant les arbres du jardin et orchestrant le claquement entêtant des volets de bois contre leurs supports, je songe au chaos dans lequel notre monde est en train de plonger, sans que la multitude ne s’interroge sur le sens à y donner.
Les tempêtes, aléas climatiques, se succèdent et amènent leur lot de désolation sur les littoraux, dans les forêts et campagnes et sur nos fragiles constructions humaines. A trop vouloir dominer la nature, la domestiquer et faire fi de ses colères, nous nous sommes construit un monde vulnérable à son dérèglement : hyper-urbanisation et bétonisation des sols qui nous exposent à des inondations majeures, à des glissements de terrain qui engloutissent de téméraires constructions, à des voies de communication détruites par la force des torrents de boue et des rivières en furie…
Ajoutons à cela notre dépendance majeure aux énergies, à commencer par l’électricité. Ici des familles plongées dans le noir depuis plusieurs jours car les volets électriques refusent de s’ouvrir, là l’impossibilité de manger chaud ou de se faire un café car les vitrocéramiques et les machines sophistiquées ont résolument remplacé les ustensiles simples de nos grands-mères, ailleurs encore une vie en sursis quand la dialyse à domicile commandée électriquement s’arrête en pleine nuit… J’écoute les détresses de mes amis sinistrés demeurant dans l’ouest de la France, ne les comprenant que trop bien pour avoir vécu moi-même, il y a trois ans, une panne d’électricité de plusieurs jours due à de fortes chutes de neige en plein janvier. Quelle épreuve d’être sans éclairage ni chauffage, et privée de la possibilité de communiquer ou d’appeler les secours quand la batterie de mon téléphone avait fini par expirer !
Notre goût du confort ne tient pas compte des aléas climatiques et des ravages pouvant être causés par les bourrasques et les fortes précipitations. Pour ceux qui ont tout perdu, une vie de labeur et souvent d’endettement réduite à néant en quelques instants… Je ne puis que compatir.
Par la lucarne de la télévision et les fils d’actualité de mon téléphone me parviennent parallèlement les nouvelles des autres tragédies du monde. L’actualité est si chargée que nous avons très vite oublié les sinistrés des séismes du Maroc et d’Afghanistan, là où la pauvreté et la misère de l’habitat le disputent à la fureur des profondeurs de la terre. Et pourtant, les voilà confrontés aux rigueurs toutes proches de l’hiver dans le deuil et sans toit solide sous lequel s’abriter. Des enfants se voient encore privés d’école, de jeux, d’insouciance…
Et puis les guerres, les guerres sans fin, les guerres qui se succèdent et se superposent sans relâche à la surface de la terre, enlisement en Ukraine à la veille d’un deuxième hiver de conflit avec l’envahisseur russe, et ce brasier au Proche- Orient qui n’est pas loin de s’étendre et d’allumer de dangereuses flammèches dans tous les continents… Rancœurs longtemps entretenues, querelles et ambitions territoriales, incursions assassines chez le voisin haï, répliques de vengeance et escalade de la violence guerrière, non prise en compte des civils pris en otages de ces haines séculaires, quand ils ne sont pas utilisés avec un cynisme innommable comme boucliers humains par un régime terroriste qui choisit d’installer ses structures guerrières sous les hôpitaux et au cœur des quartiers résidentiels de Gaza… L’ignominie du calcul guerrier n’a décidément plus de limites. De la légitime défense, on bascule très vite vers le crime de guerre voire le crime contre l’humanité, et il est vain de chercher à discerner “le bien” d’un côté et “le mal” de l’autre. Dès que l’homme s’autorise à donner libre cours à ses pulsions belliqueuses et violentes, quels qu’en soient les éléments déclencheurs, il est difficile de l’arrêter dans l’escalade des exactions voire des tortures commises.
Pour en finir avec cet article qui n’a rien d’optimiste dans ces temps si troublés et anxiogènes, je me permets de relever un fait que personne ne daigne mettre en évidence : dans les conflits actuels, nous assistons avant tout à des tragédies déclenchées par des hommes de pouvoir orgueilleux, sans scrupules, conquérants dans le mauvais sens du terme, qui ne tardent pas à révéler leur cynisme et leur indifférence à la souffrance du vis-à-vis. De Poutine prêt à faire de sa jeunesse de la chair à canon pour envahir un pays voisin dans l’indifférence aux pertes humaines de part et d’autre, aux terroristes du Hamas qui brandissent armes et boucliers humains, soi-disant au nom de leur Dieu qu’ils blasphèment et instrumentalisent, en passant par un régime israélien coupable d’un excès de colonisation et en voie d’escalade dans la violence de la réplique, nous observons là des hommes – au sens masculin – qui croient mieux asseoir leur pouvoir par les armes et le sang.
Et parallèlement, la détresse d’innombrables civils, à commencer par les femmes et les enfants incapables de se protéger des déluges de feu, et parfois pas même autorisés à les fuir, qui subissent jusque dans leur chair les conséquences de cette guerre de l’orgueil et de l’inconséquence virils.