Le 15 août, sur C8, j’ai regardé le film “Marie de Nazareth”. Je redoutais un peu ce qu’il allait montrer et suggérer, comme pour la plupart des films prétendant se fonder sur l’Evangile. On peut, par le biais du cinéma, faire œuvre d’évangélisation tout autant que frôler le blasphème.
Que dire ?
Le choix de l’actrice est excellent : beauté et sourire ravissants, dans la simplicité et une touche d’innocence et de pureté touchantes. Elle joue très bien son rôle.
Les paysages sont somptueux, la réalisation très soignée, l’image léchée confine à la perfection.
Pour le reste…
On assiste là davantage à un Evangile à la Disney (les bons et les très très méchants) qu’à une retranscription fidèle aux Ecritures.
L’intention, dès les premières scènes, est visiblement d’insister sur le dogme de l’Immaculée Conception. Marie y est plus que parfaite. Le choix de l’entrée au Temple pour y passer son enfance est discutable, car basé sur un évangile apocryphe et non canonique.
Faire de Marie-Madeleine son amie d’enfance est du grand n’importe quoi. Cela permettra de mettre en parallèle deux chemins opposés : celui de la Toute Pure et celui de la pécheresse, un fantasme de bien des clercs jusqu’à aujourd’hui. On n’échappe pas aux poncifs d’une Marie Madeleine courtisane et corrompue par le luxe et l’argent, là où l’Evangile évoque une femme de Magdala et non de Nazareth “libérée de sept démons”, ce qui ne fait aucunement d’elle une prostituée. Mais les idées toutes faites ont la vie dure.
D’une manière générale, tout le film se complaît à mettre le péché, hors Marie, du côté des femmes, Hérodiade y étant rien moins que l’incarnation du mal. Omniprésente dans le film – là où elle n’apparaît que dans quelques versets des évangiles – sa malice et sa malfaisance confinent à la caricature extrême. Elle organise des enlèvements de fillettes (???) corrompt Marie Madeleine, cherche à plusieurs reprises à corrompre Marie, est responsable de l’arrestation de Jean Baptiste, et même suggérée à la fin responsable de la crucifixion du Christ, tant qu’on y est, pourquoi pas lui avoir attribué des pieds fourchus ?
Les hommes s’en tirent bien mieux : Zacharie nous fait un traité de mariologie, Pierre ne trahit plus, Pilate est débonnaire, les disciples accourent dès que Marie Madeleine leur annonce la résurrection du Christ – alors que dans les évangiles de Marc et Luc, les disciples refusent de la croire et tiennent ces femmes témoins de la Résurrection pour délirantes.
Le personnage de Jésus adulte ne m’a ni émue, ni convaincue. Acteur mal choisi, jouant mal et mal doublé, je ne lui trouve aucune crédibilité. Dans la scène où Marie arrive avec ses frères pour le rapatrier à la maison, les frères sont bien sûr, à la catholique, des “proches” de Jésus, et Marie est encore mise en valeur par son Fils là où, dans la réalité des Ecritures, il l’avait bel et bien un peu rabrouée, ce qu’une censure mariolâtre n’admettra jamais.
Passons sur les scènes de tendresse entre fils et mère qui correspondent plus à des élucubrations de Maria Valtorta qu’à la pudique retenue des Evangiles. Elles sont d’ailleurs d’autant plus gênantes que Marie n’a pas vieilli en trente ans et paraît plus jeune que Jésus, de même pour une Marie Madeleine sacrément bien conservée, qui au passage est fille de femme adultère lapidée et en outre la femme adultère de l’Evangile relevée par Jésus. Ce qui fait beaucoup pour une seule Madeleine ! Peut-être cette scène est-elle là pour se racheter de guérisons et conversions acquises par Marie autant que par le Rédempteur lui-même.
Au final, je trouve un seul personnage de ce film à peu près réaliste : celui de Joseph, jeune, séduisant et amoureux, on nous a épargné là le vieux Joseph père de plusieurs enfants adultes d’un premier lit… Et la scène où il entre en colère au vu de la grossesse non de son fait de Marie correspond peut-être à ce qu’il s’est réellement passé. Il est blessé dans son statut de fiancé et d’homme possiblement trompé par sa bien-aimée, ce qui correspond davantage à l’Evangile de Matthieu qu’aux visons éthérées d’un Joseph aux pieds de sa Madone avec une fleur de lys. D’ailleurs la situation de paria de Marie enceinte hors mariage est bien rendue : seule Elisabeth a accès d’emblée au mystère de cette grossesse miraculeuse, même les parents de Marie pleurant son déshonneur. On voit la jeune vierge bien seule avec son beau secret de l’Annonciation, son entourage refusant de croire à sa belle histoire d’ange. Joseph se convertira à la vérité de la conception virginale après le songe reçu, comme dans l’Evangile de Matthieu.
Bref, un peu de bon et beaucoup de non-évangélique dans ce joli film qui est davantage un conte de fées pour petite fille de bonne famille qu’une évocation fidèle de la vie de la mère du Christ Jésus.
3 commentaires
J’avoue, c’est le genre de film avec lequel je ne perds plus mon temps. De même que C8 n’existerait pas sur ma télé si Orange ne m’y obligeait pas, mais je suis confiant que ça changera bientôt.
C’était bien le film de Jean Delannoy https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_de_Nazareth_(film,_1995) ? Pouvait-on attendre de l’auteur de “Bernardette” autre chose qu’une mise en scène d’une mariologie la plus exaltée ?
Bonjour Wolfram, non c’est un film italien de 2012.
J’ai trouvé un film sous ce titre par Giacomo Campiotti, mais de 2012 ?