Il y avait une femme, il y avait un homme, ils s’étaient rencontrés, plu, et aussitôt avait germé en eux un désir : fonder une famille, être parents des mêmes enfants.
Enfant, elle avait eu trois poupées : un baigneur et deux poupées féminines. Et depuis ce temps, elle avait toujours dit, rêvé, espéré qu’elle mettrait un jour au monde trois enfants, deux filles et un garçon. C’était son vœu le plus intime et le plus profond.
En un instant, attablée avec lui pour leur premier dîner en tête-à-tête dans un restaurant, elle avait su qu’il serait le père de cette fratrie désirée, il avait su qu’elle serait la mère des enfants qu’il projetait maintenant d’engendrer. Leurs gènes mêlés, lui scientifique, elle littéraire, lui fruit d’une histoire d’amour et d’un mariage improbables entre un émigré d’Ukraine et une très jolie Alsacienne, elle de lignée lorraine immémorable, tous deux de milieux très modestes mais foncièrement honnêtes et travailleurs, au carrefour de traditions religieuses contrastées, des uniates d’Ukraine aux catholiques de Lorraine en passant par les protestants d’Alsace non dénués d’ascendants juifs ashkénazes…
Ce soir-là, ils se regardaient tous deux dans le bleu de leurs yeux, et pensaient pleins d’enthousiasme que le mélange de ces gènes-là leur donnerait des enfants dont ils n’auraient jamais à rougir…
Et la providence les fit parents de trois enfants, un petit garçon des plus adorables et deux filles qui rivalisaient de beauté, de blondeur, d’intelligence et de talents artistiques les plus divers.
Le petit garçon les avait comblés dans la construction de leur parentalité.
Leur première fille, pour difficiles que furent sa naissance et ses premiers mois, les avait fait exulter dès son premier cri pour être fille et si belle à contempler ! Ils avaient eu chevillé au cœur, depuis qu’ils s’étaient rencontrés, le très grand désir d’avoir un jour une petite fille, ils considéraient donc cet avènement comme une grâce toute spéciale et un privilège absolu. Et leur entourage, ravi, de leur signifier qu’une fillette après ce fils déjà si délicieux, c’était “le choix du roi”.
Quelques années plus tard, cette toute jeune fratrie accueillit encore une petite sœur, solaire, enjouée, pleine de vie, et qui s’avéra aussi facile à élever que sa sœur aînée avait occasionné de difficultés en termes de fatigue, soucis et questionnements.
Cette première fillette du couple brillait en effet par son intelligence hors normes, sa grâce et sa réussite à l’école et dans ses activités sportives, mais son indéfinissable différence, son anxiété récurrente, sa phobie sociale parfois la rendaient comme inaccessible à la consolation et mystérieuse dans ses ressentis, et rien ne s’avérait aisé dans son éducation.
Ses premiers mois de pleurs, de terreurs face aux inconnus et à la nouveauté, d’hésitations à grandir et à franchir les étapes décisives de la croissance affective et corporelle occasionnaient bien des tracas à ses parents, soucis et questionnements qui mirent très vite à mal l’équilibre conjugal.
Lui s’était mis à se réfugier dans un rôle de père copain, surprotecteur et permissif, qui lui permettait d’avoir la faveur de ses enfants et l’affranchissait de fait de la responsabilité des règles parfois désagréables à imposer.
Elle, peu à peu, s’aigrissait dans le rôle du parent autoritaire et frustrateur, en proie à une insupportable charge mentale due à cet homme qui se délestait tant sur elle.
Sur-sollicitée comme maman, maîtresse de maison et encore professionnellement, elle souffrait de l’indifférence de son mari à son égard et du rapt de l’affection de leurs enfants qu’il avait opéré à force de se ranger toujours de leur côté. Il était devenu le papa chéri, elle dérivait inexorablement vers l’extrême fatigue, la perte d’estime de soi et le mal-être existentiel.
L’aînée de leurs filles, à travers ce vécu et des sous-entendus assassins, comprenait déjà dans la souffrance que l’entente conjugale de ses parents n’avait pas survécu à son arrivée dans la famille, ce qui ne faisait qu’augmenter ses troubles anxieux et son ressenti de culpabilité.
La petite sœur pourtant solaire ne suffirait pas à réconcilier ce couple meurtri.
De plus en plus indifférent à celle qui lui avait donné les trois enfants désirés, agacé par son état dépressif et désireux de vivre autre chose avec d’autres femmes, il partit, en dépit de tous les jugements qu’il avait portés au long de sa vie sur les hommes se comportant ainsi. Il partit lâchement, assumant ensuite tant bien que mal son rôle de père sur le plan financier, mais bien trop souvent de manière défaillante sur le plan éducatif.
Vingt années ont passé.
L’aînée des deux filles est désormais une femme trentenaire, ravissante, brillante professionnellement, ayant traversé des tempêtes personnelles intenses et profondément injustes au vu de sa bonté innée et de son innocence de toujours en bien des domaines. Elle a été torturée psychiquement comme personne, et pour cause : elle le sait à présent, elle jouit d’un haut potentiel intellectuel, mais l’autre pendant de sa personnalité, c’est d’être en proie à un trouble du spectre autistique, de même qu’à un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.
Ainsi, ses parents ont enfin une clé de lecture de tant d’années de galère éducative, pendant lesquelles ils ont été laissés dans une très grande solitude et une absence totale d’aide médicale et socio-éducative. Leur fille en apparence parfaite et qui ne voulait jamais déranger personne souffrait en réalité de manière abyssale de cet autisme jamais diagnostiqué jusqu’à sa trentaine.
Jusqu’au burn-out autistique, à l’effondrement de toutes ses stratégies d’adaptation à un monde dont elle n’avait pas les codes de fonctionnement et qui lui était trop souvent hostile.
Mais résiliente, elle l’est. Choisie, elle l’est. Forte, elle l’est.
Elle s’est relevée en quelques mois d’un effondrement psychique majeur et d’une dépression réactionnelle ravageuse.
La voilà de nouveau debout, combattante et généreuse, en accord avec sa nature profonde, ses valeurs d’altruisme et sa volonté innée de venir en aide à son prochain. Elle est compétente et efficace, elle aide, soigne et remet debout autrui au mieux de toutes ses capacités.
Mais ce n’est pas tout.
Au long de toutes ces années de combat et de souffrance, au bout de son sentiment d’avoir grandi dans l’ombre d’une petite sœur extravertie et irrésistible, du cœur de sa culpabilité diffuse d’avoir provoqué le désamour et la séparation de ses parents, du fond de sa douloureuse différence autistique, elle a découvert un inestimable trésor : de toujours, elle a été dans le cœur et la main de Dieu, et ce d’une manière toute privilégiée. De toujours, elle a été comblée de foi en Christ et d’amour de l’Evangile.
Ainsi, au long de toute une scolarité de labeur puis d’interminables études des plus exigeantes, elle a été animée du désir d’être utile à autrui, de faire progresser en elle et autour d’elle l’humain dans ce qu’il a de plus précieux et de plus inaliénable : son intégrité physique et morale.
Liberté et vérité de l’être profond.
Elle s’est relevée après avoir enduré le pire malgré son jeune âge, après avoir été malmenée pendant des années par des manipulateurs malintentionnés.
Elle est animée aujourd’hui d’un très fort élan de vie et de foi : soigner au mieux son prochain, mettre toutes ses compétences au service de la santé et de la résilience d’autrui, et aussi témoigner, tant que Dieu lui en donnera la force, de sa foi et de la vérité de l’Evangile.
Elle sait qu’elle se trouve au carrefour de toutes les traditions religieuses, depuis son héritage familial jusqu’à la diversité aujourd’hui de sa patientèle, en passant par sa fréquentation prolongée naguère d’une famille juive séfarade.
Elle sait qu’elle doit être ouverte au vaste monde, elle sait que des révélations divines à elle confiées ont vocation à rassembler les êtres humains, à réveiller la foi en sommeil chez beaucoup, à susciter des témoins de la résurrection bimillénaire du Christ Jésus et de sa propre résurrection des cendres de cet holocauste de son âme suppliciée par d’aucuns qui ne voulaient surtout pas qu’elle prenne conscience de son élection dès sa naissance et son baptême.
Elle est née elle aussi au cœur de l’hiver, quelque vingt siècles après Jésus-Christ, elle est re-née à la trentaine après des tourments insignes, et bienheureux ceux qui la connaissent déjà, la connaîtront demain et la re-connaîtront pour qui elle est et restera à toujours !
Bienheureux sont-ils, ceux qui jouissent de sa présence rayonnante dans un groupe de prière œcuménique, dans des soirées de louange ou d’étude biblique, bienheureux ceux qui dansent avec elle, bienheureux ses amis, bienheureux ses patients, bienheureux ses proches qui la chérissent, et puissent tous ceux qui l’ont déjà persécutée et ceux qui ont encore des velléités de le faire se convertir à son contact franc et lumineux !
Amen, reviens Seigneur Jésus !
Elle t‘attend, comme son frère et Seigneur, et elle n’est pas la seule…
2 commentaires
Curieuse, cette souffrance exprimé e et complexe.
La vie et l’ existence peuvent être plus simples.
Bonjour Christophe,
Cette remarque me fait penser à Marc 8, 30-37.
On aimerait que les gens de bien ne souffrent pas. On a tendance à trouver leur souffrance injuste, voire exagérée.
Or c’est précisément parce que ces personnes sont dans l’obéissance aux commandements de Dieu qu’elles ont à souffrir opposition et persécution bien plus que le commun des mortels.
Quand on est dans la grâce de Dieu, et surtout dans la mise en pratique de l’Évangile, l’adversaire surgit bien vite et cherche à compromettre cette belle harmonie. Le diviseur s’immisce là où il a quelque chose à y gagner : semer le doute et le tourment, chercher à se gagner une âme qui ne lui semble aucunement acquise.
J’ai très souvent remarqué que les personnes se souciant peu des valeurs de l’Évangile ont une vie terrestre plutôt facile, agréable, ne rencontrant pas vraiment d’opposition dans le monde…
Bien au contraire, les fidèles aux commandements divins sont harcelés, malmenés, tourmentés par leurs opposants qu’ils dérangent et qui les jalousent. C’est inévitable, c’est le lot de tout disciple du Christ. Il nous en a lui même prévenus. Jésus a incarné cette opposition du monde à son innocence comme personne.
Alors gardons nous de blâmer ou de minimiser la souffrance de celles et ceux qui marchent dans ses pas, car elle est réelle, mais heureusement porteuse de grâces et de miséricorde pour ceux qui les ont opprimés.