Jour après jour, je le constate de plus en plus : ma parole libre dérange. Ma parole écrite ici et sur les réseaux sociaux, au sujet de la foi et des Eglises. Rien que le fait de mettre une majuscule au pluriel du mot Eglise pose un problème à certains, qui considèrent que d’Eglise, il n’y en a qu’une sous le regard de Dieu, entendons l’Eglise catholique romaine qui serait la seule légitime et plongée dans la vérité aux yeux de ses propres membres. Et ceux-là ne discernent même pas l’incroyable présomption de cette proposition.
Combien de fois n’a-t-on pas déjà opposé à mes paroles d’ouverture œcuménique deux petits versets évangéliques dont bien des catholiques romains font leur credo absolu, à savoir Matthieu 16, 18-19 (Citation AELF) :
Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.
Ah, ces deux versets, ils s’en gargarisent plus que de tous les autres ! A tout bout de champ on nous les ressert, dès que quelqu’un se permet de remettre en question l’hégémonie catholique en matière de doctrine, de certitude de salut, de légitimité à parler de foi, de prétention à bénéficier de manière toute privilégiée de l’Esprit Saint ! Tout va bien pour les catholiques quels que soient les contre-témoignages à l’Evangile qui hurlent vers le Ciel par les larmes et le sang des innocents sacrifiés sur l’autel d’une prétendue chasteté des clercs, d’une supposée infaillibilité en matière de doctrine et d’une soumission aveugle à un système pyramidal à bout de souffle, qui étouffe en son sein toute parole divergente, dérangeante, subversive… comme l’était pourtant la Parole même du Christ dans sa propre tradition religieuse de naissance !
Et donc, je constate jour après jour que je suis au cœur de l’Eglise de mon baptême et de toute ma tradition familiale immémoriale persona non grata. Cela se traduit sur les réseaux sociaux par la censure a priori de certains de mes posts, par la modération systématique de mes commentaires sur certains groupes de réflexion et d’expression chrétiennes. J’ai parfois le droit d’y publier un article, qui souvent est lu et encourage le débat, mais mon droit de réponse aux esprits chagrins rejetant en bloc mes expressions de foi et tentés de se défouler sur ma personne est restreint. Si je leur réponds de manière argumentée, il me faut parfois patienter des heures pour que ma contribution au débat soit publiée, quand elle n’est pas tout bonnement jetée aux oubliettes de la modération, et ce sans justification.
Hier s’est ainsi produit un cas d’école.
Un “ami” Facebook de longue date – entendez une personne que je lisais régulièrement et qui avait aussi la possibilité de me lire – probablement fort agacé par ma réponse à un commentaire d’Evangile du jour du père Luigi Maria Epicoco qu’il traduit quotidiennement de l’italien, a tout bonnement effacé ma contribution sous ce commentaire et m’a bloquée pour se débarrasser de ma voix divergente. Je n’avais pas eu le réflexe de sauvegarder mon argumentation, mais je peux en retrouver la teneur. Le commentaire portait sur l’Evangile d’hier, à savoir Marc 9, 38-40. Je le copie ici, sans pouvoir en demander l’autorisation à cet “ami”, son traducteur, Michel Cool, puisque je n’ai plus accès à sa page. Et je précise d’emblée que je lui offrirai un droit de réponse sur mon site s’il s’en offusque.
La jalousie peut-elle s’emparer des raisonnements d’un croyant ? Absolument, et l’évangile d’aujourd’hui semble en témoigner: « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » La tentation d’exclure l’autre quand il n’est pas dans notre zone de contrôle est toujours forte, et lorsque cela arrive dans l’Église, c’est le signe que nous nous trouvons dans un environnement clos, refermé sur lui-même. Un croyant sait que l’Esprit souffle où il veut, et agit même hors de nos enclos. La vraie question est de savoir si nous sommes disposés à reconnaître l’action de l’Esprit partout où elle se manifeste et à la laisser faire ce qu’il a en tête.
Il existe cependant un critère de jugement pour savoir si c’est réellement l’Esprit qui est à l’œuvre, et c’est Jésus lui-même qui nous en rend compte : «Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »
Voici comment savoir si c’est vraiment l’Esprit : tout ce qui vient de Dieu ne peut pas médire sur le Christ et sur Son corps, qui, comme nous l’enseigne saint Paul, est l’Église. Ainsi, dans la prolifération des expériences chrétiennes, charismatiques, des mouvements mariaux, des apparitions, des groupes de prière, le seul moyen que nous ayons de savoir s’ils sont vraiment du côté de Dieu c’est de voir si, dans leur manière de vivre la prière, les signes, et tout ce qui les caractérise, elles ne se situent pas en dehors de l’Église, ou si elles s’opposent au Christ lui-même. Or, parfois, on peut réciter plusieurs chapelets, faire de grands pèlerinages, participer à d’immenses rassemblements de fidèles et ensuite dire du mal du Pape, des Évêques, de l’Église, en mélangeant de manière diabolique des clés de lecture déformées de la réalité. Les vrais saints peuvent aussi critiquer l’Église, mais je n’en connais aucun qui se soit mis en dehors d’elle, ou pire encore, qui dise « la vraie Église, c’est moi ». Des hommes comme saint François ou Padre Pio riraient de bon cœur devant certains de ces prophètes autoproclamés.
Commentaire (traduit et adapté par Michel Cool) de Luigi Maria Epicoco, prêtre, théologien, philosophe et écrivain italien, auteur de « Seuls les malades guérissent », Editions Salvator. ©Facebook Michel Cool-Tadel 26/02/2025
Je répondais en substance que le mal de l’Eglise catholique romaine, c’était précisément son comportement auto-référentiel. Qu’à force de se fermer à tout ce qui n’a pas éclos dans son sein, elle est demeurée sourde à certaines inspirations de l’Esprit Saint et qu’elle ne risque pas de se référer à d’autres “saints” que les siens propres puisque c’est elle qui canonise, ou non. Qu’ainsi, une personne lumineuse et irréprochable telle que frère Roger de Taizé ne serait jamais reconnue comme sainte puisque protestante. J’ajoutais qu’une figure telle que Padre Pio drainait justement dans son sillage une foule de dévots idolâtres, et que des voix divergentes dans l’Eglise catholique romaine étaient au mieux ignorées voire étouffées, quand on ne s’employait pas à les reléguer aux sphères de la psychiatrie…
Ce commentaire ne suscitant par la suite aucune réaction, j’étais étonnée car je m’attendais aux foudres habituelles quand je jette ce genre de pavé dans la mare. Mais il ne s’est rien passé, et pour cause : Michel Cool l’a effacé du fil de discussion et m’a bloquée dans la foulée. Tout est donc bien qui finit bien : la première moitié de la réflexion du jour de Luigi Maria Epicoco est balayée d’un revers de la main, Véronique Belen a dit ici du mal de la sainte Eglise catholique romaine, et donc elle est du diable, vite, débarrassons-nous-en !
Je suis consciente que mon écrit du jour va encore faire grincer bien des dents. Eh bien, peut-être est-il justement temps de se décider pour ou contre moi : je mets quiconque au défi de prouver que j’aie jamais mal parlé du Christ Jésus, de son Père, et de la Vérité qui est en eux.
Contester des prises de position et même des doctrines ecclésiales est légitime : je récuse l’infaillibilité pontificale et la seule légitimité divine accordée à l’Eglise catholique romaine. Je lui dénie le droit de me considérer comme hérétique et digne selon ses critères à elle du Corps eucharistique du Christ, ou non. Et j’exprime ouvertement mon doute sur l’automaticité du salut par le baptême en son sein et la fidélité à son magistère.
Libre au vent de l’Esprit, je le suis.
Et si cela doit en incommoder d’aucuns, qu’ils passent leur chemin. Je poursuivrai inlassablement ma quête de la Vérité qui n’est qu’en Dieu.
3 commentaires
À Étienne
Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) fait aussi la distinction :
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Mûs par la grâce de l’Esprit Saint et attirés par le Père nous croyons et nous confessons au sujet de Jésus: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant» (Mt 16, 16). C’est sur le roc de cette Foi, confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Église (cf. Mt 16, 18; S. Léon le Grand, serm. 4, 3: PL 54, 151; 51, 1: PL 54, 309B; 62, 2: PL 350C-351A; 83, 3: PL 54, 432A).”
Voilà un argument à opposer à ceux qui restent accrochés comme une moule à son rocher à leur interprétation d’un Pierre exclusif fondement et chef de l’Église !
Par ailleurs, le Christ bâtit une « ecclesia », c’est-à-dire dans le sens grec originel une assemblée, un peuple, et non un bâtiment ou une institution. Ce point n’est pas assez souvent précisé non plus, me semble-t-il.
Étienne II
Merci beaucoup Etienne II !
Je n’avais pas exploré ce catéchisme jusqu’à ce point. Oui, argument fort utile.
Etienne
Merci Véronique.
Pour Matthieu 16, 18-19, il faut voir que les Orthodoxes et les Protestants lisent aussi ces versets, sans les occulter. Ils en comprennent ceci : comme la phrase de Jésus (“tu es Pierre…”) suit directement la confession de Pierre (“tu es le Messie, le Fils de Dieu”), on peut entendre que l’Eglise dont parle Jésus est fondée sur cette conviction. En d’autres termes, font partie de l’Eglise ceux et celles qui font cette confession de foi en vérité.
D’ailleurs le “jeu de mots” sur “pierre/PIerre” ne fonctionne guère qu’en français. En grec et en latin, il y a Petros/Petrus (l’apôtre) et Petra (la pierre, le rocher). Ceci dit, pour être honnête, j’ignore comment Jésus a pu dire cela en araméen.
N. de Brémont d’Ars écrit : “Le passage de l’évangile de Matthieu 16, 18 sur la place de Pierre est bâti sur une traduction défaillante. Le texte grec dit : « kagô de soi legô hoti su eis Petros kai epi tautè tè petra oikodomèsô… », et distingue donc bien un masculin (petros) et un féminin (petra). On devrait traduire : « … tu es Pierre, et sur LA pierre je bâtirai… ». La Vulgate fait la distinction : « et ego dico tibi quia tu es Petrus et super hanc petram aedificabo… ».