Le rapport de la CIASE… Bétharram… La montée en force, notamment en France, du traditionalisme et de l’intégrisme catholiques… Des livres lus tels que “Le silence de la Vierge” de Marie-Laure Jannssens, “Etouffée” de Sophie Ducrey, “La tyrannie du silence” de Claire Maximova… L’organisation pyramidale de l’Eglise catholique romaine avec référence constante à la hiérarchie et éviction des femmes… L’interdiction de contester tel ou tel point de doctrine… L’omerta, longtemps, sur les abus, qu’ils soient sexuels ou spirituels… La tolérance voire la compromission avec la supercherie dans des affaires “d’apparitions” plus que douteuses comme à Medjugorje… La remise en cause de la bonne foi de témoins authentiques de la grâce de Dieu… Le harcèlement subi par les “lanceurs d’alerte” – je pense par exemple au dominicain Philippe Lefebvre dans son combat contre le surprotégé Tony Anatrella… Les canonisations opportunistes voire contestables – les papes tel Jean-Paul II, le Padre Pio, la béatification d’Anne-Catherine Emmerich…
Au fil des années, la coupe s’est remplie et remplie, jusqu’à déborder et susciter en moi un mal-être permanent au sein de cette Eglise catholique romaine qui était pourtant celle de mon baptême donné dans ma prime enfance par mon propre oncle prêtre, dans cette famille de tradition et d’assidue pratique catholique immémoriale.
Je suis restée presque soixante ans, courageusement, faisant fi de mes objections profondes, par fidélité, loyauté envers mes ascendants, attachement à la liturgie, amitié avec des prêtres, des moines, des religieuses, des paroissiens fidèles, amour profond et inextinguible pour le Christ ressuscité, vivant, présent dans l’Eucharistie. Je suis restée tant que tous mes ascendants catholiques convaincus étaient en vie. Je suis restée tant que j’avais l’espoir de contribuer à faire bouger les lignes de l’intérieur de l’Eglise, désirant pour elle plus de foi authentique et véritablement vécue en actes, esprit et vérité, plus d’efforts œcuméniques, plus de sobriété dans les rites et au Vatican, plus de place faite aux femmes et aux fillettes, plus de discernement dans les cas de mysticisme, “apparitions”, révélations… Maintes fois, j’ai proposé ma contribution dans ces domaines dans lesquels je revendique une compétence, mon ultime bouteille à la mer ayant été à l’automne 2022 mon second livre “De la vie et de la mort, du Ciel et des perspectives eschatologiques“, que j’ai envoyé gracieusement en version imprimée à maints membres de l’Eglise catholique de France connus de moi ou éminents, et dont la grande majorité, loin de m’en faire un retour, ne m’a pas même gratifiée d’un simple accusé de réception…
Omerta et entre-soi, quand tu nous tiens…
La goutte d’eau qui a fait déborder ce vase déjà bien trop plein d’amertume et de mépris enduré si longtemps par ma personne a été un curé de paroisse froid comme une porte de prison, qui entendait catéchiser la petite poignée de fidèles encore présents dans ma paroisse et peut-être tout aussi bien, voire mieux formés que lui-même du point de vue ecclésial et scripturaire. Homélies de retour au catéchisme et de paraphrase des textes bibliques qui m’insupportaient et me faisaient sortir de chaque messe agacée voire excédée. J’en avais perdu peu à peu mon goût naguère si affirmé pour la pratique dominicale voire en semaine…
C’est donc à la faveur du souffle de la Pentecôte 2023 que j’ai poussé la porte d’un temple protestant pour aller y écouter la prédication d’un pasteur avec lequel j’échangeais depuis quelques années sur les réseaux sociaux, et que je trouvais intègre et pertinent. Et ce culte fut une bonne surprise, de même que les quelques mots et la poignée de mains échangés avec lui à la sortie du temple.
La semaine suivante, j’ai effectué un ultime “test” : c’était le dimanche de la Trinité, je suis allée à la messe anticipée dans ma paroisse rurale le samedi soir, nous étions dix au grand maximum en tout, et j’ai dû endurer rituels figés et homélie insipide comme à l’accoutumée.
Et le lendemain dimanche, je me suis rendue au culte à l’église luthérienne la plus proche de chez moi. Un peu décontenancée dans un premier temps par le déroulé du culte, j’ai néanmoins apprécié la qualité de la prédication, la liturgie recentrée sur les paroles bibliques et dépouillée de formules “questions – réponses” surfaites et débitées avec automatisme. Et comme, à l’issue de ce culte, j’ai été accueillie très chaleureusement et sans que l’on me demande mon “pedigree” par quelques paroissiennes fort sympathiques qui m’ont encouragée à rester pour partager un verre apéritif sur le parvis, je suis revenue les dimanches suivants, prenant peu à peu mes marques dans cette paroisse luthérienne, agréablement surprise qu’on ne m’impose rien en matière de doctrine et de contenu de foi.
Après avoir fréquenté cette paroisse alsacienne pendant un an, j’ai déménagé pour Toulouse et me suis intégrée à la paroisse protestante réformée, seule présente sur la ville. Je m’y épanouis désormais, pratiquante régulière engagée aussi dans une de ses œuvres en direction des migrants. Finalement, je m’aperçois peu à peu que l’évolution que je désirais dans l’Eglise catholique, les protestants l’ont réalisée depuis 500 ans avec succès et modestie. On les entend peu, mais leur foi sincère et libre est palpable, leur célébration sobre fidèle aux Ecritures, ils tentent de mettre leurs actes en adéquation avec ce qu’ils confessent et point de discrimination homme-femme dans cette Eglise. Rien ne m’est imposé en matière de foi, sinon que Jésus est Seigneur et Sauveur, et cela me va très bien, ma foi est beaucoup plus large encore mais je sais qu’ici, on ne m’imposera pas des doctrines entachées d’erreur en m’assénant : “C’est la foi de l’Eglise” en référence à la Tradition ou au Magistère et non aux Ecritures.
Et je terminerai sur la très bonne surprise que je vis intimement : l’Eglise catholique, je le sais par expérience, pratique de manière éhontée le “chantage à l’eucharistie”, à savoir, la menace de perdre le bénéfice de la Présence réelle du Seigneur Jésus si on s’éloigne de ses propres autels. Or, et j’insiste sur ce point, la Sainte Cène protestante partagée un dimanche sur deux, voire plus, est un moment extrêmement fort et convivial. Nous sommes debout en grand cercle autour de la table, le ou la pasteur(e) introduit la Cène par les paroles bibliques adéquates, sans fioritures, nous communions au pain partagé et au vin dans de petites coupes individuelles, le pasteur prend le pain et le vin en dernier et nous les consommons tous en même temps et en silence. Et là, je le dis et je l’affirme, j’ai personnellement le même ressenti très fort de la Présence réelle du Seigneur que quand je communiais en Eglise catholique. Ce qui m’amène à penser que c’est l’Esprit Saint qui descend sur les espèces par la foi et la présence communautaire autour et au nom du Christ, sans nécessité incompressible de la présence d’un prêtre.
Je témoigne ici de mon propre chemin, qui n’est ni un passage obligé, ni une voie de damnation comme d’aucuns voudraient me le signifier. Que chacun s’observe lui-même dans ses dérives avant de jeter l’anathème sur qui ne pratique pas sa foi chrétienne comme lui. Je terminerai sur une affirmation protestante qui me convient bien :
“Aucune Eglise ne peut remplir seule sa mission, parce qu’aucune Eglise n’est à elle seule l’Eglise de Jésus Christ. La rencontre et l’échange sont essentiels pour la mission des chrétiens et des Eglises.”
(Livret “Choisir la confiance” Eglise Protestante Unie de France, p 9)
Image : Le temple du Salin à Toulouse
2 commentaires
Bonjour Véronique. Comme je l’ai déjà exprimé dans un ou plusieurs précédents commentaires de ce que tu publie, je m’aperçois en te lisant que ma femme et moi parcourons des sentiers tout à fait parallèles. . Ou qui convergent, si on préfèrent. J’ai perçu la même présence réelle moi aussi, au cours de la Sainte Cène, et le fait que l’assistance se tienne en cercle autour de la table de communion y est pour une part. Je ne reçoit pas la communion que pour moi même, et sous la “gouverne” d’un prêtre ordonné. Je la reçoit en communauté, avec la communauté, Ensuite le conseil presbytéral est parfaitement mixte et le pasteur est une dame. Comme tu le dis très justement, les protestants ont 500 ans d’avance. En fait, pas 500 ans parce que la mixité des pasteurs c’est un combat des années 1920 / 1930 en Europe mais quant même : quand on voit que le synode de la synodalité en est encore à s’interroger sur l’opportunité d’ordonner des femmes diacres, et en reportant la décision concrète aux calendes grecques… Pendant ce temps les vieux prêtres “conciliaires” disparaissent, remplacés par de jeunes curés dont “la soutane est longue mais leurs idées sont courtes” ! Et qui ne sont que des vestiges d’une crispation identitaire, dans un monde où tout change très vite, et pas forcément en bien.
Bonjour Jean-Bernard et merci pour cette contribution avec laquelle je me sens bien en phase.
Je ne m’explique toujours pas cet orgueil tellement ancré dans le catholicisme qui consiste à s’auto-déclarer seule Eglise véritablement légitime et professant La Vérité ! Au moins les protestants n’ont pas cette outrecuidance, chez eux la synodalité est une réalité concrète de longue date et ils n’affichent guère ce mépris pour les églises sœurs. J’apprécie cette humilité, et également celle des pasteurs, qui ne prétendent pas nous enseigner la foi comme si elle était un néant avant que nous ayons poussé la porte d’un temple, de même qu’ils ne revendiquent pas d’être un intermédiaire entre Dieu et le fidèle.
Je respire !