Samedi dernier, je suis allée à une rencontre oecuménique de prière pour la clôture de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. J’y ai emmené une amie que j’aime beaucoup, qui après une vie un peu marginale et des problèmes psychiques, n’a pas eu d’autre solution que d’entrer en maison de retraite vers 60 ans. Elle s’y ennuie bien sûr, le quotidien est lourd pour elle, et elle me dit souffrir de la médisance qui va bon train. Elle est très pauvre et sous curatelle, endettée, elle n’a droit qu’à 20 euros par semaine. Ce qui l’empêche de s’offrir des “extras”, et de ce fait elle ne peut pas vraiment soigner son apparence. En outre, elle souffre beaucoup de plusieurs infirmités, et a du mal à se déplacer. Mais pour la côtoyer à la messe de notre communauté de paroisses et la visiter de temps en temps, je sais qu’elle a un coeur d’or.
Nous arrivons donc toutes les deux bien en avance. Elle monte avec difficulté les quelques marches de la chapelle de cet hôpital psychiatrique, dans laquelle j’ai vécu moi-même des choses très fortes il y a douze ans, au milieu des malades et de quelques personnes de cette ville, voisins proches sans doute, qui en ont fait leur paroisse.
Décidées à bien participer à cette célébration, nous nous installons au deuxième rang, saluons la pasteure, notre diacre, quelques personnes que nous connaissons…
Arrive un couple entre 60 et 70 ans. La dame, enveloppée d’une fourrure, coiffure impeccable, s’avance à notre rang et nous regarde d’un air médusé, puis nous dit : “Est-ce que vous pouvez vous pousser ?” Un instant, je ne comprends pas, puis elle ajoute : “C’est notre place habituelle.” Je comprends. Ce sont des paroissiens et ils veulent leur banc à eux. Nous nous excusons et nous nous poussons au fond du rang, ce qui occasionne à mon amie des douleurs à ses genoux très fragiles.
La célébration commence par une magnifique danse indienne, une soeur d’un couvent voisin a revêtu le costume traditionnel, chatoyant, et nous présente une chorégraphie de son pays d’origine, un lumignon dans chaque main. Nous entrons dans la grâce de ce temps de prière, riche et nourri de chants de nos deux traditions, catholique et protestante.
Les célébrants nous proposent de nous donner le geste de paix. Heureuses, nous l’échangeons autour de nous. Mon amie tend la main à la dame à la fourrure, mais elle ne daigne pas la saisir. Peut-être l’a-t-elle prise pour une malade de l’hôpital, et qu’à ses yeux en tant que telle elle ne mérite pas le geste de paix. Curieuse attitude cependant pour quelqu’un qui a fait d’une chapelle d’hôpital psychiatrique sa paroisse.
Plus tard, nous disons aussi le Notre Père, et mon amie et moi, nous nous prenons par la main et la serrons très fort. Rien de tel non plus du côté de la dame à la fourrure.
Vient le moment de la quête. Ah, voici qu’elle se lève, c’est elle qui fait la quête ! Voilà un service qui doit l’agréer.
Tout en priant avec ferveur pour l’unité des chrétiens, je suis dans un sentiment partagé. Y a-t-il déjà l’unité dans notre propre Eglise catholique ?
Je repense à une humiliation de mon enfance. Les enfants des familles les plus fortunées du village allaient à l’école privée. Un jour, l’un d’eux nous avait dit, à mes soeurs et à moi : “Vous allez au collège *(public), cette porcherie ?”
Ce sont des paroles qui marquent, dans une vie chrétienne.
Et samedi, j’ai eu mal pour mon amie méprisée par la dame à la fourrure.
4 commentaires
André BONDU says:
Le 19 février 2013 à 10 h 50 min
Quand j’ étais enfant, dans les années 30-40, les places à l’ église étaient attribuées une fois par an, sous la forme d ‘une vente aux enchères. Chaque place était affectée au plus offrant, c’ est-à-dire à la personne ou la famille qui faisait monter les enchères le plus haut, avant les trois coups de marteau fatidiques.
Bien sûr, des habitudes s’ étaient créées depuis de longues années, et personne n’ aurait eu l’idée de renchérir pour obtenir des places qui étaient la possession » des « notables » de la paroisse depuis de longues années.
Notre famille, considérée comme « notable », non par la richesse, mais comme « bons serviteurs de l’ église » ( mon père était chantre et animateur de la chorale, et ma tante chargée de fleurir l’ autel de la Vierge Marie) avait, depuis bien avant ma naissance, les trois places, côté allée centrale,
du troisième rang du côté gauche de la nef. Et il n’ était pas question que quelqu’un ose renchérir sur les places de ma famille. Et mon père avait même fait rembourrer et couvrir de cuir le petit banc destiné à s’ agenouiller.
Et certains faisaient graver une petite plaque de cuivre indiquant que la place leur était réservée.
Parfois, des modifications dans les familles nécessitaient des tractations …
avant la mise aux enchères, pour modifier l’ ordonnancement.
Quant aux places non attribuées, elles restaient vacantes et à la disposition de tous ceux qui n’ éprouvaient pas le besoin d’ avoir une place attitrée. Mais, là, c’était à qui arriverait le premier pour avoir la meilleure place libre.
Personne ne trouvait rien à redire à ce système, à commencer par notre bon curé qui trouvait là le moyen de renflouer les finances de la paroisse.
Telle était l’ Eglise de notre si catholique Vendée angevine avant Vatican II !
La dame à la fourrure n’a rien compris. Et je dirai comme je dis à mes étudiants ” soyez riches d’être pauvres.
Vous êtes plus grandes que la dame à la fourrure.
Cela me fait penser à mon église ou je vais le soir. Il y a des gens qui ne font pas le signe de la paix. Mais je m’en moque. dans le sens où je me dis qu’ils n’ont pas à faire de discrimination dans l’église, car comme le disent parfois les prêtres, nous sommes tous convoqués” devant Dieu. Et un jour Dieu nous demandera si nous avons été bons envers les autres. Bons avec notre coeur essentiellement.
bon courage.
C.S.
“Bienveillance”, ce terme s’applique vraiment à ton attitude dans la vie Véronique. Je suis touchée aussi par ce que tu racontes et je pense par exemple à ce que doivent endurer les petits roms lorsqu’ils sont scolarisés. Porter les habits de ceux qui n’en veulent plus, essayer de cacher sa misère matérielle de manière honteuse. Pourtant la honte va à cette dame au manteau de fourrure. Et quand on s’intéresse un peu à la cause animale, double honte à cette dame !
Bonjour Véronique,
Votre témoignage me fait venir les larmes aux yeux.
Pour me remonter le moral face à ce genre de comportement, je relis les Petites béatitudes de Joseph FOLLIET que j’ai scotchées à côté de mon bureau et tout particulièrement celles-ci:
” Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace: votre route sera ensoleillée.”
Et pour toutes les fois où vous vous demander si les gens sont sincères ou s’ils se moquent de vous:
“Heureux êtes-vous si vous êtes capables de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d’autrui même si les apparences sont contraires: vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix.”
je vous souhaite une belle et bonne journée.