Un jour, ils ont tout quitté pour se donner entièrement au Christ, dans un lieu presque millénaire.
Fils de saint Benoît, fils de saint Bernard. Fils de Dieu avant tout, et frères de Jésus, en Jésus.
Une vie rude. “Ora et labora”.
Sept offices par jour, le premier à quatre heures du matin.
Leurs voix chaudes montent dans le choeur. Ils chantent les Psaumes qui étaient la prière de Jésus. Ils chantent aussi des cantiques qui sont leur marque de fabrique. Le tout en français, dans un phrasé poétique ; le latin n’est pas absent, le “Salve regina” qui monte tous les soirs dans le choeur plongé dans la pénombre prend aux entrailles. Tant de voix, avant les leurs, l’ont entonné !
Ils ont ce sourire et cette lumière dans les yeux qu’on a tant de mal à retrouver dans “le monde”, rien n’est feint, rien n’est artificiel, un sourire est un sourire, une poignée de main est une poignée de main.
Ils psalmodient, ils prient, ils lisent, ils étudient et ils travaillent. Ils vivent de leur labeur. Toujours ensemble.
Et ils accueillent.
On entre dans un cocon de grâce, de silence, de fraternité et de convivialité.
Tout a été pensé pour qu’on y soit bien, la chambre est on ne peut plus confortable, on traverse presque sur la pointe des pieds des couloirs où dans chaque recoin se niche quelque chose de beau, qui élève l’âme. Les yeux sont d’autant plus à la fête que le silence met l’ouïe au repos.
Veut-on lire, il y a là tout un univers spirituel à goûter.
Veut-on prier dans le silence, l’oratoire feutré nous accueille.
Veut-on partager avec un frère, il se libère un moment, mais qui devient un vrai moment. Les yeux dans les yeux dans un parloir ou sur un coin de table, le sourire dans le sourire, le coeur près du coeur. Accueil, écoute, bienveillance et partage. Des choses banales et des choses profondes, on peut passer de l’un à l’autre sans transition, mais tout sera vrai.
On mange sans se parler avec les autres retraitants, on écoute de la musique belle à l’oreille, et le murmure de son propre coeur.
C’est bon.
C’est préparé avec amour et ça se ressent.
Et puis la vaisselle, tous ensemble, un moment convivial et rapide, pendant lequel on peut risquer quelques mots.
Ici, il n’y a plus de hiérarchie. On ne sait pas forcément qui sont les autres, mais même quand on le sait, on reste voisins de table venus chercher ici la même chose, avec la même simplicité.
Vient le jour où il faut redescendre de la montagne. Le frère hôtelier, le visage mangé par un sourire, est passé du vous au tu. Promesse de revenir.
Il a plu de la grâce, sous un soleil de neige, et j’en ai tout un univers d’étoiles dans le coeur…
5 commentaires
Rendons grâce ensemble, Père Gabriel, pour qu’ au fond de votre maison de retraite, cet Hymne à la Joie éclate dans votre coeur !
Je pense bien à vous et prie pour vous.
Chacun a les joies et les grâces qu ‘il mérite !
Qu’ ils ont dû être doux ces cinq jours sur la montagne !
Lire vos lignes, Véronique, fait entrer dans le sanctuaire du coeur. Merci pour ce partage lumineux. Oui, il faut bien revenir “dans le monde”, mais ces journées passées à Tamié laissent autour de vous, “pour le monde” les traces de la prière des frères dans le sillage de votre joie. Avec mon amitié.
Chapeau!
Votre texte est un “Hymne à la joie” : on ne peut que le savourer, admirer… et rendre grâce!
Superbe !
Ambiance de recueillement, de partage, d’amitié.
Que continue à tomber cette pluie bienfaisante et rafraîchissante, revitalisante !