Tu aurais 107 ans aujourd’hui, mais cela fait déjà dix-huit ans que tu nous as quittés.
Pour moi, tu étais la simplicité, la gentillesse, l’affection sincère qui ne fait pas de grandes démonstrations.
Petite fille, j’aimais me réfugier sur tes genoux. Tu me faisais beaucoup rire. Tu exagérais tout ce que tu racontais, et on en plaisantait toujours : quand tu mesurais ou soupesais quelque chose dans ton récit, il fallait toujours diviser par deux.
Ta vie a été une vie de labeur : d’abord forgeron, tu as été ouvrier dans la sidérurgie, avec toujours une exploitation agricole à gérer en plus, même si ta femme la menait de main de maître.
Tu as eu une vie de mortification affective : orphelin de père et de mère à peine arrivé à l’âge de te marier, tu as choisi une fiancée à la hâte, sans vraiment la connaître, et ce mariage, bien que fidèle pendant plus de soixante ans, a été un naufrage continuel. Jamais tu n’as pu vraiment tenir ta place de chef de famille, entre une épouse tyrannique, un beau-frère vivant avec vous pendant de longues années, puis le fils qui vous a pris chez lui à votre retraite davantage dans son intérêt que dans le vôtre, pour encore plus de vingt ans pendant lesquels tu as eu la place du gêneur.
Souvent, tu n’avais pas d’autre choix que de te taire ou de suivre le train de la médisance.
Tu aimais ta fille, mais tu ne savais pas bien prendre sa défense, acculé à la nécessité de vivre avec ceux qui ne cessaient de l’humilier et de la harceler.
Tu aimais ton gendre, et les moments où vous pouviez travailler ensemble étaient des moments de paix, pour toi, pour lui.
Tu nous aimais, nous, tes petites-filles, d’un amour franc et sans mots, mais parfois l’amour a plus besoin de gestes et de regards que de mots.
Quand je pense à toi, je revois des paniers de champignons cueillis à l’aube, des seaux de framboises qu’il faut bien remplir car celle qui les transformera en confitures attend, des bâtons sculptés avec beaucoup d’art, et ces cahiers d’écolier que j’ai découverts un jour, avec des textes de pièces de théâtre en dialecte mosellan, qui étaient ton jardin secret et pour lesquels tu étais moqué, comme à ton habitude…
Si c’est toi qui m’as donné le goût d’écrire, et pour tout le reste aussi, je ne te dirai jamais assez merci, et que je t’aime.
Joyeux anniversaire, pépé, là-haut !
4 commentaires
Et j’allume une bougie pour Lucie, sa nièce, qui s’est éteinte hier… Qu’ils se retrouvent dans la joie…
Quel bel hommage… et quel joli secret ! Merci de le partager ici 🙂
Il fut un simple, mais il fut un “Juste”;
Il est près du Seigneur, et, la- Haut, il prie pour toi, Véronique.
Bel hommage, pour une vie qui ne fut pas facile. Pourquoi les hommes cherchent-ils souvent plus à nuire qu’à épanouir (Eh ! Pas nuire !) ?