Dans un tweet du 3 juin 2014, le pape François nous dit :
“Merci à tous les enseignants : éduquer est une mission importante, qui rapproche beaucoup de jeunes du bien, du beau, du vrai.”
Cela me va droit au coeur. Merci à lui pour cette pensée !
Et pourtant, en tant qu’enseignante, je suis en ce moment en pleine amertume.
Pour une perte de quelques élèves à peine, mon école va subir à la rentrée de septembre une fermeture de classe. Et de trois enseignantes que nous sommes à l’école élémentaire, nous ne serons plus que deux, la directrice et moi. Ce qui signifie forcément d’assumer des classes à triple niveau.
Nous avons perdu notre sérénité. Nous retournons les effectifs dans tous les sens à la recherche d’une solution, aucune n’est satisfaisante. Je me retrouve acculée à un choix à poser promptement : trois niveaux qui se suivent avec 30 élèves le matin et un allègement l’après-midi, ou trois niveaux qui ne se suivent pas avec 24 élèves toute la journée.
J’en ai perdu le sommeil.
24 élèves, j’ai l’habitude. Jongler avec deux niveaux toute la journée, aussi, même si c’est fort prenant. Mais gérer une classe avec des élèves de 7 à 11 ans, je n’en ai aucune expérience et je n’arrive même pas à imaginer comment je pourrai mener à bien neuf séances en une matinée : trois de lecture, trois de maths, trois de français. Le tout en même temps.
Ces comptabilités administratives ne tiennent aucun compte des configurations rurales et du facteur humain. La troisième collègue est là – et combien adorable – la salle de classe est là, tout équipée, le fonctionnement tourne depuis des décennies. Et tout va être bouleversé pour une question de chiffres.
Je suis atterrée. On a beau avoir la vocation chevillée au corps, envisager une rentrée dans ces conditions, à l’âge où on commence à être un peu plus fatiguée avec des élèves de plus en plus agités, c’est bien difficile et peu encourageant…
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Merci à vous deux pour vos conseils. J’ai retrouvé de la sérénité depuis que j’ai fait mon choix. Je mettrai à profit l’été pour explorer au mieux les pistes de fonctionnement possible.
On peut aussi méditer, à la suite de ces belles paroles du pape François, l’invariant pédagogique n° 25 de Célestin Freinet qui va tout à fait dans le même sens :
http://www.icem-freinet.fr/archives/bem/bem-25/bem-25.htm
[INVARIANT n° 25 :
La surcharge des classes est toujours une erreur pédagogique.
S’il s’agit seulement d’instruire les enfants, le grand nombre peut être parfois acceptable. Il peut y avoir des techniques de travail qui permettent les acquisitions mécaniques à une masse de 50 enfants presque aussi bien qu’à une équipe de dix.
C’est ce qu’on essaie de démontrer lorsqu’on parle des vertus possibles des techniques audiovisuelles.
Mais l’acquisition des connaissances reste malgré tout une fonction mineure de l’Ecole. Ce qui est par contre important, c’est la formation en l’enfant de l’homme de demain, de l’homme moral et social, du travailleur conscient de ses droits et de ses devoirs et suffisamment courageux pour y faire face, de l’enfant et de l’homme intelligent, chercheur, créateur, écrivain, mathématicien, musicien, artiste.
Les qualités que ces fonctions exigent ne peuvent absolument pas s’acquérir dans un groupe anonyme. Elles ne s’acquièrent jamais par la seule information, si majestueuse soit-elle. Elles ne peuvent se développer que si on a la possibilité effective de travailler, d’agir et de vivre individuellement et socialement. Dans ce domaine aussi c’est en forgeant qu’on devient forgeron ; c’est en vivant et travaillant dans une équipe ou dans un groupe qu’on apprend à vivre en groupe.
Ces conditions ne sont plus remplies dès que l’Ecole devient une masse anonyme et elle le devient automatiquement au-delà de 20-25 élèves par classe. ]
Je comprends et respecte votre amertume et votre angoisse.
Cependant, il me semble indispensable d’établir des normes. Elles sont toujours injustes quand elles font tomber le couperet. Mais si elles n’existaient pas, on critiquerait les gouvernements pour leur laxisme… et on aurait raison !
Il faudra évidemment s’adapter, trouver les bons fonctionnements, etc. Quand j’étais instit, j’ai toujours travaillé avec des classes à deux niveaux, ce qui me semblait profitable pour tous les élèves. Avoir trois niveaux, c’est évidemment autre chose, mais je suis sûr que c’est jouable (que dire des classes de village qui avaient 6 niveaux ?).
Avoir 30 élèves, c’est beaucoup, oui. Je travaillais hier avec des inspecteurs béninois. Là-bas, la moyenne par classe est 45 élèves. Bien sûr, les conditions sont différentes, mais quand même. Et je leur expliquais que l’année où j’ai été l’enseignant le plus efficace, c’est celle ou j’avais effectivement 30 élèves, au lieu de 20 à 24. Super-efficace, mais c’est vrai aussi que ce n’était pas l’année la plus reposante.
En tout cas, j’espère que vous trouverez la bonne organisation et que vous trouverez vos marques pour pouvoir continuer à aider chaque enfant à progresser. Intuitivement, je sais que vous y arriverez.
Belle fin d’année, bonnes vacances… et bonne reprise !