Vais-je parler d’un geste, d’un élan, d’une danse, d’un pas en avant ?
Cela aurait pu être.
Mais je suis enseignante, et dans notre jargon, le mouvement, c’est tout autre chose.
Le mouvement, c’est de mars à juillet, et parfois ça déborde sur août, et pire pour les personnes concernées, sur septembre.
Le mouvement, c’est cette grande valse des postes et des affectations.
Pendant dix à quinze ans, on y est contraint, faute d’être titularisé sur un poste stable. Pour beaucoup, c’est synonyme de stress, d’incertitude, de changement de rythme familial, car le mouvement peut pousser loin de chez soi. Quand j’étais débutante, ainsi, j’ai déménagé à chaque rentrée, au gré des nominations provisoires.
On l’ignore souvent quand on n’est pas du métier, mais être professeur des écoles ne signifie plus avoir sa classe et la retrouver chaque année. J’ai de nombreuses collègues qui sont suspendues tous les ans à ce verdict du mouvement, et depuis longtemps, bien qu’elles soient parfois mères de famille nombreuse. Dans notre jargon, nous disons aussi que “le mouvement est bloqué”. Presque impossible d’être titulaire d’un poste avant une bonne dizaine d’années, voire plus. Certes, on n’est jamais au chômage. Mais affecté ailleurs presque à chaque rentrée.
Et pour combattre encore une idée reçue, c’est un métier difficile à exercer à plein temps, à cause de la considérable charge de travail que l’on a à effectuer en plus des heures de cours (préparation, correction, dossiers à renseigner, réunions…) D’où de très nombreux temps partiels, notamment des mères de famille (car oui, les enseignantes font des enfants !) Ce qui signifie par voie de conséquence des “postes fractionnés” : il faut “compléter” ces temps partiels, et nombre de jeunes collègues travaillent dans une classe différente chaque jour de la semaine, parfois sur quatre écoles dans quatre villages distants de plusieurs kilomètres ! Et bien sûr, dans ces cas-là, elle peuvent avoir en une semaine tous les niveaux, de la petite section de maternelle jusqu’au CM2. C’est une réalité de plus en plus présente depuis quelques années, donnant une nouvelle physionomie au métier.
Mai – juin, c’est le temps où l’on est suspendu aux résultats du mouvement. Où va atterrir le, la collègue qui doit quitter l’école ? Avec quelle nouvelle personne allons-nous partager notre quotidien, notre classe à la rentrée ? Où trouvera-t-elle la motivation, si elle doit assumer huit niveaux en une semaine, dans quatre lieux différents ?
Ce billet n’a d’autre prétention que de faire connaître une réalité de terrain bien souvent ignorée… Les raccourcis sur les “fonctionnaires” sont tellement plus faciles !
3 commentaires
Merci..
Pourquoi les titularisations sont elles si lentes? Y a t’il un minimum d’années nécessaires? Je pensais que les professeurs des écoles étaient trop peu nombreux..Les académies n’auraient elles pas intérêt à titulariser rapidement ?..merci de vos éclaircissements..
Les professeurs des écoles sont “titularisés” au sens où ils sont embauchés définitivement dès qu’ils ont réussi le concours, mais ils ne sont pas pour autant tout de suite titulaires d’un poste “à titre définitif” car il faut un certain barème pour en obtenir un. En attendant, ils sont “titulaires à titre provisoire” pour un an éventuellement reconductible sur les postes vacants pour cause de longue maladie, de congé parental, et sur les postes fractionnés pour compléter les temps partiels des titulaires. Et ce statut peut durer très longtemps… Cela tient aussi au fait que tous les postes ne sont pas “attractifs” dans un département, par exemple quand ils sont très loin de la ville ou à multiples niveaux dans les campagnes. Certains préfèrent avoir un poste provisoire que de demander ces postes-là, surtout quand ils ne peuvent pas déménager pour des raisons familiales.