Cette date, je l’attends chaque année pour pouvoir la fêter, elle, ma sainte préférée. Le mois d’octobre est riche en fêtes de grands saints, mais celle du 15 octobre m’est plus importante que toutes les autres. Ce jour-là, nous faisons mémoire de sainte Thérèse d’Avila.
Je ne sais plus quand ni comment je l’ai “rencontrée” pour la première fois. Peut-être dans un manuel d’espagnol au lycée. Peut-être en me laissant bercer par “Nada te turbe”, le refrain de Taizé, au détour d’une messe télévisée. Le fait est que j’ai eu un jour un grand appétit de la connaître. Et que j’ai lu toutes ses oeuvres, et elles sont nombreuses ! Un grand goût aussi à la prier, à solliciter son intercession, à apprendre d’elle l’oraison. Un très grand respect pour ses filles du Carmel, celles d’hier et celles d’aujourd’hui.
Si je devais me choisir une mère au Ciel, ce serait elle. Pourquoi pas la Vierge Marie, va-t-on m’objecter comme on le fait souvent.
C’est difficile à dire.
Je prie très souvent la mère de Jésus, mais je ne la reconnais pas dans les représentations désincarnées qu’ont d’elle bon nombre de catholiques. J’ai un rapport intime avec elle dans la prière, c’est une relation de proximité, de confiance, de confidence, mais je ne la perçois pas telle que je la lis ici ou là. Marie a dit très peu de choses dans l’Evangile, et il a été beaucoup brodé autour de ces quelques phrases. Les traités de mariologie ne m’ont jamais intéressée. J’aime profondément Marie qui nous a donné le Sauveur et l’a accompagné jusqu’au pied de la Croix, mais certaines dévotions me laissent à distance, surtout quand elles sont de nature à nous éloigner de nos frères d’autres confessions chrétiennes.
Ceci simplement pour exprimer qu’il y a encore de la place dans mon coeur pour une autre mère au Ciel, pour la Madre.
Avec Thérèse, nous sommes dans du concret. Nous pouvons lire ce qu’elle a elle-même écrit dans ses traités de spiritualité ou dans son abondante correspondance, dans ses poèmes, ses prières. Nous savons ce qu’a été sa vie. Nous voyons quelle oeuvre impressionnante elle a laissée.
J’aime la force de caractère de Thérèse, sa maturité de femme, sa détermination dans ses fondations, et je vénère en elle une des plus grandes mystiques que l’Eglise ait enfantée. Veut-on approcher dans l’intimité d’une âme ce que le Seigneur est pour elle, il faut lire entre les lignes des écrits de Thérèse, et rechercher dans ceux de Saint Jean de la Croix ce qu’elle a tu par pudeur. Le Christ nous est révélé dans ses visions avec une suprême majesté, une folle exigence pour l’âme qu’il s’est choisie mais aussi une infinie miséricorde. J’aime ce Jésus qui parle à Thérèse ! Celui qui l’envoie sur toutes les routes quand elle préfèrerait s’abîmer en lui, celui qui l’élève au-dessus de la finitude humaine et qui lui rappelle l’instant d’après qu’il est présent entre les marmites de la cuisine.
J’aime l’amour de Thérèse pour son Seigneur et l’amour du Seigneur pour Thérèse.
Thérèse nous laisse cette folle espérance : nous avons beau être parfois proches du néant dans les vertus, nous sommes passionnément aimés par Dieu. Et si nous lui montrons quelque ambition à faire Sa volonté, il ne va plus nous laisser en repos que notre vie ne porte le fruit qu’il espère et qu’il donne lui-même.
“Tout vient de lui, tout est pour lui” dit un cantique.
“Dieu fait de nous en Jésus Christ des femmes libres”, pourrait-on encore chanter.
Thérèse me l’a fait comprendre.
Je n’aurai de cesse de lui en rendre hommage.
Bonne fête, Madre !