Dans la paroisse de mon enfance, nous chantions à la Toussaint un cantique que j’aimais beaucoup :
Ils sont nombreux les bienheureux
Qui n’ont jamais fait parler d’eux
Et qui n’ont pas laissé d’image
Tous ceux qui ont depuis des âges
Aimé sans cesse et de leur mieux
Autant leurs frères que leur Dieu !
Ceux dont on ne dit pas un mot
Ces bienheureux de l’humble classe
Ceux qui n’ont pas fait de miracle
Ceux qui n’ont jamais eu d’extase
Et qui n’ont laissé d’autre trace
Qu’un coin de terre ou un berceau.
Ils sont nombreux, ces gens de rien
Ces bienheureux du quotidien
Qui n’entreront pas dans l’histoire
Ceux qui ont travaillé sans gloire
Et qui se sont usé les mains
A pétrir, à gagner le pain.
Ils ont leurs noms sur tant de pierres
Et quelquefois dans nos prières
Mais ils sont dans le coeur de Dieu !
Et quand l’un d’eux quitte la terre
Pour gagner la maison du Père
Une étoile naît dans les cieux. (Robert Lebel)
Ces mots m’habitent encore quand je songe aux bienheureux qui ont traversé ma vie en y laissant un sillage de lumière et de foi. Je crois beaucoup aux saints de l’humilité, ceux que personne n’a songé à canoniser, et qui cependant veillent là-haut et intercèdent pour nous. J’en garde quelques-uns dans un petit ciel intérieur, je leur confie mes chemins et ceux qui les croisent et qui leur ressemblent.
Des personnes de ma famille ou de mon entourage, une grand-mère modèle de piété et de discrétion, un grand-oncle prêtre humble en tout ce qu’il faisait, ma petite maman si simple et si fidèle en toutes choses, le curé de mon enfance tellement chaleureux, un moine qui a tant prié pour moi et pour tant d’autres, une amie paroissienne qui priait des chapelets pour le bac de nos enfants et qui s’est éteinte avant d’en avoir connu les résultats, une petite dame courbée en deux qui s’avançait toujours souriante vers la sainte communion, un moine de l’abbaye chère à mon cœur, courbé en deux lui aussi, qui épluchait les légumes pour toute la communauté et prenait soin des tombes de ses frères…
Bienheureux dans nos souvenirs, bienheureux dans le Royaume, qui prient sans doute avec la même continuité en nous contemplant avec tendresse…
J’ai encore le cœur serré aussi quand je pense à ceux qui sont partis trop tôt, d’un accident ou d’un mal de vivre, nous donnant, à mes amis encore adolescents et à moi, les premières expériences douloureuses de deuil précoce. Je voudrais leur rendre hommage par leur simple prénom, Jean-Michel, Jeanne, Laurence, Patrick, Georges… Eternellement jeunes, éternellement heureux, je l’espère… Veillez sur nous !
On peut écouter le cantique “Ils sont nombreux les bienheureux” ici :
http://www.musicme.com/#/Robert-Lebel/titres/Ils-Sont-Nombreux-Les-Bienheureux-t2476630.html
3 commentaires
Merci Brigitte, oui, nous avons parfois du mal à nous sentir concernés par les “grands saints” , à mon avis c’est davantage à cause du langage que l’Eglise utilise parfois à leur sujet que pour ce qu’ils ont été en eux-mêmes. D’une manière générale, je ne suis pas trop à l’aise avec les prières pleines d’emphase que l’on adresse aux saints. J’ai appris à les aimer plutôt en les lisant – quand ils ont écrit eux-mêmes – ou en prenant connaissance de leur vie quand elle est racontée de manière simple. Je crois que ce qui caractérise tous les saints, c’est leur humilité, et parfois on la masque par les excès de superlatifs. Tout comme on a trop tendance à oublier les saints du quotidien, ceux dont parle ce cantique, que l’histoire n’a pas retenus, et qui ont pourtant fait tant de bien autour d’eux et procuré tant de joie à Dieu…
Vos lignes, Véronique, me réconcilient avec la “sainteté”, notion que j’ai souvent eu du mal à percevoir, tant les saints officiels me paraissaient si loin de nous. Quelle paix et quelle espérance se dégagent du cantique et de votre texte malgré la tristesse encore présente!! merci .
Brigitte
Bonjour Veronique,
Merci pour tous les saints et saintes anonymes… Nous sommes tous ‘saints’, car appelés à la sainteté par Celui qui nous a créés. Il suffit d’un peu de bonne volonté et de répondre à L’Appel : “Me voici Seigneur, je viens pour faire Ta Volonté.”
Bonne continuation
+doris