Je n’ai pas pour habitude d’évoquer dans ce blog de grands débats de société, comme d’autres le font certainement avec plus de talent que moi. Mais un sujet me préoccupe depuis longtemps, et je voudrais l’aborder aujourd’hui. Il s’agit de l’IMG (interruption médicalisée de grossesse.) On dit parfois “avortement thérapeutique”, une dénomination qui me dérange car c’est un acte qui ne guérit rien du tout.
Je ne voudrais blesser personne en abordant ce sujet combien délicat.
On pourra toujours m’objecter que je ne sais pas de quoi je parle, car j’ai la grande chance d’avoir trois enfants en parfaite santé, et que je n’ai jamais été confrontée à pareil dilemme intérieur.
J’y réfléchissais pourtant lors de ma troisième grossesse, comme j’approchais les 35 ans.
On proposait déjà le dépistage sanguin des prédispositions à transmettre la trisomie 21. Or, juste avant ma grossesse, j’avais été en contact avec une amie enceinte dépistée “à risque” et qui attendait les résultats de son amniocentèse. Elle vivait ces jours dans une grande angoisse, le résultat possible l’effrayait autant que le risque de perdre un bébé sain à cause de l’intervention. J’avais été très marquée par son anxiété et par notre discussion au sujet du choix à poser “au cas où”.
Peu de temps après, étant enceinte à mon tour, il me fut proposé le même dépistage sanguin. J’y avais bien réfléchi avant et je l’ai refusé, arguant que je voulais m’épargner les mêmes angoisses que mon amie, et que de toute façon, étant déjà au terme de trois mois, j’aimais mon bébé et que quel que soit le diagnostic possible, je l’aurais gardé. Le médecin avait été étonné de ce discours, me disant qu’il était peu courant.
Je ne nierai pas que j’y ai repensé pendant toute cette grossesse, demandant à chaque échographie des précisions sur l’épaisseur de la nuque… Et le jour où j’ai tenu ma magnifique petite fille dans mes bras, nous nous sommes dit, émerveillés, son père et moi : “Elle n’est même pas trisomique”, pensant qu’elle aurait pu l’être et que nous l’aurions serrée dans nos bras quand même, avec chagrin mais néanmoins avec amour.
Ceci pour mon expérience personnelle.
Il va sans dire que c’est une toute autre souffrance que d’entendre un diagnostic de handicap et d’avoir une décision à prendre.
Il n’y a pas si longtemps que je sais qu’on peut interrompre une grossesse jusqu’au terme par injection létale sur le fœtus à la demande des parents en cas de handicap avéré et avec l’accord d’un collège de médecins. Cela m’interroge profondément. Jusqu’où va-t-on aller dans le refus du handicap ? Jusqu’à quel handicap ? N’est-on pas déjà en train d’éradiquer les fœtus atteints de trisomie 21 dans notre pays ? Je ne peux m’empêcher de penser au sourire et aux élans d’affection d’une fillette de ma paroisse qui nous fut malheureusement enlevée l’année de ses 17 ans. Au même sourire communicatif d’une petite fille blonde qui attend son frère devant mon école dans les bras de sa maman. Leur vie a grand prix, comme toute vie.
Que serait une société refusant obstinément toute différence, ne tolérant que les enfants répondant à nos critères de l’acceptable et de l’inacceptable ?