Quand j’avais 16 ans, elle a été ma revanche sur mon enfance sans musique. Toujours ces rêves de jouer du piano, et pas de marge pour ça dans le budget très serré de mes parents.
Un jour, ma sœur, déjà salariée, est rentrée à la maison avec une guitare. Elle savait jouer quelques accords. J’étais éblouie : “Apprends-moi !”
Je l’attendais tous les week-ends pour pouvoir m’entraîner sur le précieux instrument.
Il y avait là une très vieille Renault 4 sur laquelle mes trois sœurs avaient fait leurs premières armes après leur permis.
“Elle ne tiendra pas jusqu’à ce que tu aies le tien”, avait opiné mon père.
Elle fut vendue. Toujours par souci d’équité, mon père décréta : “Il y a deux personnes à laquelle elle n’a pas servi : ta mère et toi. Je vous partage le prix de la vente.”
Avec les quelques centaines de francs, je me suis acheté ma guitare. Emerveillement ! Une guitare classique à sonorité espagnole, qui devint ma compagne privilégiée pendant des années. Je lui donnai un prénom : Minna. J’empruntais les cahiers de chants de colo de mes sœurs et je recopiais patiemment à la main les paroles et les accords. De ma chambre résonnaient chaque jour les chansons de Moustaki, Brassens, Le Forestier, Hugues Aufrey… Je prenais aussi quelques conseils auprès de mes amies qui apprenaient la guitare classique et je m’entraînais à grand peine, seule, sur les méthodes pour débutants. J’avais mes morceaux favoris sur lesquels je revenais encore et encore, avec opiniâtreté.
Après-midis à chanter entre copines, veillées de colo, accompagnement des séances de chant de mes premiers élèves, quelques messes… Minna m’accompagnait dans mes sorties.
Et puis il y a eu les enfants. La guitare sortie de sa housse, toute désaccordée, de plus en plus rarement. L’habitude perdue. Le sentiment de ne plus savoir.
Elles insistaient pourtant régulièrement.
“Maman, apprends-moi à jouer de la guitare !
– Comment ferais-je, tu es gauchère ?”
Elles ont grandi avec la nostalgie de quelques rares soirées chantées.
Et puis depuis quelques mois, elles me la piquaient régulièrement, hasardant deci delà quelques accords.
Et voici que la plus grande a voulu une guitare pour son anniversaire.
“Maintenant maman, tu n’as plus le choix, tu te remets à jouer !”
A deux, c’est sûr, c’est plus motivant.
Délicieuses soirées à choisir les chants les plus faciles à jouer, à s’essayer à des duos. Comme la reprise était assez catastrophique pour moi, je me suis exercée seule aussi. Et l’envie est revenue. Miracle ! Les doigts savaient encore ce que la tête avait oublié !
Alors j’ai remis toutes les chances de mon côté. Des cordes neuves, un accordeur électronique – petit accessoire magique ! -, un peu de temps, et la maison résonne à nouveau d’arpèges. Quelques objectifs motivants. Le vieux répertoire qui fait plaisir, et une incursion dans celui de Taizé…
Minna, je sens que nous allons encore passer de bons moments ensemble, toi et moi…