J’avais glissé des livres dans ma valise. Des livres spirituels très sérieux, pour lesquels il faut du temps et beaucoup de silence. Plusieurs, parce que je ne savais pas d’avance lequel j’aurais envie de lire là-bas. A vrai dire, je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de m’y plonger. Pour aucun.
Et puis une nouveauté dans les couloirs de l’hôtellerie cette année, une table, avec de la lecture. Un peu de tout, des revues, des essais, des prières, des livres d’art. Celui sur Arcabas, je l’ai feuilleté avec joie en attendant un rendez-vous. Un autre m’a souri : le beau et limpide visage de frère Roger de Taizé. “Choisir d’aimer”. Celui-là, je l’ai pris et gardé quelques jours avec moi. Un livre compilé après sa mort, retraçant sa biographie à partir de différentes sources, avec en marge à chaque page des hommages de condoléances et de nombreuses photos, quelques passages écrits de sa main aussi. Frère Roger m’a bien rendu service, j’ai échappé à mes livres très sérieux et je me suis fait plaisir à l’âme et au cœur. Vraiment, plus je le découvre, plus je m’attache à sa personne, lui qui, selon la conclusion d’un des frères de sa communauté, est mort parce qu’il était trop innocent, que la lumière qui émanait de lui avait quelque chose d’insupportable pour qui est en proie aux ténèbres. Et je suis émerveillée de l’œuvre de frère Roger, partie de rien sinon de son très grand désir de parvenir un jour à l’unité des chrétiens.
L’année dernière, dans la même chambre, presque, je lisais “L’esprit de Tibhirine” de frère Jean-Pierre, le dernier rescapé, et Nicolas Ballet.
Et cette idée me plaît.
Avoir lu ces deux livres-là, là-bas, pendant ma retraite spirituelle. Y avoir perçu ce souffle qui m’habite en permanence : Dieu est au-delà des cadres étriqués, des religions trop normatives, des catéchismes et des lois canoniques. Le Père contemple avec amour tous ses enfants. Le Christ ouvre ses grands bras pour les attirer tous à lui. L’Esprit gémit de ne parvenir à les rassembler plus vite dans l’unité, mais par petites touches humbles comme une flamme de bougie à Taizé, comme une vocation cistercienne à Midelt au Maroc, il tisse des liens, ténus d’abord, mais qui finiront par l’emporter sur la blessure des divisions. C’est ce que j’espère, de tout mon être.