D’abord, nous avons été soumis à des injonctions contradictoires : des élèves demandeurs d’éclipse quelques jours avant, qui avaient des lunettes appropriées, qui s’intéressaient au phénomène. L’impatience qui grandissait. Et puis une circulaire ministérielle : il fallait confiner les enfants vendredi, ne pas sortir en récréation, leur interdire de regarder le soleil…
Présence d’esprit d’une collègue pragmatique et scientifique : nous organiserions des activités à l’intérieur, et si les enfants possesseurs de lunettes venaient avec une autorisation écrite par leurs parents, ils pourraient aller de temps en temps, accompagnés par un adulte, sur le perron de l’école pour observer.
Nous voilà donc dans une salle de classe vide habituellement, tous réunis des maternelles jusqu’aux CM2, et nous observons l’éclipse grâce à un logiciel en direct sur le tableau blanc interactif. C’est déjà fort intéressant et la lune progresse vite pour son rendez-vous avec le soleil. Dehors, consolation d’août 1999, le temps est radieux. Ceux qui sont munis de lunettes peuvent observer dans un ciel limpide le grignotage du soleil qui a commencé.
Puis les trois maîtresses s’improvisent astres : qui tient le soleil sous forme d’un ballon de handball, qui la Terre avec la lune en orbite autour d’elle, et qui tend une ficelle jaune pour figurer le rayon du soleil arrêté par le passage de la lune devant notre planète. Les yeux s’écarquillent. Les petites intelligences se mettent à comprendre le phénomène.
Pendant ce temps, la lune grignote encore et encore notre étoile, c’est net sur le TBI, c’est net aussi dehors. La luminosité baisse sensiblement, la température aussi. On ouvre grand les fenêtres côté ouest pour faire sentir la fraîcheur qui descend et observer la lumière inhabituelle. Puis les enfants, modèle au tableau, dessineront chacun le passage de la lune devant le soleil.
Une maîtresse montrera encore le phénomène avec un carton percé, puis avec une passoire. On voit nettement le croissant de soleil qui se démultiplie dans les trous de l’ombre portée.
Vers 10h30, retour à la salle du TBI. Nous recherchons à la hâte une ville des îles Féroé sur le globe et nous réglons le logiciel, et là, en quelques instants, le noir se fait sur l’écran : éclipse totale. On ne voit malheureusement pas la splendide couronne qui nous avait tant fait rêver en 1999 et dont je suis encore frustrée aujourd’hui – le temps était alors trop couvert.
Ce fut une matinée peu ordinaire pour un événement exceptionnel. Espérons que nos petits se souviendront que bien que “confinés” d’autorité, ils ont vécu quelque chose de cette éclipse dans leur enfance !