Un p’tit billet comme ça, pour ceux qui comprendront, et aussi ceux qui ne comprendront pas… Pour ceux qui l’ont vécu, et ceux qui se récrient à l’idée qu’on puisse le vivre…
J’ai le cœur gros parce que mon chat a disparu depuis une semaine. Ce n’est qu’un chat, diraient certains. Oui, mais pas n’importe lequel. C’est celui que j’aime.
Alors je revois tout : nos larmes quand il a fallu enterrer notre vieille et fidèle chatte il y a deux ans, et puis quelques jours plus tard, une collègue qui m’annonce qu’une femelle errante a caché une portée de quatre chatons sur sa terrasse. Elle est en train de les sevrer et ils ne savent pas quoi faire de tout ce petit monde qui galope sous leurs fenêtres.
“J’en veux un, ou deux !”
Ce fut le cri du cœur.
Le cœur qui battait aussi, au début de cet été-là, quand nous sommes allés chez eux avec la boîte à chat en ne sachant pas quelle bouille avaient les chatons, ni si nous rentrerions avec un petit le soir même. J’avais dit : “J’en prendrai deux, un mâle et une femelle, pour qu’ils ne s’ennuient pas.”
Les quatre adorables petites frimousses cachées dans des bambous. La maman chatte, toute noire, les quatre petits, blancs et tigrés. Coup de cœur. La gamelle de croquettes sur la terrasse, et les petits affamés qui s’approchent. Ma collègue parvient à capturer le plus gourmand. Il crachote et se débat, mais nous le tenons, c’est un mâle. Ma fille le calme et le serre contre son cœur. Première photo. Nous tentons encore de récupérer une femelle, mais en vain. Un autre mâle se laisse attraper et s’enfuit, non sans griffer mon amie. L’après-midi passe, ils ne se montrent plus.
Nous repartons, notre chaton dans la boîte, il miaule à fendre l’âme et ce rapt nous donne mauvaise conscience.
Trois jours à l’entendre miauler et cracher derrière les appareils ménagers et les meubles les plus inaccessibles. Sa faim le fait sortir, manger à la hâte, puis disparaître à nouveau. Nous ne le brusquons pas.
Après, c’est une longue histoire d’éducation, de rires et d’énervement, de bêtises de toutes sortes et de premiers câlins.
A sa première visite chez le vétérinaire, je suis gratifiée d’un “Vous l’avez très bien domestiqué”.
Le kidnapping a été rude pour lui, mais ses frères et sœurs n’ont pas eu la chance de trouver un foyer, sont-ils encore en vie à l’heure qu’il est ? Nul ne le sait… Sa mère, après plusieurs autres portées sauvages, a été prise par la fourrière.
Longue éducation, grands moments de joie avec lui. A trois mois, nous lui rendons la liberté et l’espace. Il s’épanouit et gambade dans le jardin et les alentours. Il fraternise avec les autres chats et se fait accepter dans le quartier, y compris par les voisins. Il est resté petit et fluet, une mascotte au royaume des chats du village. De plus en plus indépendant aussi, et nous vivons des angoisses répétées quand il disparaît deux ou trois jours d’affilée.
Voilà, cela fait une semaine que je n’ai pas revu mon chat de deux ans, et j’ai le cœur gros. J’enquête, je mets des affiches et des flyers dans les boîtes aux lettres, je suis émue de la compassion du voisinage, chacun y va de son petit commentaire attristé, et j’attends.
J’aimerais entendre son gros miaulement sonore dans la cave. J’aimerais que le niveau des croquettes diminue dans son écuelle. J’aimerais. J’aimerais que ce billet ne soit pas un hommage d’adieu à mon petit compagnon épris de liberté…