Qu’est-ce qu’être une femme libre ?
Pour moi, cela n’a rien à voir, contrairement à ce que l’on pourrait supposer a priori, avec le libertinage ou avec une vie sentimentale libre de toute contrainte, voire débridée. Car la femme qui demeure dans la nécessité de la séduction n’est pas libre. Elle demeure soumise au regard de l’autre, dépendante de ce regard.
Sœur Emmanuelle écrivait dans “Cent ans d’amour” (extrait de “Le paradis c’est les autres”) ces lignes qui m’ont beaucoup plu :
“Non, je ne crois pas que les femmes européennes dans leur ensemble soient libérées. J’ai connu une femme écrivain qui raconte dans un de ses livres comment, folle d’amour, elle en était arrivée à passer la nuit sur le paillasson de l’élu de son cœur pour être sûre de pouvoir lui parler le matin. Quand je l’ai revue après avoir lu son livre, je lui ai dit : “Ecrivez donc un livre sur une femme libérée de tous les hommes. Une femme libre qui s’en fiche que l’homme la regarde ou ne la regarde pas ! Elle existe, elle !” (Cent ans d’amour, p 183, © J’ai lu)
Je souscris complètement à ce passage. J’ai ressenti la vraie liberté le jour où j’ai cessé de désirer plaire aux autres, aux hommes en particulier. Cela ne signifie pas commencer à négliger son apparence. Ce n’est pas du tout cela, on peut être coquette pour soi-même, sur le conseil d’une amie, de sa fille… Mais quelle liberté que de ne plus jamais chercher à séduire ! Quelle liberté d’oser avoir un regard réaliste sur l’autre, sans l’idéaliser ! Quelle liberté d’oser être soi-même au risque de déplaire ! C’est là que naît la liberté de pensée et de parole.
Bien sûr, il convient d’avoir des freins. L’Evangile en est un excellent. “Ne pas chercher à plaire aux hommes, mais à Dieu.” Sœur Emmanuelle avait bien sûr ce souci premier. Plaire à Dieu par son être et son agir devrait être notre unique souci.
Je ne dis pas que ce soit possible quand on vit en couple ou qu’on désire en fonder un. La psychologie nous rebat les oreilles de la nécessité d’entretenir le désir et de ménager la susceptibilité de nos partenaires hommes sinon “ils iront voir ailleurs” (comme si l’adultère leur était reconnu comme un droit naturel et excusable, héritage de siècles de patriarcat).
Je ne dis pas non plus que les religieuses sont forcément libérées de ce souci de plaire. Il y a une manière de vouloir plaire à son supérieur, à son confesseur, à son curé qui peut être aliénante même si elle est totalement chaste.
La femme libérée de “tous les hommes”, oui, celle-là est véritablement libre et elle savoure l’existence !