Tu as la foi, une foi ardente. Tu participes à la messe dominicale, peut-être assumes-tu même des services comme la catéchèse, le fleurissement, la bonne marche de la vie paroissiale.
Un jour, tu as pris en Eglise un engagement de mariage. Tu y croyais, en cet autre que tu avais choisi(e) avec amour. Il, elle t’avait donné des gages d’attachement, vous partagiez une même volonté de poursuivre ensemble le chemin de vos vies, des désirs d’enfants, des désirs tout court.
Pourquoi vous vous êtes mariés à l’église, ce n’est pas toujours aussi clair. La tradition familiale, au moins chez l’un des deux. La foi sincère peut-être. Le besoin d’y ajouter du sacré. La cérémonie plus jolie, plus solennelle, les photos plus émouvantes. Le sentiment de s’engager dans un mariage plus complet. Le désir de le confier à Dieu. La nécessité de sceller l’union dans votre foi. Le désir sincère de vivre ce moment en Eglise.
Parfois, tout simplement, et malheureusement, avoir cédé à la pression de la famille – les parents, les grands-parents, l’entourage et ses bavardages. Je connais tant de ces cas ! C’était courant à l’époque où je me suis mariée – pour ma part, sans céder à cette pression, qui nous avait vus honnis un moment.
Il y a eu les années bonheur, les enfants, l’enthousiasme de l’installation dans un chez soi.
Et puis ensuite, tout un tas d’événements peuvent survenir. L’autre qui se révèle très différent du visage qu’il composait avant, et la vie commune peut devenir un enfer. Egoïsme, fuite des responsabilités, loisirs qui prennent le pas sur tout le reste, stress professionnel, enfants difficiles, ingérence de la belle-famille, communication violente voire coups, addiction à l’alcool, aux jeux, au sexe malsain, problèmes financiers voire chômage, maladie qui mine la personne, amis de mauvaise influence, fatigue de l’un non respectée par l’autre, adultère… Il y a tant et tant de raisons pour lesquelles un couple se déchire ! Ce n’est jamais une seule cause qui fait que l’union finit par éclater. Il y a ceux qui partent pour poursuivre un rêve d’adolescence illusoirement retrouvée, celles qui demandent le divorce parce que la coupe est pleine tandis que l’autre attend lâchement qu’elle le fasse pour ne pas être celui qui sera montré du doigt, il y a les meurtrissures de la vie qui entraînent un désamour profond et durable, il y a des comportements narcissiques qui rendent la vie commune insupportable…
Ensuite, la longue et douloureuse épreuve du divorce. Toutes les remises en question quotidiennes que cela entraîne. La détresse des enfants à accompagner. Les difficultés financières qui vont s’en suivre, pour longtemps. Les jugements à l’emporte-pièce de l’entourage qu’il faut endurer sans se laisser détruire.
Un long tunnel à traverser.
Je pense à toi qui un jour, as rencontré dans ta solitude si lourde, si pleine de responsabilités à assumer en solo, une âme dans laquelle épancher la tienne, un regard dans lequel revivre, des bras entre lesquels vibrer à nouveau et se consoler. Je pense à toi, à vous deux qui avez voulu reconstruire un couple, y croire à nouveau, fonder peut-être une nouvelle famille. Je pense à toi qui n’avais pas forcément le courage et la vocation à 30, 40, 50 ans ou plus, de poursuivre ta vie en solitaire jusqu’au bout.
Et je pense à toi qui as peut-être une foi ardente, et j’en reviens à la première ligne de ce billet.
Voilà.
Quand le prêtre prononce, “Prenez et mangez en tous”, tu sais que c’est tous, sauf toi et ton nouveau conjoint. Tu sais qu’au vu et au su de tous, tu resteras dans le banc. Tu sais que pour les fautes, légères ou graves, que tu as pu commettre ces derniers temps et dont tu aurais besoin de te confesser, tu n’as pas le droit – définitivement pas le droit – d’obtenir le pardon qui relève, la douce miséricorde de Jésus.
Ces derniers mois, tu as espéré.
Mais la porte va se refermer, et ils auront décidé que non, tu demeures dans un péché impardonnable et que la miséricorde du Seigneur comme son Corps qui fortifie la foi te seront encore refusés.
Alors aujourd’hui, je m’imagine à ta place. Parce qu’un bout de ton histoire, je l’ai vécu aussi. Parce que l’autre bout de ton histoire, j’aurais très bien pu le vivre aussi. Je m’imagine à ta place, et j’ai mal pour toi. J’ai mal pour cette Eglise qui ne distribue plus la nourriture en temps voulu à nombre de ses fidèles…
4 commentaires
Je copie ici le commentaire de Claire, qui est malencontreusement sous le billet qui suit celui-ci.
Claire : “Un amendement voté à une voix près au synode…impossible à prévoir il y a encore 24 h..et surtout, une parole qui est plus libre quelques soient les sensibilités des évêques..malgré les apparences, je crois que l’ Esprit soufflait aussi sur ce synode, porté par la prière de beaucoup de catholiques! Bon dimanche..”
Je me réjouis aussi du discours de clôture du pape François, une ouverture apparaît finalement vers le discernement individuel des situations. Alléluia !
http://www.news.va/fr/news/conclusion-du-synode-francois-appelle-a-lire-les-r
Merci Véronique pour vos lignes si vraies que je découvre ce matin. J’étais très pessimiste mais c’était sans compter sur la volonté affirmée du pape François, sans avoir assez de foi en l’Esprit Saint qui continue à agir dans ce monde contemporain si décrié mais aussi qui a ses valeurs. Il semble que ce pape nous conduit progressivement tous à des attitudes plus évangéliques.
Bon dimanche dans l’espérance du royaume de Dieu sur terre.
Brigitte
Chère Véronique, comme je suis touchée par ce que vous écrivez ! J’en pleure car je sais que beaucoup de gens, qui ont des richesses spirituelles à partager, vont s’éloigner encore de l’église catholique – du moins si la fermeture se confirme, ce que j’ai encore peine à croire. Que faire, dès lors, pour redonner de l’espérance à des personnes que l’on prétend exclure de façon “définitive” ? C’est Jésus que l’on défigure avec de telles condamnations. Je crois toutefois que l’Eglise du Christ est bien plus large, plus haute et plus profonde que celle qui risque d’apparaître à la fin de ce synode. Sans parler de la grande Eglise invisible ou “mystique”, il y a sur cette terre des confessions orthodoxes, anglicanes, protestantes, qui sont chrétiennes et comprennent la vie autrement, comprennent la vie. Je souhaite que tous ceux qui se sentiront rejetés (si tel est le cas) aillent là, chantent, prient et communient là avec leurs enfants, dans la joie des assemblées, plutôt qu’abandonner la foi en Jésus-Christ, notre sauveur à tous.