Le Jubilé de la Miséricorde est lancé. C’est une belle et bonne idée de notre pape François. Savoir à nouveau se reconnaître pécheur, en concevoir du remords, accomplir la démarche coûteuse mais sanctifiante de confesser ses péchés à un prêtre, recevoir la grâce libératrice du sacrement de la réconciliation. C’est un très beau chemin de conversion. Je peux témoigner que bien des nœuds de mon histoire personnelle ont été défaits par ce petit miracle qui nous est donné gratuitement dans la foi. C’est à mon sens une étape indispensable de notre vie ecclésiale, c’est une des raisons fortes pour lesquelles je me réjouis d’avoir été baptisée catholique. J’ai beaucoup de respect voire d’attirance pour la foi protestante, mais ce sacrement-là, tout comme l’eucharistie, me manquerait indiscutablement si j’avais été baptisée dans une autre église chrétienne.
Il y a cependant en moi un questionnement lancinant. Je ne suis pas dans le secret du confessionnal, ni dans l’âme du prêtre qui pardonne au nom de Jésus.
Ces jours-ci, le pape François répète à l’envi : “Dieu pardonne tout.”
Eh bien, c’est une formule qui m’incommode. Suis-je pharisienne dans l’âme, à me croire juste tandis que les autres ne le seraient pas ?
Nous connaissons l’exemple flagrant de l’avortement. Sont excommuniés “latae sentetiae” celles et ceux qui ont consenti ou participé à un avortement. Le pardonner relève normalement de la compétence d’un évêque, c’est d’ailleurs pour cette raison que les “missionnaires de la Miséricorde” auront cette année mandat spécial de pouvoir pardonner cet acte. Je ne fais que constater cet état de fait, je ne porte ici aucun jugement personnel sur cette loi interne de l’Eglise.
Mon questionnement est le suivant : qu’en est-il de certains crimes d’une gravité extrême, “Dieu pardonne tout” signifie-t-il qu’hormis l’avortement, le prêtre a le pouvoir, par la grâce de son ministère, de pardonner toute autre faute ? Et pourquoi, justement, cette distinction ?
“Dieu pardonne tout” me laisse toujours songeuse quant à tous les grands crimes qui ne sont pas mentionnés dans l’Evangile. “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font” a dit Jésus avant d’expirer sur la croix pour que le Père pardonne à ses bourreaux. C’est lui, victime, qui en fait la demande à Dieu son Père. Qui d’autre que la victime peut faire pareille demande ?
J’observe que dans l’Evangile, Jésus pardonne à beaucoup de femmes et d’hommes leurs péchés. On pourrait lister des situations : adultère, prostitution, cupidité sont ceux qui sont mis en relief.
Nulle part, dans aucune page de l’Evangile, il n’est question du viol. Il n’est jamais mentionné : ni consolé, ni pardonné. Le Christ Jésus a enduré le pire – sauf ça.
Je me pose toujours la même question : que font les prêtres quand un homme confesse un viol ? Le pardonnent-ils au nom de Jésus, s’interrogent-ils sur le devenir de la victime au moment même où ils donnent l’absolution ?
Un viol laisse des traces indélébiles. La victime en souffrira pour toujours dans sa chair et dans son âme, souvent, il infléchit le cours de sa vie, la rendant plus difficile qu’elle n’aurait pu l’être sans ce traumatisme.
Je me dis que ce n’est pas un hasard si l’Eglise fait preuve d’une sévérité extrême pour l’avortement, qui concerne principalement les femmes (mais derrière un avortement, il y a bien souvent une paternité non assumée…) et qu’on constate un flou pour le viol qui est un crime presque exclusivement masculin. Mansuétude de toujours pour ceux du même sexe que soi…
“Dieu pardonne tout.”
Je ne sais pas si le Père étreint le violeur dans un grand geste de tendresse et l’absout pour qu’il soit pleinement lavé de son crime, tandis que sa victime souffre encore jusqu’au dernier de ses jours, sans réparation possible…
7 commentaires
je pense que dans le monde aujourd’hui beaucoup d’entre nous se retrouvent dans des situations ou personnes ne peut ou n’ a le droit ou de tuer l’autre dans son incapacité a punir l’autre pour ses fautes. le Christ nous le rappelle en disant, “je ne suis pas venu pour les justes mais pour les pécheurs.” pourquoi sommes nous toujours prêts à tuer, condamner, à penser que nous sommes plus sobres et juste que les autres? Le Christ lui même le rappel à cette foule qui s’apprête à tuer cette femme adultère: “que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre”. alors je pense que le péché dans le secret du confessionnel seul Dieu tient les âpres de du pardon et par le prêtre qui est l’un des ministères ordinaires la charge lui revient de conduire son peuple.
Bonjour Alexandre, je ne comprends pas bien votre commentaire que je ne trouve pas très clair. Mon propos n’était pas ici de juger autrui, mais de mettre en relief le fait qu’un prêtre pouvait peut-être donner abusivement une absolution pour un viol au mépris du fait que la victime en souffre, elle, pour toujours.
J’écrivais cela en 2015, cinq ans après nous avons eu maints exemples de l’iniquité de prêtres violeurs d’enfants ou de jeunes femmes voire de religieuses, qui ont parfois été absouts avec un mépris total des conséquences pour leurs victimes ni consolées, ni indemnisées encore à l’heure qu’il est – tout en sachant évidemment qu’aucune indemnisation ne viendra à bout des conséquences de leurs traumatismes.majeurs.
Je me permets cette parole car je suis une femme à l’écoute de ce type de détresses, qui ne sont souvent pas comprises dans une Eglise dans laquelle les décideurs sont exclusivement des hommes célibataires qui ne se sont que trop couverts entre eux jusqu’ici. Et je sais que je choque en avançant cela, mais je ne suis pas sûre qu’un prêtre soit habilité à donner le pardon pour de telles abjections qui ne sont peut-être pas aussi facilement absoutes en Dieu. Je rappelle une fois de plus qu’il n’y aucun exemple de miséricorde de la part du Christ vis-à-vis d’un coupable de viol dans l’Evangile, qui plus est d’un coupable de viol en situation d’autorité spirituelle sur autrui et donc sur sa victime. Ce sont des faits gravissimes pour lesquels la mansuétude de Dieu n’apparaît nulle part dans les Ecritures.
La comparaison avec la femme adultère est totalement hors de propos, car son amant était sans doute consentant à l’acte, ils ont agi en adultes responsables, tandis qu’une victime de viol n’est jamais consentante et demeure traumatisée à vie.
Mademoiselle, effectivement il n’y a pas d’exemples tant typiques dans la Bible. Mais il faut savoir que la misericorde de Dieu est tellement grande que l’on ne peut s’imaginer. La salvation a eu lieu avant et sans nous. De meme le christ est mort avant nous et par ricochet il nous a pardonnés et son pardon n’a pas de mesure ni de cas. Le pretre, c’est le représentant du Christ sur terre. Merci
Monsieur, merci de m’appeler Madame.
Je constate ici une étrange solidarité masculine pour dénier la gravité de crimes perpétrés au sein même de l’Eglise.
Quant à dire que le prêtre est le représentant du Christ sur la terre, il l’est à l’unique moment de la consécration eucharistique, et non dans ses faits et gestes qui peuvent relever du droit pénal comme pour n’importe quel individu. Sinon on perpétue le cléricalisme que même le pape François combat.
Et quant aux limites, ou non, de la miséricorde de Dieu, qui que vous soyez, vous n’en savez pas plus que moi. C’est trop facile de croire pouvoir se permettre toutes les exactions possibles au motif que tout est déjà pardonné d’avance. Tel n’a jamais été le message du Christ lui-même.
C’est effectivement étonnant que le crime d’ avortement n’ ait pas le même statut canonique que le crime et le viol..Permettre à tous les prêtres de l’ absoudre sans demander une autorisation, comme le crime et le viol est à mon avis une bonne décision du pape François..L’ absolution n’empêchera pas la justice de Dieu d’advenir, conjointement à la miséricorde, je n’ en doute pas..comment, je ne sais pas, tout comme vous Véronique !
Pardonner, c’est aussi se libérer (ce n’est pas seulement ça). Tant qu’on n’a pas pardonné, la haine nous ronge le coeur. C’est parfois extraordinairement difficile, il faut faire appel à Dieu pour qu’il nous aide à le faire.
Oui Alain, c’est vrai, mais ce n’est pas mon propos ici. Je parle d’accorder le pardon de la part de Dieu, par le ministère du prêtre, alors que la faute n’est pas réparable et que la victime n’est pas assez prise en compte. Si la victime elle-même a pu pardonner,c’est très fort et la voie est ouverte pour le pardon du coupable, mais comment penser que Dieu accorde son pardon indifféremment à la souffrance toujours présente, toujours actuelle de la victime ? Le coupable serait donc dans la joie du pardon et la victime dans la souffrance des conséquences de l’acte ? Je crois en un Dieu de miséricorde mais aussi de justice…