Ça m’est arrivé il y a trois ans, pas à Noël mais en février. J’y ai repensé aujourd’hui en lisant la liturgie du jour.
J’avais rendez-vous avec une religieuse dans un couvent un peu perdu dans la montagne, et il y avait, là-haut, beaucoup, beaucoup de neige. Elle m’avait donné de bonnes indications pour trouver le couvent, et tant bien que mal, j’y suis arrivée. Entretien de pure grâce.
L’heure tournait, quand je suis repartie, il était près de 17h, le soir allait tomber et la brume s’insinuait en même temps. Près du couvent, il y avait une vieille ferme, peut-être aussi une ou deux maisons. Et rien d’autre que la forêt, des chemins tout enneigés et des routes en lacets pour regagner la vallée.
Je n’ai pas le sens de l’orientation. Tous ceux qui me connaissent le savent. En quittant le couvent, j’ai dû louper un virage à un moment, et je suis partie dans la mauvaise direction. Avec la neige partout, difficile de voir la différence entre une petite route et un chemin de forêt. Bref, je me suis engagée dans un de ces chemins, montant légèrement, jusqu’à voir que j’étais dans une impasse. Devant moi, la lisière de la forêt et un tracteur abandonné là. Tout autour, la neige. A ma gauche, un petit ruisseau dans un fossé. Impossible de faire demi-tour, c’était trop étroit. Je n’avais plus qu’une solution : faire marche arrière. Et c’était fort périlleux, avec la brume de plus en plus épaisse.
J’y suis allée le plus lentement possible, distinguant très mal le chemin à l’arrière, et cela me fut fatal : je roulais un peu trop à gauche et ma roue arrière est descendue vers le fossé, jusqu’au point où je suis restée bloquée, ne pouvant plus faire ni marche avant, ni marche arrière. Le risque de glisser entièrement dans le ruisseau était réel si je bougeais encore un peu. Je suis sortie de la voiture pour constater ma triste situation. Un grand moment de solitude. La nuit allait tomber, et moi j’étais là, avec ma voiture impossible à bouger, dans une forêt au milieu de nulle part. Que faire ? On rassemble ses idées et on n’en trouve aucune.
Au bord des larmes, honteuse, je me rassois dans ma voiture.
Soudain, à ma portière, un homme venu vraiment de nulle part.
“Mais qu’est-ce que vous faites là ?”
Il a un accent indéfinissable.
Je balbutie quelques mots, il me devance :
“Je suis chez des amis, je vais vous aider. Est-ce que vous avez un crochet à l’arrière de votre voiture ?”
On fouille dans le coffre, jusqu’à trouver un crochet amovible. Après, je le laisse faire, je ne suis plus à un étonnement près. Il a tout ce qu’il faut : un câble, la clé du tracteur qui est au bout de chemin. Il va le chercher, y attache ma voiture et la tire du fossé. Il m’aide à faire la manœuvre périlleuse pour sortir du chemin. Je le remercie, bien sûr, mais c’est comme si c’était quelqu’un qui n’attendait aucun remerciement. Ambiance étrange de salut et d’évidence. Il m’indique encore la bonne route, et je rentre chez moi le cœur un peu battant mais sans aucun problème.
Quand, le soir, j’ai raconté l’histoire sur le ton de l’humour sur les réseaux sociaux, un ami facétieux m’a dit : “C’était un ange.”
Alors ce matin, en lisant cet extrait de la naissance de Samson, j’ai repensé à mon étrange aventure…
“Un homme de Dieu est venu me trouver ;
il avait l’apparence d’un ange de Dieu
tant il était imposant.
Je ne lui ai pas demandé d’où il venait,
et il ne m’a pas fait connaître son nom.”
Juges 13, 6
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