En ce troisième jour de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, je voudrais évoquer ce qui empêche souvent les paroles porteuses d’unification d’émerger. Oui, elles restent bien souvent étouffées, en particulier du côté des catholiques, en raison de la toute-puissance du Magistère. C’est ainsi, il a été décidé, écrit, proclamé que « La charge d’interpréter authentiquement la parole de Dieu écrite ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église, dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ. Ce Magistère n’est pas au-dessus de la parole de Dieu ; il la sert, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque, en vertu de l’ordre divin et de l’assistance du Saint-Esprit, il écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l’explique fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il nous propose à croire comme étant divinement révélé.» ( Dei Verbum, paragraphe 10).
Et ainsi, toute parole qui dévierait de la doctrine officielle de l’Eglise catholique est considérée comme hérétique. Et l’hérésie est passible d’excommunication. Quelles que soient la sincérité, l’authenticité et la vérité d’une inspiration spirituelle, si elle est considérée comme non conforme à la doctrine validée par le Magistère, elle est balayée d’un revers de la main. Soit on est poliment ignoré, soit on est encouragé à se taire et à rentrer dans le rang, soit on voit se profiler la menace de l’excommunication. Martin Luther en fit l’amère expérience. Et pour bon nombre de catholiques d’aujourd’hui, les protestants sont toujours rien moins que des hérétiques.
Or, il me semble qu’il y a dans cette loi interne du catholicisme une injustice profonde : le Magistère ne sera toujours, exclusivement, qu’une affaire d’hommes – au sens masculin du terme. Si je crois sincèrement en la succession des Apôtres, en la légitimité de nos évêques et de notre pape, je ne me résous pas pour autant à croire qu’ils aient tous l’Esprit Saint de manière supérieure par l’effet du sacrement de l’Ordre. Comment peut-on seulement supposer que la moitié du genre humain, depuis 2000 ans, soit naturellement privée de la possibilité d’interpréter la Parole de Dieu ? Car finalement, on aboutit à cette aberration : ce sont des hommes, exclusivement, qui ont tricoté la doctrine catholique, souvent inspirés par l’Esprit Saint, certes, mais pas uniquement ! Toute cette doctrine est passée par le filtre de l’esprit masculin, et elle est donc forcément marquée par une façon de raisonner propre aux hommes.
Une femme se présente-t-elle, qui reçoit une inspiration spirituelle en inadéquation avec la doctrine officielle, elle est d’emblée disqualifiée. C’est même un critère de discernement ultime pour l’Eglise. Les hommes d’Eglise chargés de discerner décideront que ce qui n’est pas conforme au Magistère est forcément faux. Les papes et les évêques de tous les temps sont censés avoir eu raison. Certaines de leurs paroles sont même qualifiées d’infaillibles. Au final donc, toute femme osant une interprétation différente des Ecritures sera déboutée, écartée, au besoin excommuniée. Voilà où on en arrive quand on a affaire à une institution exclusivement masculine.
Le Saint Esprit a parfois bon dos…
2 commentaires
Bonjour Véronique,
pour une fois je ne suis pas tout à fait d’accord… on a quand même 4 femmes docteur de l’Eglise (Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, Thérèse de l’enfant Jésus, Hildegarde de Bingen), alors certes ça ne fait que 10% du total de docteurs de l’Eglise, mais ça invalide malgré tout l’affirmation que ça serait “un critère de discernement ultime pour l’Eglise” que de disqualifier d’emblée toute parole de femme. Et ce ne sont pas les seules saintes qui ont eu une influence considérable dans l’Eglise : après tout c’est à des femmes que Jésus ressuscité est apparu en premier, certaines ont collaboré avec les apôtres (Lydia, Priscille, etc…), il y a un chapelet interminable de saintes… Bref, quand on est chrétien, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, ni juif ni païen, ni homme ni femme… Alors certes, un grand nombre de prêtres sont facilement misogynes, mais je pense que c’est plus par frustration que par conviction théologique. De là à dire que les femmes sont disqualifiées d’emblée de tout droit à être des théologiennes, il y a un fossé qu’il me semble bien injuste de franchir, non?
Fraternellement 😉
Bonjour Padre, et merci de votre passage !
Il faudrait reprendre ma phrase jusqu’au bout :
“Une femme se présente-t-elle, qui reçoit une inspiration spirituelle en inadéquation avec la doctrine officielle, elle est d’emblée disqualifiée.”
Le problème n’est pas tant le fait d’être une femme que d’avancer une inspiration spirituelle qui ne cadre pas avec le catéchisme de l’Eglise catholique ! C’est cela que je qualifiais de critère ultime. A mon avis, la Révélation est aujourd’hui verrouillée dans l’Eglise catholique. On ne peut dévier de la théologie officielle.
Le pape François a souvent de très belles paroles, qui me rendent espoir, quand il parle des “surprises de l’Esprit Saint”, mais sur le terrain, au contact avec des hommes d’Eglise chargés de discerner, je puis affirmer par mon expérience personnelle qu’ils ne sont pas ouverts à ces “surprises” et me renvoient à la doctrine officielle de l’Eglise ! D’autre part, vous devez savoir qu’un critère de rejet existe, c’est celui d’une affection psychique. C’est bien injuste aussi. “Car ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi.” J’ai beau travailler (et dur…) depuis 11 ans sans aucune interruption due à mes troubles de l’humeur – soignés ! – on a le droit de m’écarter d’un revers de la main en matière d’apport spirituel à l’Eglise pour cette raison… Et je ne parle là que de ma propre expérience, je ne fais pas de théorie.
Amitiés