On s’est beaucoup agité, ces derniers jours, au sujet d’une correspondance privée entre Jean- Paul II et une “femme philosophe et mariée”, d’aucuns y reniflaient un scandale bon à jeter le soupçon de l’opprobre sur l’Eglise en un de ses membres une fois de plus.
Je ne sais pas grand-chose de cette “affaire”, mon propos n’est donc pas d’en commenter les détails. Je voudrais plutôt m’attacher au fond, à ce qui a fait dire au Pape François l’autre jour, dans l’avion qui le ramenait du Mexique : “On n’a pas encore compris tout le bien, en aide et en conseils, qu’une femme peut apporter à un prêtre, à l’Eglise”. Et de souligner qu’ “une amitié avec une femme n’est pas un péché.”
Merci, Pape François ! Il convenait que cela fût dit.
L’esprit du monde verra vite du péché, ou du moins du désir et de la consommation charnelle là où il n’y a que de l’amitié spirituelle entre une femme croyante ou en recherche et un religieux.
Diantre ! Avec toutes les correspondances que j’ai déjà eues dans ma vie avec des prêtres ou des moines, la plupart sans que je les rencontre jamais d’ailleurs, je devrais donc être source de scandale et de compromission pour eux !
Que l’on retrouve un peu de bon sens et d’humanité avant de juger inappropriés les liens qui peuvent se tisser entre une femme – mariée ou non – et un homme d’Eglise. A qui pouvons-nous confier nos quêtes, nos tourments et nos joies spirituelles sinon à un homme d’Eglise ? D’une part nous ne pouvons nous confesser qu’à un homme, cela va de soi, et d’autre part il nous sera toujours reproché, spirituellement, d’être “en roue libre”. J’ai essayé par deux fois de me confier à des religieuses. Ce ne fut pas très concluant. Beaucoup de bienveillance, mais un certain conformisme aussi, et toujours la conclusion ultime : elles n’ont pas le charisme de discernement nécessaire – je pense plutôt qu’on le leur a confisqué…
Et d’ailleurs, quand dans le cadre strict de l’obéissance ecclésiale, j’ai demandé conseil à qui de droit dans mon entourage ecclésial, on m’orientait vers tel prêtre ou telle abbaye masculine. Une confiance spirituelle ne s’instaure pas en une entrevue. Il faut “ajuster” deux âmes. J’ai subi beaucoup de rejets spontanés, qui blessent l’esprit et entament la confiance en soi et en l’Eglise. Mais j’ai aussi vécu – et vis encore – de très fécondes amitiés spirituelles, qui m’aident à aller de l’avant. Quand une telle amitié s’instaure, on peut aussi avoir de petites attentions l’un pour l’autre : se souhaiter sa fête par exemple. Prendre des nouvelles quand l’autre est malade ou traverse une épreuve. Encourager. Et surtout, surtout, prier l’un pour l’autre. Il y a le “visible” d’une amitié spirituelle : les lettres, les mails, mais surtout, encore plus fort, cet invisible qui échappe à tous : une intense communion de prière. C’est là qu’une telle amitié porte du fruit, et pas seulement pour celle qui était en demande, mais aussi pour celui qui est chargé d’accompagner et de discerner.
Je commenterai un dernier point : on s’est offusqué que l’amie philosophe de Jean-Paul II ait été mariée. Est-ce à dire que son mari aurait pu tenir la place de Karol Wojtyla dans cette relation-là ? Certainement pas ! Gageons que cette femme avait une haute idée de la spiritualité, une vraie recherche de vérité, de morale, de grandes aspirations à la sainteté peut-être. Ce n’était sans doute pas de trop que ce correspondant-là fût cardinal, et même pape. De même que l’on ne fait pas soigner son corps par son mari, de même n’élève-t-on pas son âme au contact de son seul conjoint. Il faut sortir de cette vieille croyance héritée de saint Paul et du catéchisme. Un seul époux élève l’âme de son épouse, c’est le Christ. Encore faut-il passer parfois par un homme d’Eglise pour mieux le rencontrer, Lui.
Source image : http://vincentiens.org/saint-vincent-de-paul-et-sainte-louise-de-marillac-leurs-relations-dapres-leur-correspondance-chapitre-iii/
4 commentaires
Tentative 2
Je suis d’accord sur ce que vous écrivez mais je serais plus modéré que vous car rien ne peut être généralisé. Rien.
Tout dépend de notre chemin de vie et d’expérience mais je ne vois pas pourquoi un clerc serait le mieux placé pour être le réceptacle des ” confidences ” d’une femme.
A qui pouvons-nous confier nos quêtes, nos tourments et nos joies spirituelles sinon à un homme d’Eglise ?
Je vous avoue ne pas comprendre cette phrase.
Bonjour Hélios, comprenez : nos quêtes spirituelles, nos tourments spirituels, nos joies spirituelles…
Je ne sais pas qui vous permet d’avancer, mais dans mon cas, ce sont des moines et des prêtres qui ont éclairé mon chemin de foi, des religieuses aussi, oui, mais dans une moindre mesure. En aucun cas mon entourage proche n’était capable de répondre à mes questionnements très profonds, il m’aurait plutôt fait encore et encore régresser.
Merci Véronique pour ce billet qui complète bien le précédent sur l’ordination des femmes.
Bonjour Simone, bienvenue à vous et merci pour ce commentaire aimable ! 🙂